Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄

Τίτλος:Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
 
Τόπος έκδοσης:Κέρκυρα
 
Εκδότης:Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών
 
Συντελεστές:Κώστας Δαφνής
 
Έτος έκδοσης:1984
 
Σελίδες:364
 
Θέμα:Ο Καποδίστριας στην Ελβετία
 
Τοπική κάλυψη:Ελβετία
 
Χρονική κάλυψη:1813-1814
 
Περίληψη:O τέταρτος τόμος του ΑΡΧΕΙΟΥ ΚΑΠΟΔΙΣΤΡΙΑ καλύπτει, την αποστολή του Καποδίστρια στην Ελβετία το 1813-1814, που είχε για στόχο την απόσπασή της από τη γαλλική κηδεμονία και την ενότητα και ειρήνευση της χώρας, που θα εξασφάλιζε ένα Σύνταγμα κοινής αποδοχής. Ο Καποδίστριας πέτυχε στην αποστολή του αυτή και η επιτυχία απέσπασε την εκτίμηση και την εμπιστοσύνη του Αυτοκράτορα της Ρωσίας και άνοιξε το δρόμο για τη μετέπειτα λαμπρή σταδιοδρομία του.
 
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Εμφανείς σελίδες: 220-239 από: 454
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Helvetique n’auront pas laissé ignorer au gouvernement provisoire combien il fut accueilli.

Dès ce moment on devait s’attendre à voir les autorités temporaires du pays s’occuper des moyens d’établir un gouvernement stable et définitif, d’autant plus que déjà dans sa lettre du 26 mai, le Conseil avait paru impatient de s’affranchir des inconvéniens d’un mode transitoire continué, disait-il, depuis cinq mois. Dès ce moment aussi il devenait indispensable de revoir la constitution dont la formation du gouvernement n’est qu’une partie; de l’assimiler avec prudence et sagesse à celle des cantons limitrophes, et de la soumettre à la considération des soussignés aussi bien que des confédérés intéressés également à y trouver tout ce qui peut assurer la tranquillité et le bonheur du Valais.

Cependant les Ministres Impériaux et Boyaux n’apprenant d’aucun coté jusqu’à quel point ces travaux ont été conduits ni quels en sont les derniers résultats ne peuvent qu’inviter enfin le gouvernement provisoire de vouloir bien s’en expliquer avec eux sans délai comme d’un objet soumis nécessairement à l’action immédiate des principes régulateurs de la Suisse dont la réconstitution fédérale approche à grands pas.

Zurich 3 août 1814

signé

Schraut,

Schaffort Canning

Capo d’Istria

Ch.-E. de Bivaz, l’un des hommes politiques les plus éminents du Bas-Valais, a ajouté à la copie de cette note: «On leur répond le 14 août que les retards à la formation de notre nouvelle constitution tiennent à l’incertitude ou le Valais est resté sur l’issue de ses demarches pour être reçu comme Canton Suisse. Les ministres répondent le 12 7bre, et montrent combien ce pretexte est futile.»

C’est probablement pour presser le mouvement que Canning, que nous avions trouvé à Genève à la fin du mois d’août, retournant à Zurich, passe par Sion, où il s’entretient avec la gouvernement du projet de constitution qu’il juge, semble-t-il, «déficient».1 La commission se réunit de nouveau le 11 septembre pour y discuter des modifications à apporter au projet, mais ne parvient pas à s’entendre. C’est alors que le 15 septembre, le gouvernement reçoit une note comminatoire des ministres (Document n° 77): ils estiment fallacieux le prétexte que le Valais était laissé dans l’incertitude sur son rattachement à la Suisse. Ils

1. VALLESIA, loc. cit., p. 14. Dans A.-J. de Rivaz, op. cit., t. II, p. 33, nous trouvons des précisions sur l’itinéraire très sportif choisi par le jeune ministre anglais: ...«Il est entré dans le pays par la Forclaz de Martigny, revenant de Chamonix où il s’était rendu de Genève pour voir le mont Blanc, et il en est sorti par la Gemmi se rendant à Berne.»

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donnent l’exemple de Genève, placée dans une situation similaire et dont la «nouvelle Constitution est faite et parfaite». Ils espèrent que les divergences entre Haut et Bas-Valais sont enfin aplanies, mais sont prêts à intervenir en tant que médiateurs si cela est nécessaire.

Cette note est doublée d’une lettre du même jour, beaucoup plus incisive, signée uniquement par Schraut, qui déclare pourtant s’exprimer au nom de ses collègues. On peut toutefois se demander si Capodistrias — et Canning — n’ont pas délibérément évité de signer un document aussi engagé:1

Monsieur

Dans le moment, que les Ministres des puissances alliées occupés des affaires de la Suisse attendent le projet de la Nouvelle Constitution que le Valais vat se donner pour y faire telles observations que le désir de contribuer au bien être futur de ce Canton leur inspirera, j’ai l’honneur Mr de vous faire part tant au nom de Messieurs mes Collègues que du mien de la persuation ou nous sommes que ce projet ne pourra jamais atteindre le veritable besoin du pays, ni presenter loyalement le veux des hommes éclairés et bien intentionés qui devraient en diriger la redaction par une raison très simple: c’est que personne, qui aime sa tranquillité ne veut la compromettre vis à vis de la Multitude, honette peut être mais ignorante, mais remplie de préjugé, mais ennemie aveugle de toute innovation, mais tenace à l’exces de ces Vieux abus, et n’etant à tous ces titres fait pour lexclure du gouvernement que d’autant plus avide de sen melier le plus qu’elle peut en sarrogeant tous les pouvoirs. Que pouvons nous donc Monsieur! Nous prometre d’une constitution dont chaque article ne sera que l’enontiation de l’esprit législateur de Vos Dixains, dans lesquels le grand nombre, la masse des habitans non moins opiniâtre que ignorants pesant nécessairement de beaucoup sur tous ce que peut s’y trouver des gens raisonables, de seuls hommes enfin appellés par leurs connaissances et leur Etat à influer sur la décision des pareilles questions. Certes la perspective est triste, et plus triste encore Mr si vous voulez considérer avec nous que cette création toute défectueuse toute monstrueuse qu’elle pourra être, n’aitre [sic pour naîtra] avec la noble et grande destinée de durer plus que nous tous, et de traverser comme un Code de sagesse les siecles à venir. Il est de Votre intérêt et de notre désir, que nous détournions de Votre pays une telle source de regret trop tardif. Nos genereux Souverains se chargeant de la garantie des Constitutions Cantonales aussi bien que du pacte fœderale, dont elles sont les véritable bases, en tant quelle offrent un mode

1. ARCHIVES D’ÉTAT, Sion, T 15/1.

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de gouvernement également éloigné de cette aristocratie trop exclusive qui degenere en oligarchie, et de ce regne du peuple, qui tend vers l’anarchie, et tien les habitants dans une mobilité funeste à leurs véritables interets, Il faut tout faire pour le peuple, mais rien ou le moins que possible par le peuple, de la depend Vôtre Bonheur, Vôtre tranquillité future et cette tranquillité sur tous le repos inalterable que Leurs Majestés Impériales et Royales veulent assurer à la Confederation en general et à tous les pays en particulier. C’est maintenant à Vous Mr si Vous aimez Votre pays de nous aider de Vos lumieres, de Vos Conseils en suggérant toutes les idées d’amélioration compatible avec le caractère du peuple que Votre Zele et Votre experience Vous inspireront, soyez assuré du plus inviolable secret et de l’ussage le plus discret que nous ferons de Vos Communications. Agréez Monsieur les assurances de ma très parfaite consideration.

