Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄

Τίτλος:Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
 
Τόπος έκδοσης:Κέρκυρα
 
Εκδότης:Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών
 
Συντελεστές:Κώστας Δαφνής
 
Έτος έκδοσης:1984
 
Σελίδες:364
 
Θέμα:Ο Καποδίστριας στην Ελβετία
 
Τοπική κάλυψη:Ελβετία
 
Χρονική κάλυψη:1813-1814
 
Περίληψη:O τέταρτος τόμος του ΑΡΧΕΙΟΥ ΚΑΠΟΔΙΣΤΡΙΑ καλύπτει, την αποστολή του Καποδίστρια στην Ελβετία το 1813-1814, που είχε για στόχο την απόσπασή της από τη γαλλική κηδεμονία και την ενότητα και ειρήνευση της χώρας, που θα εξασφάλιζε ένα Σύνταγμα κοινής αποδοχής. Ο Καποδίστριας πέτυχε στην αποστολή του αυτή και η επιτυχία απέσπασε την εκτίμηση και την εμπιστοσύνη του Αυτοκράτορα της Ρωσίας και άνοιξε το δρόμο για τη μετέπειτα λαμπρή σταδιοδρομία του.
 
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LA MISSION DE CAPODISTRIAS EN SUISSE (1813 - 1814)

Introduction

Le but de ce travail a été de recenser dans les archives publiques et les collections particulières de Genève d’abord et de Suisse en général, puis de publier les écrits autographes du comte Jean Antoine Capodistrias (1776-1831).

A deux reprises au cours de son existence, Capodistrias a séjourné pour une longue durée dans notre pays. Ces deux séjours encadrent en quelque sorte la brillante carrière diplomatique qu’il devait accomplir auprès du tsar Alexandre Ier. En effet, en novembre 1813, celui-ci lui confia sa première mission diplomatique auprès de la Diète à Zurich — mission qui s’avéra particulièrement délicate et permit au diplomate de se distinguer et d’être amené à jouer un rôle prépondérant au Congrès de Vienne et auprès de l’empereur au cours des années suivantes. Capodistrias séjourna ainsi de novembre 1813 à octobre 1814 en Suisse, d’où il se rendit à Vienne.

Lorsque éclata l’insurrection grecque de 1821, Capodistrias, alors secrétaire d’Etat pour les Affaires étrangères auprès du tsar, se trouva dans une position difficile. Alexandre Ier subissait à l’époque l’influence de Metternich et de la politique autrichienne violemment opposée dans la question d’Orient à l’indépendance de la Grèce, et le secrétaire d’Etat de Russie se vit dans l’obligation ou de soutenir la politique officielle et d’avoir l’impression de trahir ses compatriotes, ou de quitter le service de l’empereur auquel il était profondément attaché. C’est à ce dernier parti qu’il se résigna en demandant un congé illimité qui lui fut accordé en août 1822.

Alors que le désir de Capodistrias était de rejoindre sa patrie de Corfou et sa famille qu’il avait quittées depuis de nombreuses années, la conjoncture politique allait en décider autrement. En effet, le gouvernement anglais, qui avait acquis au Congrès de Vienne la souveraineté sur les îles Ioniennes, s’opposa formellement au retour de Capodistrias dans son île natale; il craignait que la présence de celui qui dans l’opi-

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nion grecque était devenu le symbole de l’appui que les insurgés espéraient toujours recevoir du gouvernement russe, protecteur attitré des populations orthodoxes de l’Empire ottoman, — que cette présence ne galvanise leur courage et n’incite les habitants des îles Ioniennes à se joindre à la guerre d’indépendance.

Capodistrias fut donc contraint de renoncer à un retour à Corfou, qu’il ne devait par un malheureux concours de circonstances jamais revoir, et il choisit avec l’accord du tsar de s’établir dans sa seconde patrie, Genève, dont il avait reçu en 1816 la citoyenneté d’honneur pour les services qu’il avait rendus à la République en favorisant au cours de l’année 1814 son rattachement à la Suisse. Il y résida de 1822 à 1827, son séjour étant entrecoupé d’un certain nombre de voyages dans des capitales européennes et des stations thermales.

Le plus grand nombre de documents autographes de Capodistrias concerne évidemment ces deux périodes. Cependant, Capodistrias n’a cessé de correspondre avec ses amis suisses et genevois, et un certain nombre de lettres touchant à des questions politiques ou familiales s’échelonnent entre 1815 et 1822. D’autre part, Capodistrias, élu président de la Grèce en 1827, est resté jusqu’à son assassinat en 1831 en correspondance étroite avec les membres du comité philhellénique de Genève et surtout avec l’âme de celui-ci, Jean-Gabriel Eynard.

*

* *

Au cours des dernières décennies, de très nombreux ouvrages exhaustifs et bien documentés, la plupart en langue grecque ou anglaise, ont paru sur Capodistrias, l’homme, le diplomate, le pédagogue, le président de la Grèce. Dans plusieurs d’entre eux, des chapitres sont consacrés à la mission en Suisse de 1813-1814 et au séjour à Genève de 1822 à 1827, et nous y puisons une partie de notre documentation. D’autre part, dans presque tous les livres d’histoire de la Suisse, on trouve dans le chapitre sur la Restauration le nom de Capodistrias, avec une épithète élogieuse, mais il est rare que les historiens précisent le rôle exact qu’il a joué dans une période dramatique de notre histoire. Notre espoir est de cerner un peu mieux ce rôle en nous fondant sur les ouvrages généraux concernant Capodistrias et cette période de l’histoire de la Suisse, sur les témoignages de contemporains qui ont laissé des mémoires, enfin sur les lettres de Capodistrias, hélas peu nombreuses, écrites pendant cette période et retrouvées dans différentes collections suisses.

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Capodistrias désigné pour la mission en Suisse

Lorsque en 1826 Capodistrias se décidera à rédiger son autobiographie à l’intention du successeur d’Alexandre, le tsar Nicolas Ier, il retracera en quelques pages claires et précises l’objet de sa mission en Suisse. En voici le début:1

Je me rendis à l’hôtel qu’occupait l’Empereur, à l’heure marquée. Après quelques moments d’attente, je fus introduit dans le cabinet de Sa Majesté qui était seule. L’Empereur me reçut avec tant de bienveillance, que quoique ce fût la première fois que je L’approchais pour recevoir directement ses ordres, je ne me sentis nullement intimidé.

Sa Majesté me dit, qu’Elle avait jeté les yeux sur moi pour me confier une commission d’une haute importance qu’elle me jugeait capable de bien remplir. «Vous avez fourni une carrière honorable dans votre pays; je suis très satisfait du bon esprit et du zèle avec lequel vous avez travaillé à Vienne auprès de l’amiral Tschitchagoff et du général Barclay. Vos principes et vos sentiments me sont connus. Vous aimez les républiques et je les aime aussi. Il s’agit maintenant d’en sauver une que le despotisme français asservit et à laquelle il réserve plus tard le sort des villes libres de l’Allemagne, de Gênes et de Venise. C’est de la Suisse qu’il est question. A la veille de passer le Bhin avec leurs armées, les souverains alliés doivent s’assurer des dispositions de cette nation loyale et belliqueuse, l’aider à redevenir elle-même et la mettre en état de prendre part avec nous, comme l’ont fait les princes de la confédération germanique, au grand œuvre de la restauration du système européen.»

