Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄

Τίτλος:Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
 
Τόπος έκδοσης:Κέρκυρα
 
Εκδότης:Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών
 
Συντελεστές:Κώστας Δαφνής
 
Έτος έκδοσης:1984
 
Σελίδες:364
 
Θέμα:Ο Καποδίστριας στην Ελβετία
 
Τοπική κάλυψη:Ελβετία
 
Χρονική κάλυψη:1813-1814
 
Περίληψη:O τέταρτος τόμος του ΑΡΧΕΙΟΥ ΚΑΠΟΔΙΣΤΡΙΑ καλύπτει, την αποστολή του Καποδίστρια στην Ελβετία το 1813-1814, που είχε για στόχο την απόσπασή της από τη γαλλική κηδεμονία και την ενότητα και ειρήνευση της χώρας, που θα εξασφάλιζε ένα Σύνταγμα κοινής αποδοχής. Ο Καποδίστριας πέτυχε στην αποστολή του αυτή και η επιτυχία απέσπασε την εκτίμηση και την εμπιστοσύνη του Αυτοκράτορα της Ρωσίας και άνοιξε το δρόμο για τη μετέπειτα λαμπρή σταδιοδρομία του.
 
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très encore, pour que tous ceux qui ont accès aux conférences ou peuvent influer, en aient connaissance.

Je suis allé prendre le thé dans une maison où était l’empereur Alexandre [chez Mme de Staël]. J’avais en poche une copie du mémoire. J’en ai donné connaissance sommaire à la maîtresse de maison, très bien disposée. Elle a trouvé un moment pour parler de Genève, de nos inquiétudes, etc. Alors Alexandre a répondu: «Nous trouverons un moyen pour que Genève communique directement avec la Suisse.» J’ai entendu ces paroles. Nous sommes convenus que, demain matin, elle écrirait à l’empereur et lui indiquerait, en quatre mots, les bornes du canton, telles que je les demande dans le mémoire.

Le mémoire de Pictet et l’intervention de La Harpe, dont nous parlons plus loin, suscitèrent bien une nouvelle discussion de la question qui, d’après diverses sources, retarda de quelques heures la signature du Traité de Paris, mais ne changea en rien les dispositions à l’égard de Genève, sauf peut-être en ce qui concerne l’utilisation commune aux deux pays de la route de Versoix.

L’attitude si réservée d’Alexandre à l’égard du Genevois chez Mme de Staël incline à penser que Pictet aurait dû mieux soigner ses relations avec l’empereur de Russie et son entourage. D’autant plus que nous trouvons plusieurs fois, dans les lettres de Pictet à Turrettini, l’impression qu’il ressent d’être desservi auprès de l’empereur par La Harpe. Ce sentiment est exprimé d’une façon explicite dans la lettre du 27 mai:1 «Personne ici ne doute que la Harpe ne nous nuise. Je n’en ai aucune preuve directe; mais il craint, je le sais, l’influence de nos principes aristocratiques, et on peut en induire qu’il aimera bien autant que son canton ne se trouve pas serré entre deux autres dont les principes seraient, pense-t-il, en opposition avec les siens.» Cette collusion entre les gouvernements bernois et genevois était parfaitement plausible et il est normal que La Harpe l’ai redoutée. D’autres motifs d’animosité entre eux existent.2 La Harpe se bat pour l’amélioration du sort des campagnards, alors que Pictet, pourtant agronome éclairé et assez proche de ces idées philanthropiques, est obligé par loyauté de défendre le point de vue de ses commettants: assurer aux citadins genevois la prééminence politique dans le canton, quels que soient sa taille ou le nombre de ses habitants. Enfin, Pictet a le tort de parler trop souvent de ses affaires privées — soit de son élevage de moutons

1. ibidem, p. 91.

2. P. Waeber, op. cit., p. 134-136.

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mérinos à Odessa — lorsqu’il est en contact avec des gens influents à la cour de Russie, ce qui souvent les importune. Pourtant, La Harpe n’avait pas prévu ce dénouement négatif à la question du Pays de Gex. Il cherchera lui aussi à intervenir in extremis, mais sans succès. Dans une lettre à Pictet, datée du 6 juin,1 il en rejettera la responsabilité, non sans raison, sur les intéressés: «Pour réussir dans les négociations, il faut de l’union entre les intéressés, et il n’y en a ni chez vous [à Genève], ni parmi les Suisses.»

C’est probablement parce qu’il se sent mal introduit chez les Busses que Pictet cherche à entrer en rapport avec Capodistrias, arrivé le 25 mai à Paris. Il en exprime le désir dans une lettre du 28 à Turrettini. Sa première rencontre avec le ministre russe a lieu le 1er juin. Pictet la rapporte en ces termes:2

Dans une longue conversation que j’ai eue hier avec le comte de Capo d’Istria, j’ai vu clairement que, pour réussir, il aurait fallu employer de ces arguments irrésistibles que nous autres honnêtes gens ne savons pas mettre en avant. Vu la nature de l’obstacle [la conscience du roi], je doute pourtant qu’on eût rien gagné sur l’article essentiel, le pays de Gex. Mais, en nous raccrochant de l’autre côté, il faut bien se préparer à un sacrifice et en peser d’avance la convenance et la force. Il m’engagea à donner aujourd’hui une nouvelle note en confirmation du mémoire du 25, qu’il approuve beaucoup. Il me promit de tirer à la même corde que nous et de nous maintenir une porte ouverte. J’ai fait cette note cette nuit. Je la lui ai envoyée ce matin, à 8 heures, par Lullin, qui me l’a rapportée avec son entière approbation. Je vais la lâcher aux quatre ministres qui partent ce soir ou demain. Vous en avez ci-joint la copie. Il ne suppose pas possible que nous puissions être suisses sans être contigus. Il m’a dit que M. de Metternich avait prononcé que le Valais, Bienne et Neuchâtel étaient dedans, et que, ne nous ayant pas nommés, il paraissait nous laisser en dehors.

Il ne nous semble pas fortuit que Capodistrias, qui lui aussi venait de voir ses projets combattus auprès de l’empereur par La Harpe, ait épousé la cause du diplomate genevois. Le 6 juin, Pictet rencontre à nouveau le ministre du tsar, dont il se fait un allié inconditionnel:3

1. AEG, Aff. étrang. 25, f. 189v. Lettre de La Harpe à Pictet, du 6 juin 1814. W. Martin, op. cit., p. 359-360.

2. L. Cramer, op. cit., p. 100-101, lettre à Turrettini du 2 juin 1814.

3. ibidem, p. 108-111. Lettre à Turrettini, Paris, 7 juin 1814.

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[...] Hier, j’allai de bonne heure avec une carte et la lettre du Conseil à Alexandre chez M. Capo d’Istria. J’avais tracé sur la carte la nouvelle frontière française, depuis l’Aire de Chancy jusqu’à Bonneville (autant qu’on peut la comprendre). Je lui fis toucher au doigt: 1° que ce mouchoir depuis Bonneville, sur la gauche de l’Arve et du Bhône, et borné par la nouvelle frontière française, ne pourrait appartenir qu’à nous. On ne voulait plus agrandir la France de ce côté-là. Son affaire était faite. Et, quant au roi de Sardaigne, que pourrait lui signifier ce petit coin sans communication avec Turin et touchant à nos glacis? 2° Je lui démontrai que les quatre provinces [Maurienne, Tarentaise, Faucigny, Chablais], dont le sort demeurait en suspens, ne pouvaient pas mieux rester à la maison de Savoie, vu le défaut de communications; que le Chablais et le Faucigny, en prenant l’Arve pour limite, étaient évidemment dans le système géographique suisse, et qu’il était encore de l’intérêt de l’Europe de les y placer définitivement, dans les arrangements du congrès de Vienne. Tous ses raisonnements appuyèrent les miens. Il approuva l’idée d’aller là où va mon frère [à Londres].