Zurich le 12. 7ber 1814

Signée/

Schraut

C’était désavouer clairement le Haut-Valais. La commission constituante se sépara dès le lendemain. Une députation se hâta par le col de la Gemmi de se rendre à Zurich pour présenter aux ministres le point de vue du Haut-Valais et de l’évêque. Elle y arrive le 19 et est rejointe deux jours plus tard par une première députation du Bas-Valais. Par la suite, ce ne seront pas moins de quatre délégations, soit douze députés valaisans qui cherchent à se faire entendre des ministres. Seul Canning suivra les négociations pendant les cinq semaines de leur durée. Capodistrias, appelé à Vienne, prend congé des députés valaisans le 26 septembre et est remplacé par le baron de Krüdener. De Chambrier est toujours à Neuchâtel; et Schraut, avec lequel nos Valaisans auraient bien voulu s’expliquer, a gagné Berne le 18 septembre pour y recevoir l’impératrice Marie-Louise.1

Les lettres très détaillées que le comte Eugène de Courten, membre de la députation du Haut-Valais et du centre, envoie à son frère, nous donnent une excellente idée de la façon dont les pourparlers se déroulaient entre les députations particulières et les ministres. C’est d’abord Canning qu’ils ont cherché à rencontrer, puisqu’ils le connaissaient. Celui-ci se montre ferme:2

1. VALLESIA, t. XX, 1965, p. 14-15. Introduction historique d’E. Biollay.

2. VALLESIA, ibidem. Lettres Eugène de Courten à son frère Pancrace sur les conférences de Zurich (19 septembre-22 octobre 1814), publiées par E. Biollay; ici extraits de la lettre du 21 septembre 1814, p. 49-50.

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Bref, nous avons eu tout sujet de croire, d’après la manière dont Son Excellence s’est énoncée, qu’il n’entrait point dans les vues des souverains alliés de vouloir permettre aux ci-devant sujets de prendre une supériorité sur leurs anciens souverains. Nous ne devons pas douter qu’une majorité sera accordée aux dizains supérieurs, mais nous n’osons nous flatter que ce soit sept sur dix.

[...] Hier [20 septembre] nous avons reçu notre audience de S.E. le ministre de Russie, qui nous a parlé beaucoup plus favorablement que celui d’Angleterre. A nous en tenir à ses promesses d’hier, nous serions favorablement traités; et surtout la ville de Sion reprendrait un lustre, car il paraît qu’elle serait traitée comme Soleure...mais...mais... Mon bon ami: l’eau bénite de cour. M. Capo d’Istria nous a dit positivement: «Il faut que les personnes de distinction, les gens à talents, les gens à fortune, soient à la tête des affaires publiques. Il faut, vu les circonstances dans lesquelles nous vivons, donner à la classe des meneurs et du peuple une certaine part aux affaires publiques, pour qu’ils croient y avoir contribué et que leurs intérêts ne soient pas lésés, etc.» Ce langage te surprend, mon bon ami. Et moi je te dis que je voudrais être derrière le rideau pour entendre ce qu’il dira à nos adversaires quand ils paraîtront, car ils ne sont point arrivés encore. Nous en sommes venus au point de devoir désirer les voir au plus tôt. Sans les deux parties présentes, LL.EE. les ministres ne veulent et ne peuvent entrer en matière de conciliation. Ces Messieurs se sont expliqués ne vouloir point forcer nos opinions, mais nous ont promis leur avis, que nous pourrons accepter ou rejeter sans nous compromettre.

Le 22, dîner très select chez Canning: les deux ministres, leurs secrétaires d’ambassade et Eugène de Courten. La conversation se prolonge jusqu’à 7 heures du soir:1

[...] Je croirais pouvoir assurer nos Messieurs que nous avons déjà gagné le procès des votes. J’ai été à portée de juger que MM. les ministres ne sont pas pour la popularité. Ils ne voudraient que trop trancher là-dessus. Nous sommes forcés de défendre à un certain point les droits de notre peuple. Mais, par contre, je t’assure que nous ne céderons pas d’une syllabe quand il s’agira de nos anciens droits de voter collectivement par dizain, et cela prendra alors [...].

Et c’est parce qu’il fait un pèlerinage à Einsiedeln que de Courten manque le dîner d’adieu de Capodistrias. Mais il en a des échos précis:2

1. ibidem, p. 52, lettre du 23 Septembre 1814.

2. ibidem, p. 55-56.

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Je reviens au diner de M. le comte Capo d’Istria. M. de Sépibus, à mon arrivée, me communiqua une lettre adressée aux députés du Haut-Valais par ce ministre. Il nous informe qu’ayant reçu l’ordre de son auguste maître de le joindre immédiatement à Vienne, il nous fait connaître qu’il a donné des instructions à M. le baron de Krüdener, son secrétaire d’ambassade, et que celui-ci a ordre de nous favoriser autant que possible. Toute la lettre est obligeante. Je connais le baron. C’est un fort joli homme. J’ai beaucoup causé avec lui le deuxième jour que je dînai chez le ministre d’Angleterre, et j’ai cru entrevoir en lui de bonnes intentions. Il nous est assez agréable d’avoir affaire à lui. Car, depuis le départ de M. le comte Capo d’Istria, il prend ses repas à notre table d’hôte, ce qui nous met à même de causer avec lui tous les jours. Hier, nous lui avons fait notre visite.

M. Capo d’Istria, après le dîner, parla à M. de Sépibus, en présence de MM. Dufour et Morand [députés du Bas-Valais], à peu près en ces termes: «J’espère, Messieurs, que vos affaires s’aplaniront et que vous vous arrangerez. Vous, Messieurs du Bas-Valais, vous devez mettre de la modération dans vos prétentions. Le Haut-Valais cède beaucoup. Il ne peut perdre entièrement ses droits. Il lui est dû des égards. Il faut aussi, ajouta-t-il, que la ville de Sion, qui est la capitale du pays, conserve des privilèges, parce que c’est ordinairement dans les villes où l’on trouve le plus de personnes susceptibles de gouverner. Je laisse mes instructions dans ce sens à M. le baron de Krüdener, qui tiendra le portefeuille en mon absence.»

Il parla, en un mot, de manière à ce que M. de Sépibus me témoigna une grande satisfaction. Et il m’a ajouté avoir remarqué que M. Dufour avait dîné de mauvais appétit, tandis que lui avait fait honneur au repas, et surtout au bon vin de champagne. Tu conçois que c’était un grand dîner, puisque c’était un dîner d’adieu. Tous les ministres s’y trouvaient: celui de France [Talleyrand], que nous verrons demain, la décence l’exigeant, puisqu’il a adressé la parole d’une manière obligeante à M. de Sépibus après le dîner; celui de Wurtemberg [Kaufmann], que nous avons vu hier et chez lequel nous avons été très bien accueillis [...].