Il apparaît clairement que si Capodistrias est choisi par l’empereur parmi la foule de diplomates et fonctionnaires qui suivaient le quartier général des Alliés dans leur marche victorieuse contre les armées napoléoniennes, c’est grâce à l’expérience qu’il avait acquise en participant à l’administration de la République Septinsulaire organisée sous le protectorat russe de 1803 à 1807, où le jeune ministre avait été confronté à la difficulté que présente une fédération de petits Etats souvent rivaux et jaloux les uns des autres, difficulté qui atteindra son paroxysme en Suisse dans les premiers mois de l’année 1814. Quant au goût d’Alexandre pour les républiques, il est surprenant au premier abord. Il s’explique par l’amitié que l’empereur conserve à son ancien précepteur Frédéric-

1. Sbornik imperatorskogo russkogo istoricheskogo obshchestva, Saint-Pétersbourg 1868, vol. III, p. 177-178 (ci-après: Autobiographie). Traduction grecque dans Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια (ci-après A.I.K.), t. I, Corfou 1976, p. 12-13.

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César de La Harpe, lequel cherchera constamment à obtenir la protection du tsar pour le pays de Vaud. De là vient la sympathie de l’empereur, reflétée chez son ministre, pour les nouveaux cantons dont le régime a été défini par l’Acte de Médiation, et indirectement pour le parti libéral, alors que l’Autriche apportera son soutien aux revendications bernoises, à la restauration de l’Ancien Régime, par là au parti conservateur; d’où un antagonisme profond dans la politique des deux gouvernements au sujet de la Suisse, qui placera Capodistrias dans une situation très délicate au cours des semaines suivantes.

L’empereur poursuivit son entretien en définissant la mission de Capodistrias en Suisse: les puissances alliées ne doivent pas s’immiscer dans la politique intérieure de la Suisse, notamment dans la question de savoir si l’Acte de Médiation sera maintenu ou non; mais elles doivent pouvoir compter sur une véritable neutralité de la Suisse dans la guerre. Le tsar continue en ces termes:1

«Tel est l’objet de votre mission. Nous ignorons ce qui se passe dans ce moment en Suisse, de quoi se compose et où réside la direction fédérale. Eussions-nous même plus de données positives sur cette double question, il nous serait encore difficile de vous accréditer dans les formes usitées auprès de ces magistrats. Qui nous assure qu’ils aient assez d’indépendance pour vous admettre? Vous partirez donc en qualité de simple voyageur. Une fois arrivé sur les lieux, vous m’adresserez vos rapports et leur teneur servira à déterminer le caractère de votre mission. L’Autriche y envoie avec les mêmes ménagements Mr le baron de Lebzeltern, et vous vous entendrez avec lui. C’est dans cet esprit que vous rédigerez sans retard vos instructions. Vous me les soumettrez. Nous travaillerons ensemble. Après quoi vous partirez pour la Suisse.»

Le manque d’informations élémentaires sur la situation helvétique au quartier général peut paraître curieux; mais en Suisse, au début novembre 1813, la gabegie semble complète et les Confédérés ne sont guère mieux informés. Avant d’examiner cette situation du point de vue suisse, revenons à la mission des deux envoyés. Après la bataille de Leipzig (18-19 octobre 1813), Napoléon est obligé de battre en retraite et d’abandonner le sol germanique. Les Alliés installent leur quartier général à Francfort-sur-le-Main et différents projets de poursuite des opérations militaires y voient le jour.

Le plan de campagne prussien préconisait une marche directe sur

1. Autobiographie, p. 180-181 et A.I.K., t. I, Corfou 1976, p. 14-15.

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Paris à travers la Flandre et avait la préférence du tsar Alexandre; celui-ci voulait éviter à la Suisse les inconvénients de l’occupation militaire, cela probablement en partie pour tenir les engagements qu’il avait pris vis-à-vis de F.-C. de La Harpe et de Mlle Mazelet, de Morges, nourrice de sa soeur; mais surtout pour des raisons politiques, comme le suggère William Martin en rappelant que l’empereur d’Autriche, beaupère de Napoléon, avait peut-être des vues intéressées sur la Suisse qui «pouvait être un glacis contre la France ou un trait d’union pour s’entendre avec elle».1 Les instructions données par le tsar à Capodistrias sont parfaitement conformes à sa politique.

Le plan de campagne autrichien, soutenu par l’Angleterre qui finançait les opérations, prévoyait une marche plus lente sur Paris à travers la Suisse, puis par le plateau de Langres. Ce projet mis au point par le maréchal prince de Schwarzenberg a l’adhésion du chancelier Metternich. Pour être mieux renseigné sur la situation politique réelle de la Confédération helvétique, celui-ci se propose d’y envoyer officieusement le baron Louis de Lebzeltern2 et incite le tsar Alexandre à lui donner un collègue de son choix: nous avons vu que Capodistrias fut désigné pour remplir cette mission.

Lebzeltern se rendit tout d’abord auprès du tsar. Alexandre, qui le connaissait de longue date, lui exposa son point de vue politique et termina l’entretien par ces paroles célèbres: «Je vous prie d’accepter la mission qu’on vous donne, c’est un service personnel que vous me rendrez, mais rappelez-vous qu’on prend les mouches avec du miel bien plus qu’avec du vinaigre».3 Il est clair que dès lors Lebzeltern est parfaitement au fait de la divergence d’instructions — respect ou non respect de la neutralité de la Suisse — données aux deux envoyés, ce qui n’est pas le cas pour Capodistrias.

Lebzeltern se rend alors auprès de Schwarzenberg pour qui la situation militaire se résume ainsi: «Il est indispensable que nos armées traversent la Suisse. Faites en sorte que ce passage et qu’une éventuelle retraite se fassent pacifiquement, à travers un pays ami.»4 Dès ce moment, dans l’esprit de Lebzeltern, il n’est plus question de respect de la neutralité, mais avant tout de préparer le passage de l’armée autrichienne dans les meilleures conditions possibles.

1. Wiliam Martin, Histoire de la Suisse, Payot 1959, p. 207-208.

2. Emmanuel de Lévis-Mirepoix, Mémoires et papiers de Lebzeltern, Paris 1949; sur la mission en Suisse, p. 274-305.

3. ibidem, p. 277.

4. ibidem, p. 278.