Je lui dis que, malgré notre ruine, je croyais qu’on trouverait encore les moyens de faire un sacrifice en faveur de qui de droit, pour lever les obstacles à un arrangement qui nous permettrait l’agrégation et assurerait communications militaires, subsistances, etc. Il me promit sa coopération, et, d’abord, qu’il empêcherait qu’on ne prît à la Diète un parti décisif d’exclusion, en y faisant envisager la probabilité que nous réussirions sur l’autre rive.

Il lut avec attention la lettre du Conseil à Alexandre. Il la trouva: 1° trop longue; 2° tardive. Il me dit: «Il répondra: c’est une affaire faite, on n’en peut pas revenir. Au lieu de cela, il faut lui écrire d’après l’autre idée indiquée dans vos dernières notes, et qui est votre seule espérance. Il faut resserrer votre demande clans le plus petit nombre de mots qu’il se pourra, et ne pas essayer surtout de l’occuper de cela où il est maintenant [en Angleterre]: ce serait impossible. Dans les cinq jours qu’il passera à Carlsruhe, il y aura possibilité d’accès.»

Il me parla beaucoup de la Suisse et me montra lassitude et humeur contre les Bernois. Il me donna des détails qui montrent qu’en effet ils risquent sciemment le repos et l’existence de la Suisse en persistant dans un système que la force des choses détruit. Il craint beaucoup que la France n’ait bientôt, à l’occasion des troubles qui naîtront, l’occasion d’envoyer vivre un corps d’armée en Suisse. Il est navré de tout cela. Il craint encore que le Corps helvétique ne se trouve pas constitué à temps pour être représenté à Vienne, ce qui aurait pour la Suisse les conséquences les plus fâcheuses.

Comme la France a demandé le Chablais dans les conférences

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de Paris, j’ai fait sentir l’importance de le donner à la Suisse, ne fût-ce que... Il m’a dit qu’il se trouverait à Genève aussitôt que moi. Vous aurez donc occasion de l’entendre raisonner sur tout cela. Il est très bienveillant, très éclairé. Il sent fort bien que nous pouvons et devons être jalousés. Il n’est pas bien sûr que La Harpe n’ait pas été contre, etc.

Après avoir passé une heure avec lui, j’allai chez Pozzo di Borgo, à qui j’avais porté la veille une lettre de Dumont. Capo d’Istria m’y rejoignit un quart d’heure après, et, me trouvant causant de nos affaires dans le cabinet de Pozzo, il se mit à en causer en tiers. Pozzo nous lut la lettre de Dumont. Nous la commentâmes. Il dit aussi: «C’est trop tard», mais il convint avec nous qu’il fallait se raccrocher de l’autre côté. Capo d’Istria m’aida à lui faire bien saisir et épouser la cause. Malheuresement le voilà fixé loin de la personne importante [Alexandre], ce qui, par parenthèse, pourrait bien être un tour d’ami de cour. Toujours est-il bon qu’il soit endoctriné. Il répondit devant moi à M. Dumont et me remit la lettre [...].

Ces renseignements privés sont confirmés et complétés dans le «Bapport de Mr le Conseiller Pictet sur sa mission à Paris en avril, mai et juin 1814», inséré dans le Registre du Conseil.1 Deux passages concernent sa rencontre avec Capodistrias:

Le lendemain 1er Juin, je parvins à joindre Mr Capo d’Istria, qui était à Paris depuis quelques jours. Je lui trouvai de l’humeur sur la tournure que notre affaire avait prise. Il regrettait de ne s’être pas trouvé à Paris à temps pour plaider une cause qu’il croyait avoir été mal défendue. Il approuvait beaucoup mon mémoire du 25, dont il avait connaissance et après m’avoir fait connaître les conditions de la paix pour ce qui nous regardait, il m’engagea à remettre une note aux Ministres, avant leur départ pour Vienne. Cette note donnée le 2 juin, c’est-à-dire le jour même de la publication des conditions, fut remise à tous les ministres au moment de leur départ. J’avais eu soin d’en faire approuver le projet par Mr de Capo d’Istria, en le lui envoyant de très bonne heure par Mr Lullin. Celui-ci revint convaincu de ce que j’avais déjà soupçonné dans ma conversation de la veille, c’est que certains argumens, que nous ne savons et ne pouvions guere employer, nous auraient peut-être fait gagner notre cause. Le Comte Capo d’Istria paraît porté de très bonne volonté pour nous, et nous soutiendra à Vienne.

1. AEG, Registre du Conseil d’Etat provisoire 1813 et 1814, rapport inséré entre les feuilles 233 et 234, passages reproduits pp. 6b et 6c. Publié dans L. Cramer, op. cit., p. 111-127.

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[...] Le six au matin je réussis à trouver chez eux Mrs Capo d’Istria, et Pozzo di Borgo. J’eus avec le premier, et ensuite avec l’un et l’autre, une assez longue conférence dont j’ai rendu compte à Mr le Cer Turrettini dans ma lettre du 7. Ils furent d’avis qu’il ne fallait pas donner cours à la lettre pour l’Empereur. Ils jugerent qu’elle arrivait trop tard. Mr Capo d’Istria, qui la lut avec beaucoup d’attention, et la trouva fort bien faite, la jugea cependant trop longue, et conseilla d’en faire une dans l’esprit de la note du 2 juin, et de la faire remettre à Carlsruh où l’Empereur serait plus abordable qu’en Angleterre. Il m’annonça sa prochaine arrivée à Genève. Il devait quitter Paris le 10, et retourner en Suisse achever une tâche dont il commence à se montrer fort las [...].

Traité de Paris

L’annonce du Traité de Paris et les articles concernant Genève parvinrent au bord du Léman le 1er juin, le jour même où la population accueillait dans la liesse les contingents suisses. L’effet psychologique de l’échec relatif au Pays de Gex en fut atténué. On y fut surtout soulagé de la parenthèse de l’article III.7.: «Dans le département du Léman, les frontières entre le territoire français, le pays de Vaud et les différentes portions du territoire de la République de Genève (qui fera partie de la Suisse), restent les mêmes qu’elles étaient avant l’incorporation de Genève à la France.» Les concessions territoriales assez confuses qui suivent, furent modifiées par la suite. Par contre, l’article IV permettait l’espoir d’un aménagement pour la communication directe avec la Suisse: «Pour assurer les communications de la ville de Genève avec d’autres parties du territoire de la Suisse, situées sur le lac, la France consent à ce que l’usage de la route par Versoy soit commun aux deux pays. Les gouvernements respectifs s’entendront à l’amiable sur les moyens de prévenir la contrebande et de régler le cours des postes et l’entretien de la route.»1

De Paris, le 28 mai, Capodistrias avait écrit à Reinhard (Document n° 55) une lettre qui devait lui être remise par le baron de Krüdener dépêché par l’empereur directement à Zurich: «Il est conséquemment chargé de Vous donner des explications satisfaisantes relativement aux différens points dont la decision définitive a été jugée essentielle à l’achèvement le plus prompt des travaux de la Commission de la Diète constitutionnelle.»