Ces éléments sont recoupés dans les lettres du député Bas-Valaisan Michel Dufour au chevalier de Rivaz:1

[...] Nous nous sommes présentés le même jour chez les ministres d’Angleterre et de Russie qui nous ont très bien accueillis. Ils ont écouté avec intérêt tous les détails dans lesquels nous sommes

1. ibidem, Lettres écrites à Charles-Emmanuel de Rivaz par MM. Isaac de Rivaz, Du. Fay, Dufour, Morand et autres... , publiées par André Donnet; ici lettre de M. Dufour du 23 septembre 1814, p. 199.

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entrés et nous ont fait l’un et l’autre beaucoup de questions. Il paraît que ceux qui nous ont précédés les ont aussi informés très au long, mais nous avons quelque raison de croire qu’ils n’ont pas eu le talent de se faire bien comprendre.

Même à la veille de son départ, Capodistrias se montre toujours aussi soucieux de se bien renseigner, puisqu’il leur demande un exemplaire de la constitution valaisanne de 1802.

Dans une autre lettre, Dufour informe de Bivaz:1

S.E. Monsieur le ministre de Russie est parti hier pour Vienne d’après les ordres qu’il en a reçus de l’empereur, son maître. Cette circonstance est un nouveau motif pour vous engager à voir M. de Schraut à votre passage à Berne, et elle nous fait désirer qu’il puisse assister à nos conférences. Il paraît que l’on pourrait sans indiscrétion lui manifester ce désir. M. de Capo d’Istria est momentanément remplacé par M. le baron Krüdener qui remplissait les fonctions de secrétaire de légation. Nous vous attendons avec la plus vive impatience.

Capodistrias n’a donc joué de rôle ni dans la genèse, ni dans la conclusion de l’affaire valaisanne, conclusion qui dépasse en quelque sorte notre propos. Au cours des semaines suivantes, les ministres reçoivent de nombreux mémoires des différentes parties du Valais; ils ne peuvent accepter ni le projet haut-valaisan qui maintient le vote par dizains (au nombre de dix), ni le projet bas-valaisan qui propose le vote par tête jugé trop démocratique et une répartition territoriale en douze, puis quinze dizains. Devant cette impasse, les ministres décident de trancher dans le vif: le 23 octobre, ils imposent pronunciamentum: treize dizains (les treize étoiles de l’écusson valaisan), cinq pour le Haut-Valais, cinq pour le Bas-Valais et trois pour le centre. Solution qui, comme le remarque M. Biollay,2 «si elle ne constitue pas une grande victoire pour le Bas-Valais, est une nette défaite pour le Haut-Valais». L’Autriche ne pouvant se désintéresser de l’affaire, Schraut complète le pronunciamentum, par une note du 29 octobre.

Ces décisions seront discutées dès le 16 novembre par un Conventus de quelque trois cent députés valaisans! Ils ne réussiront pas à se mettre d’accord, et au cours des mois suivants, les Bas-Valaisans feront même à plus d’une reprise sécession. Il faudra l’inquiétude suscitée par le re-

1. ibidem, p. 202, lettre du 28 septembre 1814.

2. ibidem, Introduction, p. 16.

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tour de Napoléon de l’île d’Elbe et les Cent Jours, pour que les Valaisans se dotent enfin d’une constitution et d’un gouvernement stable. Ce n’est que le 4 août 1815 que Stockalper et Dufour, un Haut et un Bas-Valaisan, peuvent enfin signer l’acte de réunion du Valais à la Suisse et trois jours plus tard, avec les députés des vingt et un autres cantons, ratifier le Pacte fédéral. Capodistrias, en partant pour Vienne le 27 septembre 1814, n’avait certainement pas imaginé qu’il faudrait encore presque une année de laborieuses tractations pour arriver à bonnes fins 1

Neuchâtel

Ni Capodistrias ni Schraut ne sont intervenus dans le troisième des derniers cantons, celui de Neuchâtel. Sous l’Ancien Régime, Neuchâtel était une principauté appartenant au roi de Prusse, mais alliée de la Confédération suisse. Lors de l’occupation française, le territoire avait été offert par Napoléon au maréchal Berthier. Dès le départ des Français, les Neuchâtelois avaient cherché à renouer leurs relations avec le roi de Prusse, qui, surpris et satisfait, avait désigné comme gouverneur de la principauté le Neuchâtelois JeanPierre Chambrier d’Oleyres, son ministre auprès de la Confédération suisse et collègue de Capodistrias et Schraut.

La Diète de son côté s’était assurée que les droits du roi de Prusse ne pourraient avoir de conséquences contraires à la souveraineté de la Confédération et avait le 17 mai recommandé aux cantons l’adoption de ce nouveau canton.1

Le 18 juin 1814, le roi de Prusse accordait à la principauté, sous forme de déclaration royale, une constitution de caractère monarchique qui établissait un régime d’union personnelle entre le souverain et la principauté, non intégrée à l’Etat prussien. Le pays était régi par l’intermédiaire d’un gouverneur désigné par le roi qui nommait également tous les fonctionnaires civils et militaires, choisis uniquement parmi les Neuchâtelois. La constitution, qui rétablissait les privilèges de l’aristocratie neuchâteloise très jalouse de ses prérogatives, mais garantissait un certain nombre de libertés fondamentales, mentionnait également l’union avec la Confédération.2

Il est évident que même si cette constitution cantonale n’était pas du tout en harmonie avec celles des autres cantons, Capodistrias et

1. W. Martin, op. cit., p. 407.

2. Dierauer, op. cit., t. V, 2e partie, p. 422-423.

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Schraut ne pouvaient intervenir contre le roi de Prusse, allié de leurs propres souverains, pas plus que contre de Chambrier, leur collègue. D’où leur silence prudent.

Le 12 septembre 1814, la Diète décréta l’admission de Neuchâtel comme partie intégrante de la Confédération, en même temps que celle du Valais et de Genève. La solution neuchâteloise ne pouvait être viable à la longue. Elle déboucha sur une crise très grave entre royalistes et républicains, qui faillit provoquer en 1857 une guerre entre la Prusse et la Confédération et aboutit à la renonciation par le roi de Prusse à ses droits. Neuchâtel devint dès lors un canton comme les autres.