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Les deux députés sont munis d’une lettre de leurs ministres respectifs, justifiant leur mission auprès du landamman.1 Voici le début de celle remise à Capodistrias:

Monsieur

A l’époque où les armées victorieuses des Souverains Alliés sont arrivées sur le Rhin et que les nations opprimées jusqu’ici par la prépondérance du Gouvernement françois, peuvent enfin réunir leurs efforts pour s’élever à une véritable existence politique, Sa Majesté l’Empereur de toutes les Russies Se plait à donner un témoignage particulier de Son affection et de Son éstime à la Suisse, en Lui offrant l’occasion de prendre part à une entreprise dont les succès vont établir, sur des bases solides, l’indépendance des Etats et le bonheur futur de l’Europe.

C’est dans ce but que Sa Majesté l’Empereur a chargé Son Conseiller d’Etat actuel, le Comte de Capodistria de se rendre auprès de Votre Excellence et de lui faire connoître Ses vues et Ses intentions libérales envers la République Hélvétique. Je La prie d’ajouter foi à tout ce qu’il sera dans le cas de Lui communiquer de la part de Sa Majesté Impériale. . .

Instructions de Nesselrode

Les instructions particulières remises à Capodistrias par le comte de Nesselrode sont évidemment beaucoup plus explicites. En voici quelques passages:2

1. ARCHIVES FÉDÉRALES, Berne. Période de la Médiation (1803-1813), KE n° 574. Correspondance des Ministres des Puissances alliées avec le Landamman de la Suisse, 1813; f. 1-2: lettre de Metternich accréditant Lebzeltern pour sa mission en Suisse (Francfort-sur-le-Main, 11 novembre 1813) et f. 3-4: lettre de Nesselrode accréditant Capodistrias (Francfort-sur-le-Main, 30 octobre/11 novembre 1813).

2. AEG, ms hist. 45, f. 10v-11. Extrait du no 1061: instructions données au comte Capodistrias, Francfort-sur-le-Main, le 29 octobre/10 novembre 1813; publié également par William Martin, La Suisse et l’Europe 1813-1814, Lausanne 1931, p. 36-37; et dans Politique étrangère de la Russie, t. VII, p. 436-438.

Le AEG, ms hist. 45, auquel nous nous reporterons constamment est un recueil de notes et copies de documents prises aux Archives impériales de Saint-Pétersbourg (Archives de Petrograd) par Edouard Odier, ministre de la Confédération suisse en Russie de 1906 à 1919. Elles concernent les négociations diplomatiques relatives à la Suisse pour l’année 1813-1814, pour le Congrès de Vienne en 1814-1815. Elles ont été remises aux Archives d’Etat de Genève par la famille Odier en 1924 et utilisées par William Martin dans son ouvrage La Suisse et l’Europe en 1813-1814.

Une partie de ces documents sont publiés dans Politique étrangère de la Russie, soit Vnesnjaja politika Rossii XIX i nacala XX veka. Dokumenty rossijskogo mini-sterstva inostrannych del, première série 1801-1815, 8 vol.; t. VII, Moscou 1970 et t. VIII, Moscou 1972.

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«Vous vous rendrez en conséquence dans la résidence du gouvernement Helvétique en voyageur. Vous vous procurerez par les moyens que la mission d’Autriche qui y est établie pourra vous indiquer une entrevue avec le Landamman. C’est alors que vous porterez à la connaissance de ce magistrat, l’état que l’Europe présente à cette époque, celui des peuples qui s’arment pour reconquérir leur indépendance, celui des armées formidables qui sont prêtes à porter leurs drapeaux victorieux partout où l’accomplissement d’une si grande entreprise peut l’exiger.»

Et plus loin:

«D’un côté la Suisse devrait se soustraire par un acte solennel à la médiation du Gouvernement français, annuler toutes les stipulations qui regardent le contingent helvétique et rappeler conséquemment les troupes qui se trouvent au service français. De l’autre côté les Souverains alliés s’engagent de prendre à leur solde des troupes suisses, de stipuler à cet égard des arrangements d’une convenance réciproque et de faire restituer à la République les districts qui lui ont été arrachés, ainsi que de garantir et de faire garantir par toutes les Puissances Européennes son intégrité et son indépendance. Le langage que le Landamman vous tiendra à la suite de ces communications verbales vous donnera la mesure des démarches que vous pouvez faire. Ces démarches se borneront à être confidentielles tant que vous pourrez douter des intentions du gouvernement, ainsi que du succès de votre mission. Dans le cas contraire vous déploierez votre caractère publique en présentant au Landamman vos lettres de créance et en lui annonçant que vous êtes muni de pleins pouvoirs pour poser les bases d’une Convention.

Dans le cas où il serait de toute impossibilité d’atteindre ce but principal de votre mission vous êtes autorisé de viser à un but secondaire. C’est celui qui se rapporte à la neutralité de la Suisse. Il paraît que c’est à ce système que son gouvernement tend de préférence et que c’est dans cette vue qu’il a assemblé la Diète. Mais tant que l’Empereur Napoléon conservera le titre et l’influence de médiateur de la Confédération, tant que les troupes helvétiques porteront les armes contre nous, toute déclaration de neutralité de la part de la Suisse ne saurait engager les Souverains alliés à la reconnaître ni à la respecter; même leurs Majestés y trouveraient un motif de plus pour procéder, par la force des armes, à l’égard d’un pays qui persiste à l’époque actuelle, dans son aveuglement et dans sa servitude.»

Ouverture de la Diète

En Suisse, le régime de l’Acte de Médiation, institué par Napoléon en 1803, est toujours en vigueur et la situation est la suivante. Zurich est pour l’année 1813 le

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canton directeur, le Vorort, et son landamman Hans de Reinhard, grand admirateur de Napoléon, landamman de Suisse. Ni lui ni ses collaborateurs ne comprirent la portée de la défaite de Leipzig (18-19 octobre 1813). Le colonel vaudois de Rovéréa, sympathique à l’ancien régime, définit fort bien l’esprit qui règne alors en Suisse1 en parlant d’«apathie feinte ou réelle, bien propre sans doute à étonner de la part d’une nation réputée belliqueuse»; ce fut l’ambassadeur de France, le comte de Talleyrand, cousin du célèbre ministre, qui vint demander au landamman la convocation d’une Diète extraordinaire, la proclamation de la neutralité — ce qui dans l’immédiat arrangeait son maître — et annonça à Reinhard, premier signe de la débâcle napoléonienne en Suisse, l’évacuation du Tessin par les troupes françaises (6-7 novembre 1813).2

Le 18 novembre, la Diète s’ouvre à Zurich. Les députés à l’unanimité proclament la neutralité et comme l’explique le député libéral vaudois Monod, très frappé par cet esprit d’union inattendu:3 «Les mesures consistèrent d’abord à décréter une neutralité armée qui serait notifiée aux puissances belligérantes par deux députations, l’une envoyée au quartier général des Alliés à Francfort, l’autre à Bonaparte à Paris». La députation de Francfort est confiée au Schwytzois Aloïs de Beding et au trésorier Johann-Conrad Escher de Zurich, qui auront d’âpres discussions avec le chancelier Metternich, celle de Paris à Vinzenz Büttimann de Lucerne et au Bâlois Johann-Heinrich Wieland. En outre, la Diète autorise le landamman à lever un premier contingent de 15.000 hommes placés sous le commandement du général Rodolphe de Wattenwyl et répartis entre le Tessin, les Grisons et la frontière du Rhin. Il est évident que le nombre des soldats sur cette frontière était dérisoire face à l’armée de Bohême massée peu à peu dans le pays de Bade par Schwarzenberg et qu’aucune mesure sérieuse ne sera prise pour faire face à la situation au cours des semaines suivantes, ceci sous l’influence du ministre de France Talleyrand qui craignait une Suisse trop armée et du landamman Reinhard, très parcimonieux des deniers publics.4 Les députés décidèrent enfin de modifier le tarif douanier, ce qui avait

1. F. de Rovéréa, Mémoires, Berne 1848, t. IV, p. 128.

2. William Martin, Histoire de la Suisse, p. 206-207.

3. Mémoires du landamman Monod pour servir à l’histoire de la Suisse en 1815, publiés par J.-Ch. Biaudet, Lausanne 1975, t. I, p. 37.