1. W. Martin, op. cit., p. 377. AEG, Aff. étrang. 25d, f. 184-188 (= Journal de Paris, politique, commercial et littéraire, n° 154, vendredi 3 juin 1814, p. 4).

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Quelques articles du Traité de Paris concernaient la Confédération suisse; le plus important d’entre eux, l’article VI, reconnaissait l’indépendance du pays: [...] «La Suisse, indépendante, continuera de se gouverner par elle-même.»

En complément des informations verbales de Krüdener, Capodistrias communique, dans une lettre datée de Genève, le 13 juin. 1814 (Document n° 56), la copie de l’article II du Traité secret passé entre les signataires: «La France reconnaîtra et garantira conjointement avec les puissances alliées et comme elles, l’organisation politique que la Suisse se donne sous les auspices des dites puissances alliées et d’après les bases arrêtées avec elles.» Les grandes puissances établissaient ainsi en Suisse une influence collective à la place de celle que la France avait exercée seule au cours des siècles précédents. Cette ingérence étrangère, surtout celle de l’Autriche, eut des conséquences assez fâcheuses sur les affaires intérieures de la Suisse entre 1820 et 1848.

Dans la lettre qui accompagne l’article secret, Capodistrias fait le point de la situation: il faut accélérer la ratification du Pacte fédéral pour qu’il puisse être reconnu et garanti par les Alliés et la France au Congrès de Vienne et pour que la Confédération suisse puisse être représentée à la Conférence en tant qu’Etat souverain. Il informe Reinhard du rejet par l’empereur de Russie des prétentions bernoises sur l’Argovie, moyennant des compensations territoriales du côté de Bienne et Moutiers. Il se propose de passer par les cantons aristocratiques pour discuter sur place de la situation. Son trajet de retour passerait par Genève, Lausanne, Fribourg, Berne, Soleure, Aarau et Saint-Gall. Projet qui ne sera que partiellement réalisé. Il insiste enfin sur le désir de Genève d’être unie à la Confédération et donnera de vive voix les explications sur ce point. Enfin, Metternich semble s’être prononcé pour la restitution de la Valteline à la Suisse.

Capodistrias à Genève

Lettre du colonel Girard au gouvernement de Fribourg

Le passage de Capodistrias par Genève est relaté officiellement dans le Registre du Conseil d’Etat:1

Le 11 Juin 1814 [dans la marge: Le Comte Capo d’Istria Députation] Mr le Comte Capo d’Istria étant attendu à Genève on nomme Mr

1. AEG, R.C. 1814, p. 232, séance du 11 juin 1814; p. 235-236, séance du 13 juin 1814.

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le Syndic Des Arts, Messs les Cons. Saladin, d’Ivernois et Schmidtmeyer pour le complimenter à son arrivée de la part du Conseil et conférer avec lui sur les intérêts de la République, le 13 juin 1814 [dans la marge: Députation à Mr le Comte Capo d’Istria Ministre Russe près la Diète Helvétique]

La Députation du Conseil à Mr le Comte Capo d’Istria, à laquelle Mr le Cons. Pictet s’est joint, rapporte qu’elle s’est rendue auprès de lui pour le complimenter et solliciter sa bienveillance et la protection de Son Souverain pour notre République. Mr le Comte Capo d’Istria a répondu en termes très honnêtes pour le Conseil et la République, il a témoigné prendre un véritable intérêt à notre sort futur, a promis son appui à nos démarches, soit auprès de la Diète, soit auprès du Congrès de Vienne, il a fini par demander à connoitre les bases générales de notre future constitution.

Nous remarquerons qu’à l’exception de Des Arts, Capodistrias connaît déjà les trois autres conseillers, ainsi que Pictet qui, de retour de Paris, se joint à la députation. Le ministre est logé chez le chevalier d’Ivernois, dans la belle demeure des comtes de Sellon à la rue des Granges.1

Chose curieuse, le seul autre témoignage privé de ce passage de Capodistrias à Genève, nous l’avons trouvé aux Archives de Fribourg: c’est le long rapport que le commandant des troupes suisses à Genève, le colonel Girard, fait à son gouvernement de son entrevue avec Capodistrias.2 Le premier paragraphe est anecdotique et nous renseigne sur les honneurs réservés au ministre:

Je m’empresse de vous faire connoitre que la députation de Genève à Paris est de retour ici depuis le 11e courant, elle a été suivie hier au soir entre 9 et 10 heures par Monsieur le Comte Capo d’Istria, qui a été logé dans une maison particulière, où il a reçu tous les honneurs dus a sa mission en Suisse. Ce matin je lui ai envoyé une garde d’honneur qu’il a acceptée, de même que celle que lui a envoyé le Gouvernement de Genève. Entre midi et une heure, qui étoit le moment qu’il m’avoit fixé pour reçevoir ma visite avec mes officiers, je me suis rendu chez lui, il me fit un accueil très gracieux et voici quel fut a peu-près l’entretien que nous eumes ensemble sur les affaires, qui intéressent si particulièrement le sort de la Suisse.

Il m’a dit: qu’il est [sic] espéroit que son retour en Suisse y

1. Gazette de Lausanne, no 48, vendredi 17 juin 1814.

2. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Commission souveraine, correspondance 1814, p. 67, no 25, lettre de Girard du 13 juin 1814.

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ameneroit sa pacification intérieure, que l’intention des puissances alliées à l’égard du Corps Helvétique ne seroit plus un secret à l’avenir, qu’il s’empresseroit au contraire de la faire connoitre; que si l’on ne vouloit point mettre fin a ces dissensions, qui font le déshonneur et le mécontentement de la Suisse, il connoit d’une manière positive que les hautes puissances alliées sont décidées à envoyer en Suisse une armée, qui faisant chacun rentrer dans son devoir nous forçeroit à l’exemple de celle que Napoléon avoit envoyée en Suisse lors de la mise en activité de l’acte de médiation, à recevoir d’elles une constitution conforme à leurs idées libérales; qu’il espéroit cependant que l’on ne seroit point obligé d’en venir à cette extrémité, mais qu’il falloit pour cela sacrifier les intérêts particuliers au bien général, qu’il étoit urgent que l’on organisât définitivement les Cantons sans manifester aucune exclusion, sans privilège de famille et cependant n’appeller que le mérité au Gouvernement, qu’il étoit urgent de terminer cette organisation, qui seule peut lever cet état d’incertitude dans laquelle la Suisse se trouve plongée depuis quelques mois, et la soumettre à la ratification de la Diète, sans laquelle elle ne peut avoir aucune force.