Travaux de la Diète

Tensions entre Berne et ses anciens sujets

A côté de ce long et patient travail sur les constitutions cantonales, Capodistrias reste très préoccupé au cours de cet été 1814 par la question de l’adoption du projet de Pacte fédéral. On se souvient que le 31 mai, la Diète avait envoyé ce projet dans chaque canton, avec une circulaire où elle demandait que chaque Etat se prononce avant le 11 juillet sur l’acceptation ou le refus du projet.1

La Diète s’était ajournée le 4 juillet et ne reprit ses travaux que le 18. On s’aperçut alors que seuls sept cantons et demi acceptaient le projet du Pacte: Zurich, Bâle, Appenzell-Rhodes Extérieures et les cinq nouveaux cantons: Saint-Gall, Thurgovie, Argovie, Vaud, Tessin; Berne et Nidwald (un canton et demi) rejetaient tout le projet, d’autres demandaient des modifications importantes. Enfin, trois cantons et demi, soit Schwytz, Zoug, Schaffhouse et Appenzell-Rhodes Intérieures, n’avaient pas envoyé leurs députés. Les causes de mécontentement les plus fréquentes étaient des prétentions territoriales non satisfaites et l’obligation de soumettre leurs constitutions à l’approbation de la Diète (et indirectement à celle des ministres). La Diète décide de faire examiner les votes par le biais d’une commission, qui cherchera à rapprocher les cantons et invitera les Etats absents à envoyer au plus tôt leurs députés à la Diète.2

En fait, l’attitude intransigeante de Berne et la déclaration fracassante qu’elle avait faite quelques jours auparavant allaient jeter de l’huile sur le feu et conduire la Confédération au bord de la rupture.

1. v. supra, p. 134.

2. AEG, Conf. B.l, p. 9, séance du 18 juillet 1814.

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A vrai dire, dès le début du mois de juillet, Capodistrias est prévenu par les lettres de Herzog et de Monod1 que les Bernois faisaient des préparatifs militaires (entraînement de soldats, achat d’armes et de munitions) qui les inquiètent. Pour parer à toute éventualité, les chefs militaires des deux cantons menacés se concertent dans une conférence à Aarau au début du mois d’août. Mesure purement défensive, affirme Monod.2

Entre-temps, la situation avait empiré sur le plan politique. En effet, le Grand Conseil de Berne avait publié (en français), daté du 7-8 juillet 1814, un décret «exposant les motifs pour lesquels il ne peut ratifier le projet de pacte fédéral»,3 avec un exposé très clair de ses prétentions territoriales:

Deux parties du territoire bernois, les plus belles de celles qui le composaient, en ont été détachées.

I. La plus grande, la plus populeuse et la plus opulente de ces parties détachées, le Pays de Vaud, trouve peut-être dans la différence de la langue, de celle des lois et du caractère national des motifs pour désirer d’être indépendante. Berne eût été disposé et l’est encore aujourd’hui, si la réunion pouvait avoir lieu, d’accorder au Pays de Vaud les mêmes avantages politiques qu’il offre à l’Argovie; mais puisque les circonstances et le vœu général de ses anciens confédérés paraissent exiger de Berne le sacrifice de la séparation du Pays de Vaud, le conseil souverain de la ville et république de Berne se déclare disposé à prononcer et à reconnaître pour toujours l’indépendance de cette contrée à des conditions équitables, qui seraient stipulées dans un traité d’une utilité réciproque.

II. L’Argovie bernoise se trouve dans une situation différente; les mêmes motifs n’existent point ici, et l’attachement indubitable de la grande partie de ses habitants impose au conseil souverain de la république de Berne le devoir de ne pas y renoncer. Il déclare ici les conditions qu’il lui assure et qui paraissent propres à rendre cette réunion cordiale et solide.

Suivait la proposition d’un statut politique bien défini pour l’Argovie. Au point III, Berne renonçait solennellement à toute prétention sur les autres anciens bailliages communs. Par la suite, le gouvernement ber-

1. STAATSARCHIV, Aarau, brouillon de lettre de Herzog à Capodistrias, 2 juillet 1814. BCU, brouillon de lettre de Monod à Capodistrias, 1er juillet 1814, publié dans Monod, op. cit., t. II, p. 374-375.

2. Monod, op. cit., p. 263.

3. STAATSARCHIV, Berne, Akten des Geheimen Raths, Band I. Publié par A Miéville, op. cit., p. 73-75.

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nois allait réclamer du canton de Vaud, en échange de la reconnaissance de sa liberté, une indemnité de plusieurs millions de francs pour les dépenses faites pendant trois siècles dans le pays.

Cette déclaration fut confirmée par les députés bernois dans la séance d’ouverture de la Diète le 18 juillet, après qu’une tentative de conciliation organisée chez Schraut entre eux et les ministres, le 13 juillet, eut échoué.1 On devine le tollé provoqué par la déclaration et c’est une véritable guerre de pamphlets et de libelles qui s’engage entre les parties pendant tout l’été.

Au niveau officiel, le gouvernement argovien justifie son point de vue et défend sa liberté dans une longue contre-déclaration datée d’Aarau, le 21 juillet. Le gouvernement vaudois agit de même le 24 et les deux cantons firent inscrire leur protestation contre la déclaration bernoise au protocole de la Diète du 28 juillet.2

Nous ne connaissons la réaction de Capodistrias à la déclaration bernoise que par le rapport, évidemment peu objectif, de Monod au Petit Conseil vaudois:3 «(Monod) avise qu’il parait que Mr le Comte de Capo d’Istria prépare une note à la Diète au sujet de la proclamation de Berne du 15e du courant, comme compromettant Son maitre, et qu’il annoncerait dans cette note qu’il se retire et va attendre les ordres de l’Empereur à ce sujet.» La note en question ne fut finalement pas remise. Peut-être est-ce dû en partie à l’épisode extrêmement fâcheux que Monod rapporte en ces termes:4

La violation connue du secret des lettres qui passaient à Berne obligeait, toutes les fois qu’on avait des communications importantes à se faire, à employer la voie des courriers extraordinaires. J’en avait reçu un du Petit Conseil. Je profitai du retour pour lui faire part dans le plus grand détail de tout ce qui nous intéressait, de ce qui se passait, et de ce qu’il me semblait qu’il y avait à faire dans les circonstances selon les futurs contingents. Comptant sur la sûreté de ma dépêche, je parlais avec le plus grand abandon, et comme j’aurais pu le faire en Conseil même. J’ai quelque honte de le dire, MM. de Berne n’en eurent pâs à arrêter le courrier, à lui prendre ses lettres cachetées du sceau de la députation de Vaud, adressées à son gouvernement, à les ouvrir, à en tirer copie, puis à les recacheter et les renvoyer

1. W. Martin, op. cit., p. 395.

2. AEG, Conf. B., p. 10, séance du 28 juillet. La déclaration argovienne est imprimée dans A. Miéville, op. cit., p. 81-86; celle de Vaud, ibidem, p. 76-80.

3. ACV, Rég. des Délib. du Petit Conseil, p. 288, séance du 22 juillet 1814.

4. Monod, op. cit., t. II, p. 264.

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au Conseil comme s’ils les avaient laissées intactes, prétendant une méprise qui, ayant rendu le messager suspect, avait obligé de l’arrêter et même de l’emprisonner.

Il est précisé ailleurs1 que «Monod n’avait pas utilisé, ce jour-là, l’encre sympathique à laquelle il avait été convenu de recourir pour traiter de certains objets. Les pages écrites à l’encre sympathique se trouvent parfois à l’intérieur de la correpsondance même des députés, parfois à l’intérieur de lettres fantaisistes sans rapport visible avec la députation ou le Petit Conseil».