4. William Martin, La Suisse et l’Europe 1813-1814, p. 27. Ouvrage de base sur la question.

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pour avantage de financer en partie la mobilisation et de se désolidariser du blocus continental qui avait pesé si lourdement sur l’économie suisse, en donnant ainsi en plus un gage de bonne volonté aux Alliés (Document n° 3).

Sur ces entrefaites arrivent nos deux émissaires, Lebzeltern et Capodistrias. Mais laissons la plume à Monod:1

Il ne restait à la Diète qu’à se séparer. Au moment où elle allait le faire arrivèrent à Zurich deux hommes qui y firent une grande sensation, le chevalier de Lebzeltern et le comte de Capo d’Istria. Ces deux messieurs, chargés de mission, le premier de la part de l’Autriche, le second de la Russie, étaient venus sous des noms supposés à Berne auprès de l’envoyé autrichien pour reconnaître le terrain et savoir ce qui se passait en Suisse. Adressés par celui-ci au landamman Reinhard en leur qualité, l’accueil qu’ils reçurent parut les surprendre; ils avaient l’air d’envisager la Suisse comme tellement dévouée à la France qu’ils avaient cru devoir user de la précaution de l’incognito. Ils étaient loin de s’attendre au calme et à l’union qui régnaient dans ce petit coin de l’Europe, au milieu de la tourmente générale. S’annonçant d’abord comme des messagers de paix, ils donnèrent à entendre qu’ils ne voulaient que son maintien; ils insinuèrent seulement qu’il leur paraissait que le vrai moyen de l’assurer était de se joindre aux Alliés pour se soustraire à l’influence de la France, qu’ils ne pouvaient laisser subsister. C’était le sens des lettres de leurs cours; celle de l’empereur de Russie, entre autres, invitait positivement à prendre part aux efforts des Puissances, qui voulaient rétablir l’existence politique de la Suisse.

Le landamman leur fit part des intentions de la Diète; il les assura que la Suisse tenait à sa neutralité et au maintien de l’état de choses actuel sans aucun changement de limites. On leur annonça la mission envoyée à Francfort, qu’ils approuvèrent fort.

Capodistrias et Lebzeltern à Schaffhouse et Berne

Si l’on se réfère à l’ouvrage de Grégoire Dafnis sur Capodistrias,2 les deux délégués ont quitté Francfort-sur-le-Main avec des passeports qui les désignent comme des marchands nommés Leipold et Conti; ils atteignent Schaffhouse le 15 novembre 1813 où ils apprennent que la Diète vient de proclamer la neutralité et d’où ils écrivent au landamman Reinhard (Document n° 1) pour le mettre au courant de leur mission, lui

1. Monod, op. cit., p. 40-41.

2. Γρηγορίου Δαφνή, Ιωάννης A. Καποδίστριας. Η γένεση του ελληνικού κράτους, Ίκαρος [Athènes 1976], p. 268.

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révélant leur double identité et se plaçant à sa discrétion. Ils l’informent en outre qu’ils feront le détour par Berne pour voir le ministre d’Autriche von Schraut, ce qui explique que nos pseudo-marchands aient mis six jours pour se rendre de Schaffhouse à Zurich distants d’une cinquantaine de kilomètres, à un moment crucial pour leur mission. Leur passage à Berne est corroboré par les mémoires de Monod1 et prouvé par des dépêches envoyées par Lebzeltern à Metternich de Berne le 16 novembre 18132 et par Capodistrias à Nesselrode de Berne le 5/17 novembre 1813.3 Il est indéniable que dans ce cas précis comme au cours des semaines suivantes, c’est Lebzeltern qui a l’initiative; les rapports qu’il envoie à Metternich, contresignés par Capodistrias, sont une source primordiale de renseignements. Par contre, dès le début de l’année 1814, l’influence de Capodistrias deviendra prépondérante.

Aux Archives fédérales est conservé le brouillon4 de la réponse de Reinhard à la lettre du 15 novembre (Document n° 1). Il s’engage à tenir les Alliés au courant des décisions de la Diète, prend acte de leur désir d’aller à Berne et ajoute: «Si en passant par Zurich, il vous convenait de me voir, je serois charmé d’avoir cette occasion de vous parler avec franchise de la position de ce Pays... ». Il était loin de se douter que ce passage allait durer pour Capodistrias plus de dix mois !

Trois jours plus tard, Capodistrias informe son ministère:5

Nous rencontrerons à chaque pas des entraves qu’il nous sera impossible de surmonter. L’essayer même par la voie seule

1. Monod, op. cit., t. I, p. 40.

2. Wilhelm Oechsli, Lebzeltern und Capo d’Istria in Zürich, 21. Nov. 20. Dez. 1813, Innsbruck 1898, p. 5. Bericht Lebzelterns an Metternich Nr. 1; Bern 16. Nov. 1813. Cette étude reste, après l’ouvrage de W. Martin, la plus fouillée sur la mission de 1813.

ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, no 1. Cf. AEG, ms hist. 46, f. 78, copie du rapport de Lebzeltern à Metternich, Berne, 16 novembre 1813. Ce manuscrit auquel nous nous référons constamment comprend la copie par le ministre Hugo de Haan des documents des Archives d’Etat de Vienne relatifs aux affaires de la Suisse et de Genève pour les années 1813-1816 et communiqués aux Archives de Genève en 1926-1927. Néanmoins, nous avons vérifié sur l’original les documents viennois, ce que nous n’avons pu faire pour les documents russes.

3. AEG, ms hist. 45, f. 5v, copie no 1034 des Archives de Petrograd: lettre de Capodistrias au comte de Nesselrode (Berne, 5/17 novembre 1813).

4. ARCHIVES FÉDÉRALES, KE no 574, f. 8: brouillon de Reinhard (Zurich, 18 novembre 1813). Cette lettre est transmise à Nesselrode en annexe de la lettre no 1034.

5. AEG, ms hist. 45, f. 6v, no 1035 no 2: lettre de Capodistrias à Nesselrode (Berne, 6/18 novembre 1813), publiée en partie dans W. Martin, op. cit., p. 42.