Je lui ai dit que quelques articles de la constitution de Fribourg, que l’on avoit rendus publics, entr’autres le mode des élections au grand Conseil souverain, n’avoient produit aucun mauvais éffet et qu’ils avoient été au contraire reçus avec beaucoup de calme. Il me répondit: que lorsque les députés du Canton de Fribourg l’avoient informé que l’ancien Gouvernement s’était substitué à celui de l’acte de médiation, il leur avoit demandé, si ce changement avoit l’assentiment du peuple, qu’on le lui avoit assuré, qu’il avoit cependant depuis lors eu lieu de se convaincre du contraire tant par les demandes reitérées du peuple à être admis par ses représentants à concourir à l’établissement du nouvel acte constitutionnel que par le refus tacite des quartiers du Canton à présenter à la Commission souveraine les trois candidats parmi lesquels le membre direct de chaque quartier au Grand Conseil devoit être choisi et qu’il ne pouvoit pas regarder cette non présentation comm’ un acte d’insouçiance de la part du peuple, que si c’en étoit un, ce dont il avoit peine à se convaincre, le Gouvernement ne devoit point laisser ses ressortissants indifférents sur un article de la constitution aussi important pour eux. Il me fit à cet égard quelques comparaisons, que je passerai sous silence. Il ajouta qu’il avoit été fâché de voir que les Cantons de Fribourg et Soleure fussent les deux cantons dans lesquels il y avoit eu le plus de troubles, ce qui étoit bien loin de faire croire au contentement général, que l’on s’étoit flatté d’avoir amené par le changement du Gouvernement.

J’oubliois de vous dire qu’il m’a déclaré d’une manière positive qu’il étoit d’autant plus urgent que la Suisse se reconstituât le plus promptement possible sur des bases, qui assurent son bonheur et sa tranquillité par leur sagesse et qui réunissant tous

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les différents partis, qui la divisent leur fassent oublier leurs intérêts particuliers pour ensuitte tous d’un commun accord tendre au bien public, qu’il lui importoit beaucoup qu’elle envoyât au prochain congrès de Vienne des députés pour la représenter de manière a ce que ses intérêts n’y soient point négligés, lorsque ceux des nations de l’Europe y seront définitivement réglés. Il ajouta que l’intention des puissances alliées avoit été de donner aux limites de la Suisse une plus grande extension et plus conforme à sa position, mais que l’Etat de trouble où elle se trouve les avoit décidées à suspendre la délimination — définitive de son territoire.

Je ne crois pas inutile de vous dire qu’il a eu à Paris avec Mr le Colonel d’Affry des conversations relatives aux circonstances et particulièrement au sujet de notre Canton et qu’il l’avoit même chargé de communiquer ses intentions au Gouvernement, il me me dit que je devois en faire de même, quant à lui il m’assura ne point vouloir s’immisçer dans les affaires intérieures des Cantons.

Voila, Messieurs! le résultat éxact de l’entretien que j’ai eu avec Mr Capo d’Istria, je regrette de n’avoir pu profiter de l’invitation, qui m’avoit été faite de diner avec lui, j’aurais sans doute appris encore quelqu’autre chose, qui auroit pu mériter votre attention.

J’ai l’honneur de vous prevenir que son départ d’ici pour Lausanne est fixé à demain matin d’où il se rendra à Fribourg et ensuitte à Zurich en visitant une partie des autres cantons de la Suisse. Ne connaissant pas exactement le jour de son départ depuis Lausanne pour Fribourg et persuadé qu’il vous seroit agréable de connoitre le moment de son arrivée j’ai prié Monsieur le Commissaire des guerres en chef du Canton de Vaud de vous en donner connaissance par le courier, si la nouvelle peut vous arriver à tems, si non, de vous envoyer un exprès. J’aime a croire que vous ne trouverez pas cette mesure déplacée, j’ai cru que la prudence et l’intêret de mon pays l’exigeoient.

Agréez, Messieurs ! l’assurance de ma respectueuse considération.

Si Capodistrias a pu discuter des affaires fribourgeoises avec deux partisans du gouvernement en place — d’Affry à Paris et Girard à Genève, il est de son côté bien renseigné sur l’existence d’une opposition au régime patricien. Son informateur sur l’affaire des quartiers (districts campagnards) de Fribourg est en l’occurrence de nouveau l’ex-avoyer Diesbach. Bépondant à une lettre malheureusement disparue de Capodistrias du 18 avril, celui-ci écrit le 26 avril:1

1. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Archives Diesbach, brouillon de lettre de Joseph Diesbach à Capodistrias, daté du 26 avril 1814.

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[...] j’ai l’honneur de L’informé que le 23 du Couran jour fixé pour l’Assemblée des Quartiers, il n’y a eu dans la totalité du Canton, qu’un Seul Quartier, Celui de Châtel qui... se trouvant en nombre compétant, ait put fair une proposition de trois Membres le pays sentant combien la représentation qu’on lui accordait étoit illusoire, a dans cette occasion donné une preuve bien plus convaincante de Son mécontentement, que toutes les réprésentations qui ont été faite précédament.

La Commission Souveraine [...] a fait la demande au Grand Consaille, si dans les propositions qu’elle devait faire pour supléer aux présentations des quartiers, elle pouvoit choisir des patritiens pour être Membres représentans de la Campagne, cette demande a été approuvée et vu l’esprit de ceux qui dirigent le choix des représentans il est facile de prévoir, que le nombre des personnes de la Campagne qui doivent faire partie du Gouvernement sera encore plus restraint.

Capodistrias a reçu en outre un mémoire de Fribourgeois mécontents qui l’a renseigné de façon très précise sur la situation du canton.1

Dans son rapport suivant,2 Girard signale que Capodistrias a pris la route de Lausanne le 14 à 3 heures après midi. Et c’est avec soulagement qu’il a dû recevoir quelques jours plus tard l’aval de son gouvernement:3 «Il nous a été agréable d’être avisés à l’avance de l’arrivée de Mr le Comte de Capo d’Istria... et nous ne pouvons qu’approuver les mesures que vous avez prises à cet effet.»

Séjour à Lausanne

Entrevue avec le Petit Conseil

Si les documents officiels de Genève et de Fribourg sont laconiques au sujet de Capodistrias, les registres vaudois nous renseignent dans le menu détail sur le passage du ministre russe dans leur ville.

De Paris, le 3 juin, Monod écrivait à Auguste Pidou:4 «il est possible que Mr de Capo d’Istria, partant avant nous, passe à Genève et chez nous; en ce cas, il s’y arrêtera et vous parlera de notre Constitution; il importe de le parfaitement recevoir, de l’entourer un peu;

1. Monod, op. cit., t. II, p. 424-427, annexe LXXI: Mémoire de Duc, Chappuis et Praroman, Fribourg, le 6 mai 1814 (= BCU, Fonds Monod, Ko 17).

2. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Commission Souveraine, Correspondance juin 1814, no 27, pièce 69, lettre de Girard, Genève, 16 juin 1814.

8. ARCHIVES CANTONALES, Fribourg, Protoc. Commission souveraine du gouvernement 1814, p. 178, n° 146, lettre à Girard, 20 juin 1814.

4. BCU, Fonds Monod, Kn 33.3, lettre de Monod à Pidou, copie, Paris, 3 juin 1814.

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je voudrais y être, je lui offrirais un logement chez moi et nous irions et viendrions un peu ensemble.» Le 7 juin, il informe le Petit Conseil du départ le 9 juin de Capodistrias pour Genève. Aussi le gouvernement vaudois prend-il des mesures pour être instruit de son arrivée et préparer sa réception.1

Ces dispositions sont prises le lendemain 14 juin (mais c’est un peu tard puisque Capodistrias quitte Genève l’après-midi du même jour!) de la façon suivante:2

Le Petit Conseil, informé que Monsieur de Capo d’Istria [,..]doit, en revenant de Paris, passer à Genève et se rendre à Lausanne, où il restera quelques jours, décide

1° d’envoyer à Genève le citoyen G. Perregaux, afin d’être instruit d’avance de l’arrivée de Monsieur de Capo d’Istria.