Capodistrias se trouvait fâcheusement compromis par le passage suivant de la lettre de Monod, et ses relations avec les Bernois en furent encore détériorées:2

Maintenant je viens à ce qui se passe ici, et ceci doit sans doute rester dans le plus profond secret. Etant avant-hier chez le comte de Capo d’Istria à parler de nos affaires, il finit par me dire que M. de Schraut s’occupait d’une note à envoyer à la Diète pour l’aviser que, puisque les Bernois se permettaient des déclarations absolument contraires à celles qui avaient été faites de la part des Puissances, les ministres de celles-ci n’étaient plus dans le cas de communiquer avec elle, qu’en conséquence ils allaient cesser toute relation jusqu’à ce qu’ils eussent reçu à ce sujet les ordres de leurs souverains. Il ajouta qu’il attendait de voir cette note pour savoir s’il la signerait, et me demanda ce que je pensais qu’il en résulterait. Je répondis que je ne savais trop qu’en dire sans y avoir réfléchi, que peut-être entraînerait-elle la dissolution de la Diète. Alors il me dit: «Mais croyez-vous que cela ne montera pas les campagnes des cantons de Berne, Soleure et Fribourg? Il semble que cela devrait être»; puis, sans trop entrer en matière, je dus conclure de ses propos qu’il regardait cela comme un moyen de finir et de mettre ces gouvernements récalcitrants en l’air. J’avoue que si ceci m’était venu d’un autre ministre, j’aurais cru qu’on désirait le trouble pour avoir un prétexte d’entrer; de la part de celui-là, il est impossible que ce soit l’idée, et il me parut évident qu’ayant toujours cru pouvoir amener les choses à une conciliation, soit par promesses, soit par menaces, l’ayant peut-être promis à son maître, voyant qu’il s’était trompé, il ne voyait plus que le moyen en question pour se tirer d’affaires. Quoi qu’il en soit, vous comprendrez aisément, Citoyens Collègues, que cette insinuation dut m’étonner, et sans disconvenir que le résultat dont il parlait ne pût avoir lieu, j’observai seulement

1. ibidem, p. 371.

2. ibidem, p. 381. Lettre de Monod au Petit Conseil, datée de Zurich, 24 juillet 1814.

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que maintenant qu’on avait laissé atterrer tout ce monde, il ne remuerait vraisemblablement qu’en le poussant.

Les Argoviens continuent, eux, à avoir entière confiance en Capodistrias, puisqu’ils lui adressent le 28 juillet un long mémoire, dont ils transmettent également une copie à La Harpe.1 Après un exposé historique circonstancié, ils demandent l’arbitrage du ministère russe:

[...] Mais presque tous les Confédérés béniront la puissance étrangère, qui par un coup d’autorité mettra un terme à tous ces désirs indiscrets, qui ne doivent leur naissance qu’à l’interprétation donné aux sentiments bienveillants des hautes puissances alliées, aux quels on a voulû supposer trop longtems un sens tout contraire et funeste au repos de la Suisse.

Ce n’est qu’alors, que l’ouvrage du pacte fédéral qui jusqu’ici avoit été une pomme de discorde, sera vraiment un moyen de conciliation; la Confédération s’établira, le Gouvernement de Berne seul peut-être gardera encore pendant quelque tems son morne entêtement; mais il ne saura longtems troubler l’accord unanime de la Confédération entière.

Les Suisses n’ont pas ce caraktère sombre et farouche qui perpetue la haine et la vengeance; quelque chaleur, quelqu’opiniatreté qu’ils paroissent mettre dans leurs disputes, leur reconciliation est toujours sincère.

Voilà les observations que nous osons soumettre au jugement de Votre Excellence la suppliant en même tems de les prendre en considération, et de recommander de nouveau les intérêts de notre Canton à la puissante et genereuse protection de l’Empereur de toutes les Russies, qui sans doute saura faire valoir la parole qu’il daigna engager de la manière la plus positive pour l’existence et l’intégrité de ce Canton.

Tout au long du mois d’août, le Petit Conseil argovien se préoccupe de l’opportunité d’offrir au ministre russe, au cours de son séjour aux bains de Baden, un vin d’honneur et un déjeuner officiel.2 Ce projet semble s’être réalisé le 29 août, d’après le lettre que Capodistrias envoie le 28 à Paul Usteri (Document n° 73: «... je compte passer la journée de demain à Aarau») et d’après le protocole de la séance du 29 août du Petit Conseil, où il est question du compliment adressé à

1. STAATSARCHIV, Aarau, Gesandtschafts Berichte vom 20. Dec. 1813 bis 16. Aug. 1814. Mémoire à Capodistrias du 28 juillet 1814.

2. STAATSARCHIV, Aarau, Protokoll der Sitzungen des Kleinen Raths gehend vom 1ten Jenner bis Ende December 1814, p. 240, séance du 1er août; p. 260, séance du 18 août 1814.

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Capodistrias par le président du gouvernement von Beding et les conseillers Suter et Friderich, ainsi que d’un déjeuner officiel.1

Soleure

Au cours du mois d’août, Capodistrias allait aussi être amené à s’occuper de la constitution cantonale de Soleure. Un premier projet de constitution, adopté par le Grand Conseil de Soleure le 8 juillet, avait été trouvé beaucoup trop aristocratique tant par les esprits libéraux comme Paul Usteri, que par les ministres étrangers. Aussi le conseiller soleurois Lüthy, lié d’amitié avec Usteri, se renditil à Zurich pour y rencontrer, dès le 6 août, Capodistrias et Schraut, avec lesquels il ne tint pas moins de sept séances pour examiner le projet de la constitution. Les amendements proposés par les ministres furent plus de forme que de fond. Ce projet modifié fut adopté par le Grand Conseil soleurois le 17 août; dans ses particularités, on remarquera que le nombre des membres du Grand Conseil était fixé à 101 dont 33 pour la campagne; le mode d’élection au Grand Conseil était aussi compliqué que dans les constitutions argovienne,vaudoise ou saintgalloise; le nombre des membres du Petit Conseil était ramené de 38 à 21, la proportion des députés de la campagne y étant améliorée. La séparation des pouvoirs restait aussi peu rigoureuse qu’ailleurs. Dans la dernière partie du projet, des améliorations sensibles étaient apportées à la liberté de profession, de commerce et d’établissement, ceci pour satisfaire la population et complaire probablement aux grandes puissances.2 En conclusion, même si les progrès n’étaient pas spectaculaires, cette constitution soleuroise était plus en harmonie avec celles des autres cantons que les constitutions bernoise ou fribourgeoise.

Dès le 22 juillet et pendant tout le mois d’août furent organisées les élections complémentaires pour le Grand Conseil, celles du Petit Conseil et des juges cantonaux; le 1er septembre eut lieu l’installation solennelle des nouvelles autorités qui exhortèrent le peuple à la fidélité, l’obéissance, la concorde et la tranquillité. C’est à ces événements que Capodistrias se réfère dans la lettre qu’il adresse à Paul Usteri le 28 août de Baden (Document n° 73): «Tout ce que l’on m’ecrit de Soleure annonce de la modération, et de la Sagesse [...]. Et si les élêctions de Soleure seront faites avec conscience, je me propose d’aller voir ces nouveaux Magistrats avant de revenir à Zurich.» Il ne semble pas avoir

1. ibidem, p. 269, séance du 29 août 1814.