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de la persuasion, ce serait peut-être dans les circonstances actuelles, agir d’après les intérêts du gouvernement français et employer beaucoup de temps et de moyens pour obtenir des résultats très tardifs et très incertains. Néanmoins pourvus par Mr de Schraut de renseignements très exacts sur les affaires de la Confédération Suisse et sur les personnages les plus marquants de la Diète et du Gouvernement nous allons partir pour Zurich. Ce n’est qu’après avoir connu plus particulièrement les dispositions de ces Magistrats que je me permettrai de soumettre à Votre Excellence mes observations sur ce que Leurs Majestés peuvent attendre de la bonne volonté de ce peuple, ou des mesures propres à la forcer.

Lebzeltern de son côté a certainement profité de son séjour à Berne pour se renseigner sur les agissements du comité de Waldshut, composé de Bernois réactionnaires qui s’étaient déjà manifestés contre le régime français en 1798 et qui étaient fort bien introduits à la cour d’Autriche. Dans son jeu politique, Metternich les utilisera sans scrupule au cours des semaines suivantes.

Premiers entretiens à Zurich avec le landamman Reinhard et Monod

La première entrevue officielle entre les envoyés extraordinaires et les autorités de la Confédération a lieu à Zurich le 21 novembre 1813. Cette entrevue fut un échec, Reinhard restant fidèle à ses sympathies françaises et rapportant immédiatement la conversation au ministre de France, le comte de Talleyrand.1

Le landamman Monod, témoin de l’entrevue, nous apporte des précisions importantes qui modifient quelque peu cet aspect des choses:2

Je me trouvais avec ces messieurs le jour de leur arrivée à une assemblée chez le landamman, où ils furent très surpris de se rencontrer entre autres avec le ministre de France. Mes relations avec de La Harpe, instituteur de l’empereur de Russie, me fournirent une occasion très favorable de faire connaissance avec le comte de Capo d’Istria. Il avait précisément été chargé par ce prince de s’adresser à moi pour avoir des nouvelles de La Harpe. Cette heureuse circonstance établit tout de suite une sorte de confiance

1. St. Th. Lascaris, Capodistrias avant la révolution grecque. Sa carrière politique jusqu’en 1822, Lausanne 1918, p. 37. C. M. Woodhouse, Capodistria, The Founder of Greek Independence, Londres 1973, p. 86.

2. Monod, op. cit., p. 41, note 1.

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entre nous, et nous entrâmes en matière sur ce qui concernait la Suisse en général, le Canton de Vaud en particulier. Les notions du comte sur tout cela étaient à peu près nulles; il me demanda des notes sur l’état ancien et nouveau; je les lui fournis avant mon départ, qui était prochain. Il m’assura que nous serions les maîtres de notre sort et qu’il n’était point question d’opérer de changement, si nous étions contents, pourvu que l’on pût être tranquille du côté de la France. J’eus cependant lieu de m’apercevoir que ces deux messieurs recherchaient principalement les membres de la Diète qui avaient appartenu aux anciennes familles gouvernantes; et comme ils jugeaient sans doute de la réputation des Suisses modernes par celle de leurs ancêtres, ils avaient conclu qu’ils les gagneraient par la table; aussi dès le lendemain de leur arrivée ils donnèrent un grand dîner à quelques-uns de ces messieurs, le landamman en tête.

On conçoit sans peine la surprise et le déplaisir de nos deux émissaires chargés d’une mission qui devrait rester plus ou moins secrète, mis immédiatement en présence de l’ambassadeur de la puissance ennemie.

Quant au dîner, il est mentionné en termes beaucoup plus laconiques dans une note de Capodistrias, datée de Zurich du 16/28 novembre 1813: «MM Capodistria et Lebzeltern ont donné un dîner à MM. les envoyés [auprès du Quartier général] de Beding et d’Escher au Landamman et aux principaux membres du gouvernement. Ce dîner a beaucoup alarmé Mr le Ministre de Talleyrand.»1

Par contre, si l’on se rappelle que Capodistrias n’avait pas craint de souligner auprès d’Alexandre son incompétence pour la mission qu’il lui confiait:2 «Je ne connais, Sire, la Suisse que par les livres, qui sont d’un faible secours lorsqu’il s’agit de traiter d’affaires avec des hommes avec lesquels on n’a jamais eu de relations. Je ne parle pas l’allemand — c’est encore un obstacle de plus...», il trouve immédiatement un informateur de langue française valable. Monod rédige alors à l’intention du ministre une note circonstanciée sur l’ancienne Confédération, précédée d’une lettre très amicale où il invite le comte dans sa propriété:3

Note remise à Zurich

à Monsieur le Comte de Capo d’Istria

le ... novembre 1813.

1. AEG, ms hist. 45, f. 8, ad. 1038. Note datée de Zurich, annexe de la lettre du même jour de Capodistrias à Nesselrode, le 16/28 novembre 1813.

2. Autobiographie, p. 181 et A.I.K., t. I, p. 15.

3. Monod, op. cit., t. I, Annexe XI, p. 140.

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Monsieur le Comte,

J’ai l’honneur de mettre sous couvert la note que vous me demandâtes hier pour le cas où je ne vous rencontrerais pas. Je souhaite, Monsieur, qu’elle remplisse votre attente; j’aurais voulu être plus bref et plus clair, les embarras du départ et des visites ne m’en ont pas laissé le temps. Si vous aviez besoin de quelques nouvelles explications, en me les demandant à l’adresse de H. Monod, membre du Petit Conseil, à Lausanne, elles me parviendraient sûrement, ou si vous le préférez, et pour plus de secret, il n’y aurait qu’à m’écrire sous couvert de Mme Huc-Mazelet, à Morges·, ce même couvert pourrait servir pour tout ce que vous auriez à faire passer à de La Harpe, auquel j’ai récrit et qui, j’espère, viendra.

Après avoir eu l’honneur de faire votre connaissance, Monsieur le Comte, ce serait un bonheur pour moi de pouvoir la cultiver, et si, ainsi que vous m’en avez laissé concevoir l’espérance, vous veniez faire une visite à mon canton, j’aurais un grand plaisir à vous offrir mon petit réduit; je hasarde moins à le faire après la campagne de Mousson; si d’ailleurs vous n’y trouviez pas tous les agréments que je voudrais pouvoir vous procurer, vous y verriez une famille heureuse et paisible dans un pays superbe habité par un peuple content; spectacle digne de vous intéresser!

Permettez que je finisse par vous recommander ma patrie en général, mon canton en particulier, et veuillez agréer l’hommage de ma reconnaissance pour l’accueil flatteur que vous avez bien voulu me faire.

J’ai l’honneur, Monsieur le Comte, de vous offrir les sentiments de ma considération la plus distinguée.

P.-S. — J’eus l’honneur de me présenter hier soir avec la députation de mon canton pour vous rendre nos devoirs, ainsi qu’à M. Lebzeltern; nous eûmes le malheur de vous manquer.