2° de charger la Commission de police de faire un rapport sur les mesures à prendre pour la reception de ce Ministre.

3° d’écrire au Lieutenant à Nyon la lettre suivante:

Citoyen Lieutenant!

Le Petit Conseil a été informé que Monsieur le Comte De Capo d’Istria [...] doit, en revenant de Paris, (d’où il est parti le 9 du courant) passer à Genève et se rendre à Lausanne, où il s’arrêtera quelques jours.

Comme il passera sans doute à Nyon, le Petit Conseil vous invite confidentiellement à tâcher d’être instruit de son arrivée dans cette ville, s’il s’y arrête, de lui faire visite et de lui rendre les honneurs et les services que pourrait comporter la circonstance.

Je Vous fais observer que le Petit Conseil desire qu’il ne soit fait aucune mention dans le public de l’arrivée ici de Monsieur De Capo d’Istria, non plus que de la Commission qui vous est donnée à ce sujet.

4° D’écrire comme suit à l’inspecteur en chef des Milices:

Citoyen Inspecteur!

Informé que Monsieur le Comte de Capo d’Istria est actuellement à Genève, et qu’il peut arriver à chaque instant à Lausanne, le Petit Conseil vous invite à vous rendre auprès de ce Ministre, à son arrivée ici, à lui présenter une garde d’honneur et à lui demander l’heure où une Députation de deux Membres du Petit Conseil pourra le voir.

Le 15 juin, le Petit Conseil écrit au député Muret à Zurich:3

1. ACV, Rég. des délib., p. 230, séance du 13 juin 1814.

2. ACV, K III 40/6, Registre des délibérations secrètes du Petit Conseil du Canton de Vaud, et de sa commission de police, dès le 15 Xbre 1813 au 16 août 1814, p. 340-341, séance du 14 juin 1814.

3. ACV, Rég. des délib. du Petit Conseil, p. 233, séance du 15 juin 1814.

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Citoyen Collègue!

Nous avons reçu votre lettre du 13e du courant: Vous aurez vû par celle que nous vous avons adressée hier, que nous étions instruits du passage par ici de Mr le Comte de Capo d’Istria. Il est en effet arrivé hier au soir à Lausanne, mais nous ne l’avons sçu que dans la matinée, parce qu’il est venu plutôt qu’on ne l’attendait, et que les mesures prises pour être informés de son arrivée par Genève n’ont pu avoir lieu à tems. Quoiqu’il en soit, une Députation de deux de nos membres, accompagnée de l’inspecteur en Chef des milices, s’est rendue auprès de lui à midi. Elle a été très bien accueillie; il n’est d’ailleurs résulté de cette première conversation aucun éclaircissement ultérieur sur les affaires. Mr de Capo d’Istria a annoncé vouloir partir demain dans la journée. On tachera ce soir de l’engager à rester et à accepter un diner que nous nous proposons de lui offrir dans la Salle du Grand Conseil... . P.S. Mr de Capo d’Istria reste encore ici demain. Il a accepté le diner.

Deux jours plus tard, le Petit Conseil fait au même Muret un compte rendu détaillé de l’entrevue officielle avec Capodistrias et de leurs discussions au sujet de la constitution:1

[...] Vous aurez vû par la lettre du C(itoye)n Monod du 7, que nous vous avons transmise le 13, que Mr de Capo d’Istria venait ici dans le but de mettre en règle la Constitution du Canton. En effet, il a demandé d’avoir une conférence à ce sujet avec quelques membres du Petit Conseil; nous avons désigné nos Collègues, les Cns Conseillers Pidou et Bergier. Cette conférence a eû lieu hier, depuis onze heures jusqu’à passé deux heures. Nous croyons devoir vous en faire connaître le résultat en peu de mots.

Mr de Capo d’Istria a débuté par représenter la grande nécessité pour la Suisse de s’organiser promptement, et de le faire de manière à ne laisser aucune chance de troubles, dont les voisins profiteraient pour intervenir dans nos affaires. Après avoir insisté sur ce point, d’autant plus important que, s’il n’était pas réglé à tems, la Suisse ne pourrait être représentée au Congrès de Vienne, le Ministre en est venu à notre projet de Constitution cantonale. Il l’a lû lui même, article par article, et voici les points en assez petit nombre sur lesquels ont porté ses objections.

1° Il trouve qu’on devrait aussi exiger une propriété pour les Députés directs au Grand Conseil, et pour les 15 élus par le Grand Conseil lui même.

2° Il a témoigné qu’il conviendrait peut-être qu’on ne put parvenir au Petit Conseil qu’après avoir passé par d’autres emplois

1. ibidem, p. 235-237, séance du 17 juin 1814.

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et acquis de l’expérience dans les affaires. Cependant il a paru ne pas insister beaucoup sur ce point.

3° Une objection à laquelle il a paru tenir d’avantage, c’est la convenance qu’il y aurait à ce qu’on exigeât une propriété pour être membre du Petit Conseil. Il a dit qu’il pourrait arriver que personne n’y représentât la classe des riches propriétaires, et il proposait, comme moyen de conciliation, qui du reste n’est pas admissible, comme on le lui a fait sentir, de statuer qu’il y aurait toujours dans le Gouvernement un certain nombre proportionnel de membres qui devraient nécessairement être propriétaires.

4° Il a présenté l’idée, sans y peser beaucoup, de porter à 13 le nombre des membres du Petit Conseil.

5° L’objection qu’il a emise avec le plus de force porte sur les Tribunaux, qu’il croit être trop nombreux, et qui suivant lui, sont par cette raison faibles, plus ou moins incapables, et comme ayant rendu des jugemens marquées au coin de la partialité.

Tels sont les points sur lesquels Mr de Capo d’Istria s’est arrêté, en ajoutant au reste, que si la chose ne tenait qu’à lui il se contenterait de ce projet, mais qu’il n’était pas seul. Vous sentez, Cit. Coll. qu’on a argumenté sur tous ces points, et que nos Collègues, les CC. Pidou et Bergier n’ont pas manqué de donner à Mr le Comte toutes les explications convenables.

Une observation que ce Ministre a faite, et qui jusqu’ici n’avait point été présentée, porte sur l’écusson du Canton, qui se trouve aussi en tête de nos lettres. Il parait que ces mots de Liberté et Patrie renfermés dans l’écusson ont été considérés comme un reste de la Révolution française. On lui a donné des explications sur la manière absolument étrangère aux idées révolutionnaires, dont ce sceau avait été adopté.

Mr de Capo d’Istria a aussi fait une espèce d’ouverture à l’egard des fonds anglais. Après avoir dit qu’il conviendrait de les appliquer en premier lieu à l’extinction de la dette Helvétique, il a demandé si le Canton de Vaud ne serait pas disposé, pour le surplus, à céder sa portion à Berne, moyennant renonciation complète de ce dernier à sa prétention sur notre Pays. Nos Collègues ont éludé cette demande, en disant qu’ils ne connaissaient pas la quotité de ces fonds, qu’ils en référeraient au Petit Conseil etc.