2. Hans Sigrist, Solothurnische Geschichte, Soleure 1981, t. III, p. 571 sv.

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réalisé ce voyage. Probablement fut-il déçu des résultats: 68 aristocrates et 14 bourgeois au Grand Conseil, 15 aristocrates, 2 bourgeois de la ville et 4 représentants de la campagne au Petit Conseil; il ne tenait certes pas à être honoré par ce parti aristocratique fortement lié à Berne.

Mentionnons enfin que c’est à la suite de l’intervention personnelle de Capodistrias que le gouvernement de Soleure se décida à accorder le 25 août une amnistie partielle aux insurgés du mois de juin.

Troubles à Uznach et Sargans

Pour en revenir à l’incident avec les Bernois, c’est peut-être parce que Capodistrias se sent plus que jamais en butte à l’animosité des patriciens qu’il cherche à rallier ceux d’entre eux dont il avait la sympathie. Ce qui expliquerait la lettre à Aloïs de Reding du 6 août (Document n° 68 déjà cité à propos de Genève). Mais il faut aussi mettre cette lettre en rapport avec le fait que le 9 juillet, le gouvernement de Schwytz avait répondu à la note des ministres du 30 juin en réaffirmant ses droits sur le district d’Uznach et que le 21 juillet, il avait formellement refusé d’envoyer ses députés à la Diète. Capodistrias qui, nous l’avions vu, n’appréciait guère le député schwytzois Auf der Maur, gardait peut-être l’espoir que de Reding accepte de représenter à nouveau sa patrie et exerce une influence bénéfique sur les cantons aristocratiques, espoir qui malheureusement ne fut pas réalisé.

Le 3 août, la Diète est saisie d’une demande du gouvernement de Saint-Gall,1 qui, dépassé par les troubles très graves qui ont éclaté dans les districts d’Uznach et de Sargans, demande l’assistance fédérale pour rétablir le calme et se débarrasser des meneurs. Pour appuyer cette démarche, probablement à la demande de son ami Müller-Friedberg, Capodistrias transmet à Reinhard une note signée par les trois ministres sur ce sujet délicat (Document n° 70). Ceux-ci rappellent avec opportunité les dispositions prises par la Diète dans sa circulaire du 31 mai, établissant «l’immutabilité du statu quo des possessions de chaque Canton et des rapports politiques des habitans, jusqu’à l’arrangement général et définitif des affaires en mouvement». Magnifique occasion pour le diplomate russe de réaffirmer ses principes et son opposition aux prétentions territoriales d’anciens cantons— en l’occurrence Schwytz — sur des régions attribuées aux nouveaux cantons —

1. Abschied 1814-1815, t. I, p. 211.

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ici Saint-Gall, pour lui qui a encore sur le cœur sa note rentrée sur les revendications bernoises en Argovie. C’est une occasion aussi d’éprouver «la vigilance et la fermeté» de la Diète pour le maintien de ces principes. «Ils espèrent en conséquence de la sagesse et de la dignité de la Diète, qu’Elle agira dans cette occasion, et dans toutes celles qui pourroient se presenter, avec une vigueur proportionnée aux circonstances, mais toujours supérieure à toutes les intrigues et à chaque turbulence.» En fait, les troubles s’étant momentanément calmés et SaintGall ayant enfin adopté sa constitution,1 l’intervention fédérale, dont le principe avait été admis après qu’on eut pris connaissance du rapport de la commission et de la note des ministres, avait été ajournée.

Capodistrias avait accompagné la note de ses collègues d’un petit billet entièrement autographe (Document n° 69), réaffirmant tout d’abord les principes exprimés dans sa note du 20 mai, mais mettant surtout en évidence, en l’encadrant d’un trait de plume, le passage suivant: «Si Votre Excellence aborde aujourd’hui la question concernant le pacte fédérale je la prie dans mon particulier de Se rapeler qu’il importe eminement au Sort de la Suisse, qu’Elle en ait un, et le plutôt possible, et que toute tergiversation ultérieure ne peut être que fatale aux véritables intérêts de cet Etat.» Il rappelait ainsi l’urgence de la question, alors que depuis le 21 juillet la commission de conciliation n’avait toujours pas abouti.

Rapport au tsar et à Nesselrode

La tension qui règne dans le pays en ce début d’août incite Capodistrias à demander de nouvelles instructions à son ministère. Le 11 août, il adresse deux longs rapports, l’un à l’empereur, l’autre à Nesselrode. Voici le premier:2

Zurich, 30 juillet/il août 1814.

Sire. Le capitaine Stürler s’est chargé de la présente expédition. J’ai cru devoir lui fournir les moyens d’accélérer son voyage, et j’ose espérer que v.m.i. daignera l’approuver.

Les affaires de la Suisse deviennent tous les jours plus compliquées. L’intervention de l’Angleterre, les arrière-pensées de la France, l’éloignement de la Prusse y contribuent essentiellement.

En mettant sous les yeux de v.m.i. dans l’aperçu ci-joint les questions qui entravent la réorganisation fédérale de ce pays, je

1. v. supra, p. 195.

2. Politique étrangère de la Russie, t. VIII, p. 81-85.

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prends la liberté d’indiquer deux manières de les envisager et de les décider.

Je prie très instamment v.m.i. de se faire rendre compte de ce travail et de me faire parvenir ses ordres.

Je suis...

Le comte Capodistrias

Etat des affaires

La réorganisation de la Suisse est entravée par les prétentions que Berne fait sur le canton d’Argovie et que d’autres anciens cantons font sur plusieurs de leurs co-Etats.

Ces prétentions sont contraires aux déclarations que les ministres des puissances alliées ont données à la Suisse. Elle sont en opposition avec l’opinion que v.m.i. a manifestée aux députés suisses à Paris.

Toutes les peines que je me suis données pour faire revenir le patriciat de Berne de ses erreurs ont été inutiles.

Le silence que le cabinet de Vienne a gardé sur cette question, avait laissé longtemps dans l’indécision mon collègue M. de Schraut.

Le ministre de Prusse M. de Chambrier se tient constamment à Neuchâtel et paraît ne vouloir prendre aucune part à nos travaux.

C’en est assez pour que les Bernois comptent sur la faveur de ces deux cabinets.

La précipitation avec laquelle M. Canning, ministre d’Angleterre, est arrivé en Suisse, et les opinions qu’il a laissé entrevoir expliquent assez l’opiniâtreté des Bernois.

Enfin les menées du ministre de France M. de Talleyrand et l’envie que son cabinet paraît avoir de rendre nécessaire son intervention dans les affaires de ce pays, font connaître davantage les motifs de l’exagération des esprits, soit dans le parti bernois, soit dans celui des nouveaux cantons.

Ces difficultés ne m’ont point découragé. Le nom seul de v.m.i. et le dévouement qu’il inspire aux peuples offrent assez de moyens pour soutenir dans sa vigueur le système conforme aux principes libéraux de v.m.i. et aux ordres qu’elle a daigné me donner.