Ce rapprochement spontané entre les deux hommes s’est fait sous l’égide de F.-C. de La Harpe. Monod est en effet lié d’amitié avec celui-ci depuis sa jeunesse; ils ont étudié ensemble à Tübingen et obtenu en même temps leur brevet d’avocat dans le Pays de Vaud; cette amitié ne s’éteindra qu’à la mort de Monod en 1833. En novembre 1813, de La Harpe se trouve encore à Paris; il rejoindra l’empereur Alexandre à Chaumont quelques semaines plus tard.

Les relations entre Capodistrias et de La Harpe paraissent au premier abord beaucoup moins chaleureuses. On en jugera par la réponse caustique de La Harpe à une lettre de Monod et sa mise en garde contre un homme qu’il n’a en fait pas rencontré à cette heure:1

1. Monod, op. cit., t. I, Annexe XIV, no 2, p. 151.

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7 décembre 1813

Mon bon ami,

J’ai reçu vos lettres du 26 et 28 novembre; elles m’ont peiné.

La Légation a voulu s’amuser: elle savait que j’étais ici. Pour ses almanachs, serviteur.

Le monsieur qui vous a parlé de moi est du pays d’Ulysse. Mon nom était un prétexte, il en a profité; c’était son métier. L’histoire de la lettre ne m’inspire pas davantage la confiance. J’ai prié dans le temps son principal de ne pas me mettre en rapport avec les gens de cette profession et il m’a tenu parole; si c’eût été le cas d’une exception, il m’en eût directement informé. Au reste vous avez bien fait de causer et de faire causer. La meilleure politique à suivre en pareil cas est d’être franc; cela déroute les plus rusés et, si l’on a bonne mémoire, souvent on en profite.

Les faits et gestes de la pétaudière helvétique m’indisposent fort.

Après l’échec de leur conversation avec le landamman, nos députés cherchent à obtenir dans un deuxième entretien la suppression du titre de Médiateur accordé à Napoléon et l’abrogation des capitulations militaires avec la France, soit le rappel des soldats suisses qui combattaient encore aux côtés de Napoléon, conditions qui semblaient conformes à la neutralité proclamée par la Diète. Pourtant, sous l’influence de Talleyrand qui sur l’ordre de son maître refuse toute concession, Reinhard tergiverse et ne répond pas clairement. Ce n’est qu’à mi-décembre, à la veille de l’invasion, que le landamman s’y décidera enfin, comme l’attestent les accusés de réception de Lebzeltern et Capodistrias (Document n° 5).

Premiers rapports de Capodistrias et Lebzeltern

Le rapport du 24 novembre envoyé par Lebzeltern à Metternich et contresigné par Capodistrias concluait:1 «Opinion des Soussignés Tel étant l’état moral des Suisses les Soussignés sont intimément convaincus, que si les opérations militaires exigent impérieusement qu’une armée ait le passage par la Suisse ou qu’un Corps d’armée y prenne position, pour opérer une diversion, il n’y a qu’un parti à prendre: c’est celui de faire marcher d’abord et sans perte de tems les troupes et puis d’ouvrir

1. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, n° 3 ad. no 3 (= AEG, ms hist. 46, f. 92). Rapport de Lebzeltern à Metternich, du 24 novembre 1813, utilisé par Lascaris, op. cit., p. 37-38. Ce rapport est également signé par Capodistrias.

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la porte aux négociations et aux arrangemens.» Il semble bien que dès ce moment-là, les deux diplomates, en tout cas Lebzeltern, optent pour cette solution. Et M. Lévis-Mirepoix va plus loin en ajoutant:1 «Si l’on doutait de ce fait, les clauses militaires qui furent annexées au rapport [il s’agit en fait du rapport du 20 novembre] en donneraient la preuve éclatante. N’indiquent-elles pas l’état des routes qu’il conviendrait à l’armée de prendre, le prix des denrées, les ressources qui étaient à la disposition des soldats en Souabe et en Suisse, les moyens de défense des frontières françaises et la force des seules places qui les gardaient?» Mais d’autre part, les deux diplomates signalaient que pour gagner l’opinion publique suisse et s’assurer une retraite possible en cas de revers, il était essentiel qu’un ordre sévère règne dans l’armée et que l’on paye toujours tout comptant. En contresignant de tels rapports, Capodistrias qui, comme nous l’avons dit, n’avait pas encore l’expérience diplomatique de son collègue, donnait à la politique autrichienne un gage important. Il s’en justifiait à Nesselrode de la façon suivante:2 «Point de bonne volonté véritable et utile dans ce pays. Votre Excellence en a la preuve dans le mémoire ci-joint (sub lit. A). Il porte le précis de nos entretiens avec le Landamman un aperçu rapide sur l’état actuel de l’esprit public en Suisse et l’exposé de notre opinion sur les mesures à prendre et sur les résultats que l’on pourrait espérer dans l’alternative ou du passage des troupes alliées par la Suisse ou de l’adhésion de Leurs Majestés à l’acte de neutralité. En supposant que le passage par ce pays d’une armée combinée fût jugée nécessaire et urgent, nous avons cru de notre devoir de considérer dans un travail séparé (sub lit. B) tous les obstacles qui pourraient contrarier cette opération et d’indiquer en même temps les moyens de les aplanir...».

Les pourparlers entre le landamman et les diplomates restent pourtant très cordiaux, comme en témoigne le Document n° 2; les deux diplomates furent en quelque sorte doublés par les conversations que les députés de la Diète eurent à ce moment-là avec les souverains alliés à Francfort-sur-le-Main (Document n° 4) et surtout avec Metternich, qui se montra particulièrement machiavélique.3

1. Lévis-Mirepoix, op. cit., p. 284. Ce rapport figure également dans AEG, ms hist. 46, f. 94-97.

2. AEG, ms hist. 45, f. 6v, copie no 1036, no 3. Lettre de Capodistrias à Nesselrode, Zurich 12/24 novembre 1813.

3. Lévis-Mirepoix, op. cit., p. 285-287. Lettre de Metternich à Lebzeltern, de Francfort, 25 novembre 1813.

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La mission des deux envoyés étant rendue publique par un article de l’Allgemeine Zeitung du 28 novembre 1813 et leur identité révélée, il était inévitable qu’ils soient dès ce moment en contact avec des intrigants et des quémandeurs. On trouvera souvent chez les libéraux, en particulier chez Monod, le reproche adressé à Capodistrias d’être trop favorable aux aristocrates.

Il est vrai que les patriciens bernois Gatschet et de Steiger de Biggisberg, membres du comité de Waldshut, se rendirent dans les derniers jours de novembre auprès d’eux pour demander des passeports qui leur permettraient d’aller plaider auprès des souverains alliés la cause de Berne et le rétablissement de l’Ancien Régime en Suisse.

Estimant que la démarche des Bernois était contraire à leurs instructions — ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de la Suisse — Lebzeltern et Capodistrias recoururent à des moyens dilatoires: ils les prièrent de rédiger un mémoire sur la question, mémoire que les deux envoyés transmettaient à leur cour respective en date du 28 novembre.