Quant aux projets ultérieurs de Mr de Capo d’Istria, nous n’en avons pu juger qu’imparfaitement, par ce qu’il a dit. Il a paru qu’il serait dans l’intention de proposer aux autres Ministres de s’occuper eux mêmes de l’examen des Constitutions Cantonales, puisque la Diète ne veut pas y travailler par elle même ou par sa Commission. A cet effet, ils appelleraient des experts, chercheraient à donner l’impulsion, et une fois la chose réglée, il s’agirait de la mettre de suite à exécution. Du reste, Mr de Capo d’Istria a fait entendre qu’il nous écrirait ou ferait ecrire, sur l’objet de la Constitution Cantonale.

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Tel est en gros l’apperçu de la conférence que deux de nos membres ont eû avec Mr de Capo d’Istria. Nous avons, du reste, été extrêmement satisfaits de ses procédés, et l’on a cherché à lui rendre son court séjour à Lausanne aussi agréable que possible. Il en est parti ce matin à trois heures, pour se rendre à Yverdon, où il va visiter l’établissement de Mr Pestalozzi, de là il se rend à Fribourg etc. . .

Les gazettes lausannoises de l’époque,1 qui donnent un compte rendu précis des entretiens, ajoutent quelques détails: le comte est descendu au Lion d’Or; il a fait l’après-midi du 15 une promenade sur le lac, le gouvernement a fourni le bateau et la musique. Le soir du même jour, Capodistrias a reçu les chefs de l’opposition, de Seigneux et Polier et s’est longuement entretenu avec eux. Quant au dîner de quarante couverts, il était prévu au Château, dans la salle du Grand Conseil.

On voit ainsi que les hommes d’Etat vaudois ont été très préoccupés de recevoir au mieux le ministre de la seule Puissance alliée qui les avait constamment aidés. Et ils n’ont lésiné sur aucune dépense. Dans les registres officiels figure aussi bien la note de frais2 pour les vingt-quatre «musiciens militaires» qui ont joué le 15 et le 16 juin et ont reçu à boire et à manger ce jour-là, que celle pour «poudre employée aux salves du repas donné au Comte Capo d’Istria».

Dans leur séance du 18 juin,3 les membres du Petit Conseil débattent longuement sur l’opportunité de faire ou non les modifications proposées par Capodistrias. Dans leur lettre à Muret, ils précisent:

[...] Mais, quant au moment de s’occuper de ce travail, la majorité du Petit Conseil, composée de quatre membres, a trouvé qu’il convient d’attendre le résultat du retour de Mr de Capo d’Istria à Zurich, afin de voir si, comme il l’a insinué dans la conversation, il nous écrira à cet égard. Cependant, l’objet devenant très pressant, nous desirons, C(itoyen) C(onseiller) que sans rien provoquer de la part de ce Ministre, vous puissiez à son arrivée à Zurich, vous assurer dans la conversation s’il a été satisfait des explications données, ou si persistant dans Ses observations, il se propose en effet de nous en ecrire; auquel cas, vous pourriez tout naturellement lui représenter combien la chose devint urgente. Vous voudriez

1. St. Lascaris, op. cit., p. 55.

2. ACV, KV Ibis, note du Citoyen Marcel du 28 juillet 1814; lettre du commissaire des guerres en chef du Canton de Vaud Marcel du 23 novembre 1814.

3. ACV, Rég. des délib. du Petit Conseil, p. 240, séance du 18 juin; extrait d’une lettre à Muret.

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driez bien alors nous faire connaître très incessamment ce que vous auriez pu apprendre.

La minorité du Petit Conseil, composée de trois membres, était d’avis... de s’occuper dès ce moment des changemens à y apporter, de prendre en considération une partie des objections de Mr de Capo d’Istria, de faire les autres modifications trouvées convenables et de vous envoyer ensuite le nouveau projet pour le communiquer à ce Ministre, en lui disant que c’était là la Constitution qu’on allait présenter au Grand Conseil pour la mettre immédiatement à exécution [...].

Yverdon: visite à Pestalozzi et banquet officiel

Le 17 à trois heures du matin, Capodistrias quitte Lausanne pour Yverdon, petite ville vaudoise oû sa sécurité est encore assurée par un lieutenant de police dépendant du Petit Conseil de l’Etat de Vaud. Ce lieutenant, Richard, fort bavard, a brossé pour ses supérieurs un tableau coloré de l’étape à Yverdon, dont la raison d’être est la visite que Capodistrias se propose de faire à Pestalozzi, visite envisagée dès son arrivée en Suisse, mais réalisée fortuitement à cette occasion — et fort longuement puisque Richard précise que Capodistrias est resté à l’institut de neuf heures du matin à quatre heures de l’après-midi! Voici le rapport de Richard:1

Le Lieutenant du Petit-Conseil pour les Districts d’Orbe, Yverdon et Grandson

Au Citoyen Président du Petit Conseil du Canton de Vaud.

Citoyen Président!

Votre lettre du 16e courant m’informant de l’arrivée à Yverdon de Son Excellence Mr le Comte de Capo d’Istria, et me faisant connaître votre intention à son égard, est parvenue chez moi à quatre heure du soir J’étais allé à la revue à Ste Croix d’où je ne revins que le soir assez tard. Je suis reparti le lendemain 17 de très grand matin pour Yverdon où j’arrivai quelques minuttes avant Son Excellence.

Je me rendis de suite chez le Juge de Paix pour l’inviter à venir avec moi lui faire visite; Bientôt après nous nous rendîmes à la maison Rouge, où Mr le Comte était logé; nous en fûmes parfaitement reçu. Je fus en mon particulier extrêmement content tant de sa reception que de tout ce qui nous dit relativement à notre Canton. Après une conversation assez prolongée je l’invitai à diner sans compliment dans la maison où nous étions. Il fit d’abord quelques objections et me dit entr’autre qu’il y avait

1. ACV, KV, 1bis, Orbe, 18 juin 1814.

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des officiers prussiens en ville et quelques autres personnes avec lesquelles il se proposait de diner. Je lui répondis que je le priais de me faire connaître toutes les personnes qui pourraient lui être agréable et que je les prierais à diner avec lui. Ma proposition lui fit plaisir, et il me dit hé bien j’accepte pourvuque ce soit sans compliment: le Gouvernement m’a donné hier à diner à Lausanne, mais on a beaucoup trop fait. Je lui observai que le tems ne permettait pas de faire de grands préparatifs et de le recevoir aussi bien que je le désirerais. Cette discution amena la conversation sur le Petit Conseil. Elle fut des plus agréables pour moi. Car S.Exc. en parla de la manière la plus distinguée, et témoigna tout l’intérêt qu’il prenait à nos premiers Magistrats et à notre Canton. J’invitai ensuite les personnes que Mr le Comte désirait de voir. Ces personnes sont deux Officiers prussiens décorés de la Croix. Mr Pestalozzi et son premier Instituteur. Je cru devoir inviter encore quelques personnes de la ville et entr’autres les Citoyens Fatio, Correvon et Duthon J’aurai peut être excédé le nombre que vous paraissiés me prescrire mais il n’était guère possible de faire autrement. Nous quittâmes Mr le Comte environ les neuf heures du matin, et il se rendit immédiatement après à l’institut Pestalozzy où il resta jusqu’à quatre heures. On se mit alors à table. Le Diner fut extrêmement gai; chacun s’empressa à témoigner à Son Excellence, les sentimens de reconnaissance des Vaudois pour Sa Majesté l’Empereur Alexandre et l’intérêt (que lui Ministre) prenait à notre Canton. Il y fut très sensible; et il nous fit connaître d’une manière très claire sa façon de penser à notre égard. La conversation devint des plus animées et fut poussée jusque dans les plus grands détails. Mr le Comte nous dit: les Vaudois sont un peuple des plus heureux — leur sort est aprésent irrévocablement fixé et il ne tient qu’à eux — que de conserver cet état de félicité. Un des convives, lui dit: Votre Excellence ne voudrait cependant rien d’une bourgeoisie dans le Canton de Vaud: et il répondit: qu’au contraire elle lui ferait grand plaisir. — Son Excellence parut s’amuser et très contente du dîner et de la Compagnie. Le repas fut terminé à 7 1/2 heures du soir et Son Excellence monta en voiture pour se rendre à Friborug. Les officiers prussiens m’ont témoignés tout le plaisir que leur avait procuré cette invitation. Le Diné a été très beau, fourni de très bons vins et surtout parfaitement servi.