Tout en employant efficacement ces moyens, j’ai évité avec beaucoup de soin les éclats dans le pays et j’ai tâché de ramener mes collègues au sens littéral de nos instructions. Le ministre d’Autriche s’est en effet décidé d’agir de concert avec moi, et je n’ai qu’a m’en louer. Celui d’Angleterre tout en désirant s’isoler, ne l’ose pas, vu l’union parfaite qui existe entre moi et M. de Schraut.

Le baron de Humboldt en passant par Zürich a bien voulu avoir un entretien avec moi. J’ai eu lieu de m’apercevoir qu’il voulait me persuader que s.m. le roi son maître à son passage par Berne n’a rien promis aux magistrats qui osèrent l’importuner de leurs querelles territoriales.

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Quoiqu’il en soit de cette ouverture, l’éloignement de M. de de Chambrier présente un obstacle de plus au rapprochement des partis.

Cette divergence réelle ou apparente dans les opinions ou dans les vues des cabinets médiateurs relève les discordes qui menacent la Suisse des horreurs de l’anarchie et de la guerre civile.

Pour mettre un terme à cet état de choses, deux voies se présentent. L’une est directe et facile. L’autre est indirecte et difficile. Sur l’une nous ferons aisément marcher dans notre sens les ministres des alliés. Sur l’autre nous marcherons seuls et serons contrariés à chaque pas. L’une et l’autre conduit au but, c’est-àdire, à l’établissement d’une bonne constitution fédérale. Mais en suivant la première nous donnerons à la Suisse une constitution que toutes les puissances de l’Europe seront engagées à soutenir, au lieu qu’en suivant la seconde nous serons seuls à donner cette constitution, qui par là même offrira à la France ou à l’Autriche les moyens de la renverser et d’établir leur influence.

N’osant prendre sur moi la décision d’une question aussi épineuse, je prends la liberté de la mettre sous les yeux de v.m.i.

Manière directe et facile de finir les affaires de la Suisse

Le patriciat de Berne sous les auspices du comte de Senft a déclaré l’asservissement du pays de Vaud et de l’Argovie. Les bourgeoisies des anciens cantons aristocratiques ont voulu suivre cet exemple à l’égard de leur propre pays.

V.m.i. est venue au secours des nouveaux cantons et du peuple des anciens. Conjointement avec l’Autriche et la Prusse, nous avons conservé la diète de Zürich. Nous avons fait plus; nous avons réorganisé d’après des principes libéraux les anciens cantons aristocratiques hormis Berne et Fribourg.

Dans cette opération délicate il fallait ramener le ministre d’Autriche de ses opinions et de ses engagements antérieurs. M. de Schraut s’est laissé fléchir. Pour profiter de ce concours à l’avantage des nouveaux cantons, j’ai dû mettre de mon côté de la facilité quant à la réorganisation des anciens. En négligeant quelques formes je me suis tenu à la substance. Les anciens privilèges de caste et de bourgeoisie sont abolis. Le peuple a ses représentants dans le corps législatif et conserve une part réelle dans le pouvoir administratif et judiciaire. Ces nouvelles institutions obtiennent le suffrage du pays. Le nom de v.m.i. est béni.

Maintenant pour achever la réorganisation fédérale, il faut décider définitivement les prétentions territoriales de Berne et des autres anciens cantons démocratiques. Elles retombent sur les nouveaux cantons. Nous avons déclaré leur existence et leur inté-

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grité, sauf les arrangements de limites que ces Etats pourraient faire entre eux à l’amiable.

Berne renonce pleinement au pays de Vaud et peut-être à la plus grande partie de l’Argovie. Elle accepte un arbitrage. Elle soumet ses titres à ce jugement définitif. Les autres cantons qui prétendent sur les nouveaux des indemnités, accèdent aussi à cet arbitrage. La diète vient de le proposer.

Les nouveaux cantons s’y refusent en se fondant sur la protection que v.m.i. leur accorde.

Le ministre d’Angleterre appuie fortement l’arbitrage. Celui d’Autriche le désire. Moi seul je ne puis y consentir, vu que par cette mesure on mettrait en contestation l’intégrité du territoire de l’Argovie.

On a employé tous les moyens possibles pour me déterminer à donner la main à cet arrangement. Je m’y suis refusé constamment sachant ne pouvoir le faire sans un ordre positif de v.m.i.

Que v.m.i. me permette de lui soumettre franchement mon opinion respectueuse à cet égard.

En accordant à Berne une indemnité réelle par la cession de l’évêché de Bâle, on pourrait se borner à lui donner quelques villages sur le territoire de l’Argovie, plutôt comme un objet d’amour-propre que comme un objet d’intérêt.

L’Argovie a 140 mille âmes. Est-ce que ce pays serait moins heureux s’il cédait à Berne 10 à 12 mille habitants? La cession qui ne pourrait nullement nuire à l’existence et à la prospérité du canton.

En satisfaisant Berne on pourrait alors exiger que cette république conformât sa constitution intérieure à celle des autres anciens cantons que nous venons de réorganiser, et de cette manière on rétablirait sur l’uniformité des principes constitutionnels les liens fédératifs et une paix véritable et solide entre les anciens et les nouveaux cantons. Ce qui détermine cette opinion n’est pas le désir de satisfaire le patriciat de Berne, mais l’importance d’ôter à la France et à l’Autriche les moyens de renverser la Suisse et peut-être un jour d’asservir les nouveaux cantons.

Ce qui m’impose le devoir de soumettre encore à v.m.i. cette question, c’est que le repos de la Suisse, le bonheur de ce peuple et la garantie intérieure de son indépendance ne peuvent se trouver que dans cet arrangement.

Il réunit les suffrages des hommes bien pensants de ce pays, les opinions des cabinets et ce qui plus est il déracine pour toujours les germes des partis.

Si v.m.i. approuve ces observations respectueuses, si elle daigne me donner ses ordres, je puis d’avance répondre à v.m. que par cet arrangement territorial, l’existence et le bonheur réel des nouveaux cantons et du peuple suisse ne souffriront aucunement. Au contraire, ils seront plus solidement affermis.

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Manière indirecte et difficile de finir les affaires de la Suisse

Dans le cas contraire il serait absurde d’espérer de réunir les opinions des Suisses et de faire ressortir d’un accord spontané la constitution fédérale de cet Etat.

L’expérience l’a prouvé et le prouvera encore davantage. Tant que le gouvernement de Berne est entre les mains des patriciens, tant que cette classe est soutenue par l’Autriche, par la France et par l’Angleterre, elle sera puissante et se placera avec succès à la tête des anciens cantons démocratiques et des bourgeoisies privilégiées, qui, quoique neutralisées aujourd’hui, ne sont point à considérer toutefois comme éteintes.

En partant de cette conviction et dans l’hypothèse de ne pouvoir rien accorder à Berne sur ses prétentions, deux alternatives se présentent: ou donner à la Suisse une médiation comme Bonaparte la lui a donnée, ou contester aux patriciens du canton de Berne le droit qu’ils ont ressaisi de représenter et de gouverner le pays. Dans la possibilité d’avoir recours à cet expédient unique pour faire adopter à la Suisse un système fédéral, je n’ai jamais voulu m’immiscer dans les affaires de la constitution de Berne.