Peut-être ce mémoire explique-t-il le revirement de Capodistrias, qui dans une lettre à Nesselrode du même jour explique la situation politique de la Suisse:1

[...] Il y a deux partis: les constitutionnels c’est-à-dire les Suisses qui tiennent fortement à la Constitution actuelle, parti composé du peuple de tous les grands et des nouveaux cantons ainsi que des patriciens modérés.

Le parti qui promet aux Souverains Alliés un dévouement plus particulier et qui offre la main au rétablissement de l’ancienne Constitution est composé des Patriciens auxquels la révolution démocratique arracha les rênes du Gouvernement.

— Si les succès des opérations militaires exigent impérieusement qu’une armée ait le passage par la Suisse il faudra bien se résoudre à des mesures forcées et dans ce cas unique il importe d’accueillir et utiliser le parti anticonstitutionnel.

En la supposition que Leurs Majestés préfèrent de laisser jouir la Suisse de sa paisible neutralité nous nous flattons d’avoir amené la négociation à un point très favorable.

Et commentant le mémoire des aristocrates bernois dans une autre lettre à Nesselrode, il n’hésite pas à écrire:2

[...] J’ai lu avec beaucoup d’attention cette pièce et je l’avoue

1. AEG, ms hist. 45, f. 7v, copie no 1037, rapport du comte Capodistrias à Nesselrode, Zurich, 16/28 novembre 1813.

2. ibidem, copie no 1038, même date.

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franchement à Votre Excellence elle me semble en grande partie dictée par une esprit de faction et par la seule envie de faire revivre l’Ancienne Constitution sous la puissante protection des Souverains Alliés. Quoique nouveau dans ce pays je ne saurais néanmoins partager l’opinion de ces députés à l’égard de la magistrature actuelle. Ils la présentent comme dévouée à la France, tandis qu’Elle pourrait être considérée comme un parti modéré formé à l’école des adversités et des événements extraordinaires qui ont eu lieu de nos temps en Europe. Prudent par principe, attaché à sa Patrie par honneur et par intérêt national — désirant un meilleur ordre de choses, mais espérant de le concilier avec le temps, avec la patience, et avec des ménagements qui puissent assurer en tout cas une existence politique à la Suisse.

D’autres réactionnaires comme l’avocat zurichois Escher von Berg et le général glaronais Bachmann cherchèrent également à entrer en relation avec eux au cours de ces quelques jours, en les assurant qu’il serait aisé d’opérer une révolution en faveur des Alliés.1

Mais si l’on examine le cercle d’amis zurichois auquel Capodistrias restera lié par la suite, on y trouve avant tout des intellectuels, des magistrats et hommes d’Etat dont la carrière est étroitement liée au régime de la Médiation: le landamman Reinhard, l’écrivain Heinrich Jakob Meister, ancien ami de Diderot et de Grimm; l’écrivain et artiste David Hess; enfin Paul Usteri, qui ne craindra pas de se ranger dès 1815 dans l’opposition libérale.

Capodistrias et Pestalozzi

C’est au cours de cette même période que Capodistrias devait entrer fortuitement en relation avec Johann Heinrich Pestalozzi et que commence ainsi une correspondance qui se continuera au fil des ans. Le 14 décembre, Pestalozzi écrit au comte:2

du 14e décembre 1813.

Il y a quelques mois que Monsieur le Comte de Bulgary m’a remis la lettre ci-incluse pour la faire parvenir à Votre Excellence; je n’ai pu le faire jusqu’à présent manquant d’une adresse positive.

1. W. Oechsli, op. cit., p. 10-11. W. Martin, op. cit., p. 70.

2. Les lettres de Pestalozzi à Capodistrias sont reproduites d’après l’édition Johann Heinrich Pestalozzi, Sämtliche Briefe, herausgegeben vom Pestalozzianum und von der Zentralbibliothek Zürich, bearbeitet von Emanuel Dejung und Hans Stettbacher, 13 vol., Zurich 1946-1971, et d’après les indications aimablement fournies par M. E. Dejung. Ici, t. IX, p. 56, no 3583.

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Enfin je viens d’apprendre par les papiers publics que Votre Excellence est à Zurich dans une mission diplomatique. Ne doutant pas que Vous êtes la personne, à laquelle cette lettre est adressée, je prends la liberté de l’envoyer à Votre Excellence. Au cas que le Comte de Bulgary qui se trouve dans ce moment à Milan, ne serait pas de votre connaissance, je vous prie de me renvoyer la lettre et d’avoir la bonté de me faire connaître, s’il est en votre pouvoir, la personne à laquelle la lettre doit être envoyée. J’estime Monsieur le Comte de Bulgary, je ne voudrais pas manquer de lui rendre ce service.

Quatre jours plus tard, Capodistrias lui répond, très heureux d’entrer ainsi en relation avec le pédagogue dont il a beaucoup entendu parler (Document n° 6): ...«J’en suis d’autant plus sensible qu’Elle me procure l’avantage de faire votre connoissance. J’en ai conçu l’envie et senti le besoin du moment que j’ai lu vos œuvres immortelles, et que j’ai été pénétré des principes philantropiques dont vous faites profession.

«Ce que je désire le plus c’est de venir vous presenter personnelement l’hommage de mon estime et de mon admiration. Si mon séjour en Suisse doit se prolonger, je ne manquerai pas de m’accorder le plutôt qu’il me sera possible cette jouissance. Elle est véritable parcequ’elle interesse l’esprit autant que le cœur.» Le 28 décembre 1813, nouvelle lettre de Pestalozzi1 écrite de Zurich au comte de Capo d’Istria:

L’espoir que vous me donnez de pouvoir faire votre connaissance personnelle, me cause un véritable plaisir. Monsieur le Comte de Bulgari m’a fait connaître l’intérêt, que plusieurs de vos compatriotes prennent à l’éducation du peuple, et il m’a convaincu que les descendants des anciens Grecs sont susceptibles du plus haut degré de développement de toutes les facultés, qui honorent l’humanité. Je désire vivement de trouver une occasion pour m’entretenir avec vous sur un sujet aussi important. Il est certain que nos travaux, suivis depuis tant d’années, nous ont fait faire bien des observations intéressantes sur ce point. S’il vous est possible, donnez-nous l’honneur et le plaisir de votre visite !

Notre lettre pour Monsieur Bulgari est partie hier à Milan; je suis sûr du plaisir qu’il aura de recevoir de vos nouvelles.

Agréez, Monsieur le Comte, les sentiments d’estime etc.

Cette visite à Yverdon, Capodistrias la réalisera au mois de juin 1814 et nous en reparlerons. Quant au comte Bulgari, il ne nous a pas

1. ibidem, t. IX, p. 61, n° 3593.

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été possible de l’identifier avec certitude; il s’agit peut-être bien de Marc-Antoine, fils du comte Nicolas, de Corfou, qui fit des études de droit en Italie, puis une carrière diplomatique en Russie et qui par la suite s’est beaucoup lié avec Capodistrias. Il fut même ambassadeur de Russie auprès du gouvernement de Capodistrias à Egine en 1829.