Le Dépense sera peut-être plus considérable que je l’aurais désiré mais je crois que c’est un argent employé à propos, par le bon effet qu’à produit cet impromptu. Son Excellence a accepté une Garde d’honneur de douze Grenadiers, auxquels j’ai crû devoir faire donner un coup à boire.

Agréez, Citoyen Président, l’assurance de mon respect.

Richard

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Dans une lettre du 1er juillet, il précisera:1

D’après la notte que l’aubergiste de la Maison Rouge m’a remise j’ai l’honneur de vous prévenir que les frais (y compris les trinkgelds aux domestiques) s’y montent à la somme de fr. 184.—

Cette visite du 17 juin à l’institut de Pestalozzi ne peut être mise en doute; mais nous restons surpris de n’y voir aucune allusion, ni dans la correspondance de Pestalozzi des jours suivants, ni dans celle de Capodistrias !

Fribourg et Berne

Les renseignements que nous possédons sur les différentes étapes en Suisse de Capodistrias, lors de son voyage de retour à Zurich, sont de provenance assez diverse: d’abord, des procès-verbaux des séances de Conseil de Berne, Soleure, Aarau. Puis, une lettre adressée le 23 juin par le député vaudois Muret au Petit Conseil.2 Muret a rencontré le ministre du tsar, arrivé à Zurich à neuf heures du matin, dans une audience que celui-ci lui a accordée le jour même à midi. Capodistrias est encore dans l’excitation du voyage et en dit peut-être plus à Muret qu’il ne l’aurait fait quelques heures plus tard. Il existe encore un passage des mémoires de Monod, rédigés quelques années plus tard, puisant probablement dans les notes prises après les discussions qu’il a tenues avec le ministre et Muret.3 Enfin, une lettre de Capodistrias (Document n° 61), adressée le 8 juillet 1814 à l’ancien landamman de Schwytz Aloïs de Reding. Capodistrias y est influencé par les événements fâcheux qui se sont produits depuis son retour à Zurich, mais ce document est de loin la source la plus complète sur son voyage.

Le départ de Capodistrias le 17 au soir pour Fribourg est formellement attesté, nous l’avons vu, par le lieutenant de police d’Yverdon. Capodistrias a dû y passer la journée du 18 et même la matinée du dimanche 19, puisque son arrivée à Berne, situé à trente kilomètres de là, est signalée le 19 à onze heures de la nuit. Nous n’avons malheureusement pas réussi à mettre la main sur des documents fribourgeois retraçant le passage du ministre; à l’exception de la phrase sibylline

1. ACV, KV 1bis, Orbe, 1er juillet 1814. Lettre de Richard au Président du Petit Conseil du Canton de Vaud.

2. ACV, Rég. des délib., p. 247. Séance du 25 juin 1814. Lettre de Muret du 23.

3. Monod, t. II, op. cit., p. 258-259.

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déjà citée de la lettre de la Commission souveraine au lieutenant Girard:1 «Il nous a été agréable d’être avisés à l’avance de l’arrivée de Mr le Comte de Capo d’Istria». Muret indique : «Mr de Capo d’Istria a parlé ensuite de son court séjour dans les divers Cantons. Il a fait entendre que Fribourg viendrait à la raison, mais qu’il n’en est pas de même de Berne et Soleure.» Dans sa lettre à de Beding, Capodistrias est plus explicite et moins sûr de son fait: «Comme je Vous l’avais promis je me suis rendu sur les lieux. J’ai trouvé à Fribourg, d’honnètes et braves gens et un homme présomptueux qui les mène. Les uns me paraissent très disposés à entendre raison. L’autre ne le veut pas, et pour cause, et cette cause que Vous devinés aisément, traine Fribourg dans la route de l’opposition, et donne un misérable partisan à Berne. Toutes les ouvertures que j’ai faites à Ces Messieurs n’ont produit aucun bon effet. Il ont supposé que j’étais à leur Porte pour implorer leur adhésion au système des XIX Cantons. J’ai fini par leur prouver le contraire.» L’«homme présomptueux» est vraisemblablement l’avoyer de Werro que Capodistrias n’apprécie guère.

Dans le registre du Conseil de Berne, il est précisé que Capodistrias est arrivé «hier dans la nuit»2 et dans celui de Soleure, qu’il y est arrivé le 19 à onze heures de la nuit.3 Sur son passage à Berne, le même extrait du registre du Conseil du 20 juin nous apprend qu’une députation a été nommée pour aller saluer officiellement le comte: elle comprend le chancelier Mutach, les conseillers Zeerleder et von Frisching, l’ancien avoyer von Wattenwyl et le professeur Haller. Dans le rapport que le conseiller Zeerleder fait deux jours plus tard au Conseil,4 il précise que Capodistrias a admiré les institutions qu’on lui a montrées, mais qu’il n’a fait aucune remarque politique et qu’il est parti dans l’après-midi pour Hofwyl.

C’est un tout autre son de cloche que nous trouvons chez Monod:5 «Il accepta à Lausanne les politesses qui lui furent offertes, et les refusa à Berne, où il se prononça avec force contre la conduite qu’on y avait tenue et où il accueillit les hommes qu’il savait avoir été opposés à

1. V. supra, p. 158.

2. STAB, Manual des Staats-Raths η» 31, du 27 avril au 19 octobre 1814, p. 150, séance du 20 juin 1814 (en allemand).

3. STAATSARCHIV, Soleure, Rathsmanual de 1814, p. 885, séance du 22 juin 1814.

4. STAB, Manual des Staats-Raths, ibidem, p. 155, séance du 22 juin 1814 (en allemand).

5. Monod, op. cit., t. II, p. 258.

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ce qui s’y était fait. Il s’était prononcé encore plus vivement à Fribourg. Ces démarches, dans la première de ces villes surtout, loin de produire l’effet qu’il en attendait, produisirent un effet tout contraire.»

Enfin, dans le rapport de Muret du 23, nous lisons: «Mon séjour à Berne, a-t-il dit, ne sera pas inutile ; ils se sont trop avancé ; leur amourpropre ne leur permet pas de revenir; je leur ai dit: que voulez-vous? l’Argovie? vous ne l’aurez pas; On saura se passer de vous, on vous laissera en dehors de la Confédération; qu’y gagnerez-vous?».