Assurément en écartant l’intérêt des familles bernoises de cette discussion, il n’y en aurait plus aucune au sujet de l’Argovie et celles que les autres cantons élèvent, tomberaient par là même sans beaucoup de difficulté.

Mais cette opération n’est point aussi aisée qu’on peut le penser. Bonaparte pour faire réussir sa médiation qui dans le fond ôtait en entier au patriciat ses possessions et ses privilèges a été obligé de faire occuper la Suisse par une armée et de l’y faire séjourner jusqu’à ce que le pouvoir fut fixé entre les mains des magistrats créus par lui.

Bonaparte n’eut qu’à subjuguer l’orgueil et l’opiniâtreté des Bernois. Nous aurions à comprimer aussi l’influence indirecte de l’Autriche, de la France et de l’Angleterre.

Le cabinet de Vienne ne serait pas fâché de se ménager par là les moyens de réagir en temps et lieu. Celui de France ne doit point soutenir le parti populaire contre le patriciat. Le ministère britannique paraît abonder dans ces principes et les Bernois semblent l’avoir prévenu assez favorablement pour eux. Je supplie v.m.i. de me faire parvenir ses ordres. J’ai cru de mon devoir de les lui demander avant l’époque de son arrivée à Vienne, supposant qu’il vous plaira davantage, Sire, de ne point vous occuper de ces affaires désagréables de la Suisse dans un moment où des soins majeurs appelleront toute votre attention. Ces affaires seront finies si v.m. l’ordonne.

En attendant ses instructions que j’implore, j’aurai soin de

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maintenir autant que cela pourra dépendre de moi, les affaires dans une espèce d’équilibre. La balance penchera du côté que v.m.i. daignera indiquer.

Si v.m.i. juge convenable de remettre l’examen et la décision de toutes ces questions à Vienne, je la supplie de m’en faire prévenir, en sorte que je puisse préparer ici le développement qui pourrait favoriser le plus le système qu’elle estimera le plus propre au bien de cet Etat.

le comte Capodistrias

On remarquera que Capodistrias insiste sur l’aspect libéral de ses interventions dans les constitutions cantonales. Il nous donne également — nous en avons ainsi la preuve — la raison de sa non-intervention dans la constitution bernoise: c’était une mesure de prudence pour ne pas reconnaître, le cas échéant, ce gouvernement aristocratique.

Son rapport à Nesselrode1 est plus succinct et évite les périphrases. Dans des termes très voisins, il présente la situation politique du moment, en insistant sur la responsabilité de Berne, et définit l’attitude des différents ministres, et son effort pour les amener à une convergence de vue:

Après avoir démontré jusqu’à la dernière évidence à mes collègues que le système fondé sur les principes de nos instructions était le plus conforme aux vœux et aux intérêts de la Suisse, après avoir prouvé que c’est sur ce système seul qu’on pourrait fonder l’indépendance et le repos de cet Etat, je suis parvenu à décider le ministre d’Autriche à réunir ses efforts aux miens à l’effet de faire accepter aux cantons dissidents le Pacte fédéral. Pour y faire concourir M. Canning, nous nous sommes décidés à laisser espérer s’il le faut, à Berne ainsi qu’aux autres cantons qui demandent des indemnités, la possibilité d’un arrangement qui pourrait avoir lieu par la médiation des Puissances Alliées. Je n’ose pas promettre à Votre Excellence le succès de nos démarches, ni le concours efficace de celles du ministre d’Angleterre. Nous y travaillerons cependant. Si toutefois S. M. l’Empereur désire aplanir toutes les difficultés avant le congrès de Vienne, si Votre Excellence considère comme important aux intérêts majeurs qui y doivent être réglés d’en écarter ceux qui dépendent de la réorganisation fédérale de la Suisse, je la prie très instamment de me munir de ses instructions. Elle se rapporteraient aux questions suivantes, que je crois de mon devoir de préciser:

1° Nous avons déclaré le principe de l’existence et de l’intégrité des dix-neuf cantons. Pour concilier les esprits et fonder l’alliance des nouveaux cantons avec les anciens sur une base solide, sur la réciprocité de leurs intérêts, puis-je donner la main à un

1. W. Martin, op. cit., p. 396-397.

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    Helvetique n’auront pas laissé ignorer au gouvernement provisoire combien il fut accueilli.

    Dès ce moment on devait s’attendre à voir les autorités temporaires du pays s’occuper des moyens d’établir un gouvernement stable et définitif, d’autant plus que déjà dans sa lettre du 26 mai, le Conseil avait paru impatient de s’affranchir des inconvéniens d’un mode transitoire continué, disait-il, depuis cinq mois. Dès ce moment aussi il devenait indispensable de revoir la constitution dont la formation du gouvernement n’est qu’une partie; de l’assimiler avec prudence et sagesse à celle des cantons limitrophes, et de la soumettre à la considération des soussignés aussi bien que des confédérés intéressés également à y trouver tout ce qui peut assurer la tranquillité et le bonheur du Valais.

    Cependant les Ministres Impériaux et Boyaux n’apprenant d’aucun coté jusqu’à quel point ces travaux ont été conduits ni quels en sont les derniers résultats ne peuvent qu’inviter enfin le gouvernement provisoire de vouloir bien s’en expliquer avec eux sans délai comme d’un objet soumis nécessairement à l’action immédiate des principes régulateurs de la Suisse dont la réconstitution fédérale approche à grands pas.

    Zurich 3 août 1814

    signé

    Schraut,

    Schaffort Canning

    Capo d’Istria

    Ch.-E. de Bivaz, l’un des hommes politiques les plus éminents du Bas-Valais, a ajouté à la copie de cette note: «On leur répond le 14 août que les retards à la formation de notre nouvelle constitution tiennent à l’incertitude ou le Valais est resté sur l’issue de ses demarches pour être reçu comme Canton Suisse. Les ministres répondent le 12 7bre, et montrent combien ce pretexte est futile.»

    C’est probablement pour presser le mouvement que Canning, que nous avions trouvé à Genève à la fin du mois d’août, retournant à Zurich, passe par Sion, où il s’entretient avec la gouvernement du projet de constitution qu’il juge, semble-t-il, «déficient».1 La commission se réunit de nouveau le 11 septembre pour y discuter des modifications à apporter au projet, mais ne parvient pas à s’entendre. C’est alors que le 15 septembre, le gouvernement reçoit une note comminatoire des ministres (Document n° 77): ils estiment fallacieux le prétexte que le Valais était laissé dans l’incertitude sur son rattachement à la Suisse. Ils

    1. VALLESIA, loc. cit., p. 14. Dans A.-J. de Rivaz, op. cit., t. II, p. 33, nous trouvons des précisions sur l’itinéraire très sportif choisi par le jeune ministre anglais: ...«Il est entré dans le pays par la Forclaz de Martigny, revenant de Chamonix où il s’était rendu de Genève pour voir le mont Blanc, et il en est sorti par la Gemmi se rendant à Berne.»