Invasion de la Suisse

Alors que les pourparlers en Suisse piétinent, Metternich charge à Fribourg - en - Brisgau le comte de Salis-Soglio, un Grison réactionnaire qui avait fait sa carrière à la cour d’Autriche, d’entrer en relation avec les aristocrates bernois en leur faisant miroiter le rétablissement de l’Ancien Régime et la perspective de servir de guide au général Bubna, lorsque celui-ci aura pénétré en Suisse.1 En apprenant la chose, Lebzeltern et Capodistrias estimèrent qu’il n’y avait plus de raison de retarder le voyage de Gat-schet et de Steiger; ils se déchargèrent en quelque sorte de leur responsabilité morale sur les ministères autrichien et russe.2

Pressé en outre par Schwarzenberg qui craint de ne plus pouvoir nourrir longtemps les troupes massées entre Schaffhouse et Fribourg-en-Brisgau, Metternich a dès ce moment un prétexte d’intervention plausible: il s’agit de venir à l’aide du canton de Berne. Il parvient ainsi à arracher le 15 décembre l’ordre d’intervention militaire à l’empereur François très réticent jusque-là. En outre, gardant l’espoir que les Suisses — en l’occurrence les Bernois eux-mêmes — fassent appel aux Alliés, le ministre autrichien délègue à Berne, où il arrive le 19 décembre, un représentant officieux, le comte de Senft-Pilsach, qui est chargé d’activer les intrigues des ultra-conservateurs en fomentant un coup d’Etat.

A Zurich, Lebzeltern s’était efforcé dans un entretien avec le landamman Reinhard, et dans une entrevue avec le général de Wattenwyl le 13 décembre, de les convaincre d’éviter toute résistance inutile de la part des troupes suisses. Wattenwyl finit par accepter, à la condition que les Alliés se présentent avec des forces telles que l’absence de résistance soit justifiée devant l’opinion publique suisse; ce qui permit à

1. W. Oechsli, op. cit., p. 15; St. Lascaris, op. cit., p. 39.

2. AEG, ms hist. 45, f. 8, no 1040, lettre de Capodistrias à Nesselrode, Zurich, 23 nov./3 déc. 1813. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, no 6, Litt A. (= AEG, ms hist. 46, f. 15iv), lettre de Lebzeltern à Metternich, Zürich, 3 décembre 1813.

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Lebzeltern de conclure dans son rapport du 14 décembre à Metternich:1 ... «Ils ne demandent plus que de capituler sur les formes à observer pour mettre leur responsabilité à couvert et éviter des désagréments des deux côtés.» Ce rapport, parvenu au quartier général le lendemain, joue un rôle déterminant dans la décision d’intervention des Alliés.

Il était à prévoir que l’attitude de Wattenwyl et celle du colonel Herrenschwand chargé de la défense de Bâle (point stratégique de première importance), lequel signa le 20 décembre la capitulation de Bâle avec l’accord de son général, seraient par la suite très critiquées par de nombreux Suisses, surtout des officiers et des soldats qui n’admettaient pas que l’on ait déposé les armes si facilement.2

Les troupes autrichiennes qui franchissent les ponts de Bâle, de Schaffhouse et de Rheinfelden dans la nuit du 20 au 21 sont précédées par une proclamation du maréchal prince de Schwarzenberg qui se présente au pays comme un libérateur,3 proclamation rédigée à l’instigation de Lebzeltern et de Wattenwyl.

Note des Puissances alliées du 20 décembre 1813

Ce même 20 décembre 1813, Lebzeltern et Capodistrias adressèrent au landamman une note pour l’informer officiellement des intentions de leurs souverains qui «ne peuvent admettre une neutralité qui... n’existe que de nom», mais offrent en contrepartie du passage de l’armée la restitution des territoires annexés par Napoléon et promettent de ne pas s’immiscer dans l’organisation intérieure de la Confédération (Document n° 7).

Cette note, rédigée par Metternich en personne, devait être signée conjointement par Lebzeltern et Capodistrias. Béveillé à l’aube par son collègue, Capodistrias réfléchit plus d’une heure dans la solitude avant de se décider à contresigner le document qui contrecarrait les instructions de son maître. Il partira immédiatement après au quartier général pour s’expliquer.

Pas aussi immédiatement qu’il voudrait nous le faire croire dans son autobiographie, puisque nous constatons qu’il écrit encore à Nessel-

1. W. Martin, op. cit., p. 82. AEG, ms hist. 46, f. 183v, rapport de Lebzeltern à Metternich du 14 décembre 1813.

2. B. van Muyden, La Suisse sous le Pacte de 1815, Lausanne 1890, p. 30.

3. ARCHIVES FÉDÉRALES. Période de la Médiation 1803-1813, KE no 574, f. 35-37. Van Muyden, op. cit., p. 24-25; W. Martin, op. cit., p. 114-115.

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    LA MISSION DE CAPODISTRIAS EN SUISSE (1813 - 1814)

    Introduction

    Le but de ce travail a été de recenser dans les archives publiques et les collections particulières de Genève d’abord et de Suisse en général, puis de publier les écrits autographes du comte Jean Antoine Capodistrias (1776-1831).

    A deux reprises au cours de son existence, Capodistrias a séjourné pour une longue durée dans notre pays. Ces deux séjours encadrent en quelque sorte la brillante carrière diplomatique qu’il devait accomplir auprès du tsar Alexandre Ier. En effet, en novembre 1813, celui-ci lui confia sa première mission diplomatique auprès de la Diète à Zurich — mission qui s’avéra particulièrement délicate et permit au diplomate de se distinguer et d’être amené à jouer un rôle prépondérant au Congrès de Vienne et auprès de l’empereur au cours des années suivantes. Capodistrias séjourna ainsi de novembre 1813 à octobre 1814 en Suisse, d’où il se rendit à Vienne.

    Lorsque éclata l’insurrection grecque de 1821, Capodistrias, alors secrétaire d’Etat pour les Affaires étrangères auprès du tsar, se trouva dans une position difficile. Alexandre Ier subissait à l’époque l’influence de Metternich et de la politique autrichienne violemment opposée dans la question d’Orient à l’indépendance de la Grèce, et le secrétaire d’Etat de Russie se vit dans l’obligation ou de soutenir la politique officielle et d’avoir l’impression de trahir ses compatriotes, ou de quitter le service de l’empereur auquel il était profondément attaché. C’est à ce dernier parti qu’il se résigna en demandant un congé illimité qui lui fut accordé en août 1822.

    Alors que le désir de Capodistrias était de rejoindre sa patrie de Corfou et sa famille qu’il avait quittées depuis de nombreuses années, la conjoncture politique allait en décider autrement. En effet, le gouvernement anglais, qui avait acquis au Congrès de Vienne la souveraineté sur les îles Ioniennes, s’opposa formellement au retour de Capodistrias dans son île natale; il craignait que la présence de celui qui dans l’opi-