Nous pouvions penser que les récits des Vaudois étaient quelque peu partiaux ; mais Capodistrias se montre encore plus violent dans ses propos antibernois dans la lettre à de Reding:

«A Berne, même persévérance et même prétentions. C’est sur les chances de l’avenir et de la possibilité d’enterrer les restes de l’indépendance Suisse, que cinq magistrats de Berne fondent toute leur politique. J’en ai été si indigné que je ne me suis pas cru permis de rester à Berne et d’étre en relation une seule journée avec ce gouvernement. Cependant je n’ai rien laissé ignorer à Monsieur Watteville. Il est homme de bonne volonté, mais peu capable de franchir les barrières dans lesquelles il s’est enfermé. Les hommes intéressés à maintenir l’espoir de conserver le gouvernement de l’Argovie sont de mauvaise volonté et ceux la sont incorrigibles. Malheureusement ils ont l’adresse de tout mener, et je ne m’attens à la possibilité d’aucune mesure de conciliation.

Témoignage de Fellenberg

Visite à Hofwyl

Le membre de l’opposition le plus influent que Capodistrias ait rencontré à Berne est Emmanuel de Fellenberg, avec lequel il était en correspondance depuis décembre 1813. Nous le savons par un billet que le pédagogue adresse le 22 juin à son ami Paul Usteri, et qui précise quelques points importants. Le texte en allemand donne ceci:1 «Capodistrias s’est bien comporté ici, mais certains préjugés qu’il a apportés de son enfance dans les îles Ioniennes semblent constamment le ramener à sa préférence pour les familles de notables. Et il est d’autant plus urgent de l’affermir sans relâche dans ses bonnes résolutions. Il est parti hier pour Hofwyl et doit y rester aujourd’hui. Dieu sait ce que Zr fera de lui; il était déjà chez lui lundi

1. ZENTRALBIBLIOTHEK, Zurich, Correspondance entre Ph.-E. de Fellenberg et Paul Usteri, Ms V 504-146, n° 100, Berne, 22 juin 1814.

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matin de bonne heure jusque tard dans la soirée. Allez donc chez Capodistrias aussitôt qu’il sera de retour et faites-lui part de ce que vous avez de Saint-Gall. Capodistrias sera demain soir (jeudi) de retour à Zurich.»

Fellenberg exprime la même petite déception que Monod devant les goûts aristocratiques de Capodistrias. Le personnage désigné par Zr, qui risque d’influencer le ministre de façon fâcheuse, doit être le conseiller Zeerleder, que Capodistrias a effectivement rencontré. Fellenberg dans sa correspondance avec Usteri utilise constamment cette précaution, craignant la poste officielle et profitant chaque fois que cela est possible de ce qu’il appelle «des occasions sûres». Il précise en outre que Capodistrias est parti le 21 pour Hofwyl où il doit passer la journée du 22. Il était normal qu’après avoir visité l’institut de Pestalozzi à Yverdon, Capodistrias profite de son passage par les terres bernoises pour visiter l’autre célèbre établissement d’éducation de la Suisse de cette époque.1 Nous sommes cependant surpris que Fellenberg n’ait pas fait lui-même les honneurs de son magnifique domaine, situé à treize kilomètres de la capitale. L’absence du propriétaire est peut-être la raison pour la quelle le fameux livre d’hôtes d’Hofwyl, qui contient la liste de plus de douze mille visiteurs, ne donne pas le nom de Capodistrias au mois de juin 1814.2 Il faut attendre le 3 août 1824 pour trouver la signature autographe du «comte de Capodistrias» en compagnie du colonel russe A. Tschertkoff, du général Ch. Voirol et du chevalier Mustoxidi.3

Capodistrias a dû être logé néanmoins dans la magnifique maison que Fellenberg réservait à ses hôtes, et il a probablement été plus impressionné par l’organisation réaliste d’Hofwyl que par l’institut d’Yverdon, puisqu’il adressera en octobre 1814 à l’empereur son fameux rapport sur les établissements de M. de Fellenberg, rapport qui déterminera Alexandre à envoyer au cours des années suivantes à Hofwyl des jeunes Busses et Polonais pour parfaire leurs études et leurs connaissances en agriculture. En comparaison, les démarches entreprises par le ministre durant cette même période en faveur de Pestalozzi nous paraissent beaucoup plus tièdes.

1. L’influence exercée par ces visites sur les conceptions pédagogiques de Capodistrias a été étudiée par Hélène E. Koukkou. Voir notamment son volume Ιωάννης Καποδίστριας. O άνθρωπος - ο διπλωμάτης (1800-1828), Athènes 1978, p. 47-48. On consultera également l’article d’Alexandre Cosmopoulos, Influences pestallozziennes en Grèce: Pestalozzi et Capodistrias, paru dans Paedagogiga historica, XIX/1, 1979, p. 242-245.

2. BURGERBIBLIOTHEK, Berne, Papiers Fellenberg. Fremdenbuch in Hofwyl, du 4 mars 1811 au 30 octobre 1847. Pour la seconde quinzaine de juin figurent les noms de trois visiteurs le 16, quatre le 21, un seul le 28 et deux le 30.

3. ibidem, p. 167.

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    très encore, pour que tous ceux qui ont accès aux conférences ou peuvent influer, en aient connaissance.

    Je suis allé prendre le thé dans une maison où était l’empereur Alexandre [chez Mme de Staël]. J’avais en poche une copie du mémoire. J’en ai donné connaissance sommaire à la maîtresse de maison, très bien disposée. Elle a trouvé un moment pour parler de Genève, de nos inquiétudes, etc. Alors Alexandre a répondu: «Nous trouverons un moyen pour que Genève communique directement avec la Suisse.» J’ai entendu ces paroles. Nous sommes convenus que, demain matin, elle écrirait à l’empereur et lui indiquerait, en quatre mots, les bornes du canton, telles que je les demande dans le mémoire.

    Le mémoire de Pictet et l’intervention de La Harpe, dont nous parlons plus loin, suscitèrent bien une nouvelle discussion de la question qui, d’après diverses sources, retarda de quelques heures la signature du Traité de Paris, mais ne changea en rien les dispositions à l’égard de Genève, sauf peut-être en ce qui concerne l’utilisation commune aux deux pays de la route de Versoix.

    L’attitude si réservée d’Alexandre à l’égard du Genevois chez Mme de Staël incline à penser que Pictet aurait dû mieux soigner ses relations avec l’empereur de Russie et son entourage. D’autant plus que nous trouvons plusieurs fois, dans les lettres de Pictet à Turrettini, l’impression qu’il ressent d’être desservi auprès de l’empereur par La Harpe. Ce sentiment est exprimé d’une façon explicite dans la lettre du 27 mai:1 «Personne ici ne doute que la Harpe ne nous nuise. Je n’en ai aucune preuve directe; mais il craint, je le sais, l’influence de nos principes aristocratiques, et on peut en induire qu’il aimera bien autant que son canton ne se trouve pas serré entre deux autres dont les principes seraient, pense-t-il, en opposition avec les siens.» Cette collusion entre les gouvernements bernois et genevois était parfaitement plausible et il est normal que La Harpe l’ai redoutée. D’autres motifs d’animosité entre eux existent.2 La Harpe se bat pour l’amélioration du sort des campagnards, alors que Pictet, pourtant agronome éclairé et assez proche de ces idées philanthropiques, est obligé par loyauté de défendre le point de vue de ses commettants: assurer aux citadins genevois la prééminence politique dans le canton, quels que soient sa taille ou le nombre de ses habitants. Enfin, Pictet a le tort de parler trop souvent de ses affaires privées — soit de son élevage de moutons

    1. ibidem, p. 91.

    2. P. Waeber, op. cit., p. 134-136.