Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄

Τίτλος:Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
 
Τόπος έκδοσης:Κέρκυρα
 
Εκδότης:Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών
 
Συντελεστές:Κώστας Δαφνής
 
Έτος έκδοσης:1984
 
Σελίδες:364
 
Θέμα:Ο Καποδίστριας στην Ελβετία
 
Τοπική κάλυψη:Ελβετία
 
Χρονική κάλυψη:1813-1814
 
Περίληψη:O τέταρτος τόμος του ΑΡΧΕΙΟΥ ΚΑΠΟΔΙΣΤΡΙΑ καλύπτει, την αποστολή του Καποδίστρια στην Ελβετία το 1813-1814, που είχε για στόχο την απόσπασή της από τη γαλλική κηδεμονία και την ενότητα και ειρήνευση της χώρας, που θα εξασφάλιζε ένα Σύνταγμα κοινής αποδοχής. Ο Καποδίστριας πέτυχε στην αποστολή του αυτή και η επιτυχία απέσπασε την εκτίμηση και την εμπιστοσύνη του Αυτοκράτορα της Ρωσίας και άνοιξε το δρόμο για τη μετέπειτα λαμπρή σταδιοδρομία του.
 
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et acquis de l’expérience dans les affaires. Cependant il a paru ne pas insister beaucoup sur ce point.

3° Une objection à laquelle il a paru tenir d’avantage, c’est la convenance qu’il y aurait à ce qu’on exigeât une propriété pour être membre du Petit Conseil. Il a dit qu’il pourrait arriver que personne n’y représentât la classe des riches propriétaires, et il proposait, comme moyen de conciliation, qui du reste n’est pas admissible, comme on le lui a fait sentir, de statuer qu’il y aurait toujours dans le Gouvernement un certain nombre proportionnel de membres qui devraient nécessairement être propriétaires.

4° Il a présenté l’idée, sans y peser beaucoup, de porter à 13 le nombre des membres du Petit Conseil.

5° L’objection qu’il a emise avec le plus de force porte sur les Tribunaux, qu’il croit être trop nombreux, et qui suivant lui, sont par cette raison faibles, plus ou moins incapables, et comme ayant rendu des jugemens marquées au coin de la partialité.

Tels sont les points sur lesquels Mr de Capo d’Istria s’est arrêté, en ajoutant au reste, que si la chose ne tenait qu’à lui il se contenterait de ce projet, mais qu’il n’était pas seul. Vous sentez, Cit. Coll. qu’on a argumenté sur tous ces points, et que nos Collègues, les CC. Pidou et Bergier n’ont pas manqué de donner à Mr le Comte toutes les explications convenables.

Une observation que ce Ministre a faite, et qui jusqu’ici n’avait point été présentée, porte sur l’écusson du Canton, qui se trouve aussi en tête de nos lettres. Il parait que ces mots de Liberté et Patrie renfermés dans l’écusson ont été considérés comme un reste de la Révolution française. On lui a donné des explications sur la manière absolument étrangère aux idées révolutionnaires, dont ce sceau avait été adopté.

Mr de Capo d’Istria a aussi fait une espèce d’ouverture à l’egard des fonds anglais. Après avoir dit qu’il conviendrait de les appliquer en premier lieu à l’extinction de la dette Helvétique, il a demandé si le Canton de Vaud ne serait pas disposé, pour le surplus, à céder sa portion à Berne, moyennant renonciation complète de ce dernier à sa prétention sur notre Pays. Nos Collègues ont éludé cette demande, en disant qu’ils ne connaissaient pas la quotité de ces fonds, qu’ils en référeraient au Petit Conseil etc.

Quant aux projets ultérieurs de Mr de Capo d’Istria, nous n’en avons pu juger qu’imparfaitement, par ce qu’il a dit. Il a paru qu’il serait dans l’intention de proposer aux autres Ministres de s’occuper eux mêmes de l’examen des Constitutions Cantonales, puisque la Diète ne veut pas y travailler par elle même ou par sa Commission. A cet effet, ils appelleraient des experts, chercheraient à donner l’impulsion, et une fois la chose réglée, il s’agirait de la mettre de suite à exécution. Du reste, Mr de Capo d’Istria a fait entendre qu’il nous écrirait ou ferait ecrire, sur l’objet de la Constitution Cantonale.

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Tel est en gros l’apperçu de la conférence que deux de nos membres ont eû avec Mr de Capo d’Istria. Nous avons, du reste, été extrêmement satisfaits de ses procédés, et l’on a cherché à lui rendre son court séjour à Lausanne aussi agréable que possible. Il en est parti ce matin à trois heures, pour se rendre à Yverdon, où il va visiter l’établissement de Mr Pestalozzi, de là il se rend à Fribourg etc. . .

Les gazettes lausannoises de l’époque,1 qui donnent un compte rendu précis des entretiens, ajoutent quelques détails: le comte est descendu au Lion d’Or; il a fait l’après-midi du 15 une promenade sur le lac, le gouvernement a fourni le bateau et la musique. Le soir du même jour, Capodistrias a reçu les chefs de l’opposition, de Seigneux et Polier et s’est longuement entretenu avec eux. Quant au dîner de quarante couverts, il était prévu au Château, dans la salle du Grand Conseil.

On voit ainsi que les hommes d’Etat vaudois ont été très préoccupés de recevoir au mieux le ministre de la seule Puissance alliée qui les avait constamment aidés. Et ils n’ont lésiné sur aucune dépense. Dans les registres officiels figure aussi bien la note de frais2 pour les vingt-quatre «musiciens militaires» qui ont joué le 15 et le 16 juin et ont reçu à boire et à manger ce jour-là, que celle pour «poudre employée aux salves du repas donné au Comte Capo d’Istria».

Dans leur séance du 18 juin,3 les membres du Petit Conseil débattent longuement sur l’opportunité de faire ou non les modifications proposées par Capodistrias. Dans leur lettre à Muret, ils précisent:

[...] Mais, quant au moment de s’occuper de ce travail, la majorité du Petit Conseil, composée de quatre membres, a trouvé qu’il convient d’attendre le résultat du retour de Mr de Capo d’Istria à Zurich, afin de voir si, comme il l’a insinué dans la conversation, il nous écrira à cet égard. Cependant, l’objet devenant très pressant, nous desirons, C(itoyen) C(onseiller) que sans rien provoquer de la part de ce Ministre, vous puissiez à son arrivée à Zurich, vous assurer dans la conversation s’il a été satisfait des explications données, ou si persistant dans Ses observations, il se propose en effet de nous en ecrire; auquel cas, vous pourriez tout naturellement lui représenter combien la chose devint urgente. Vous voudriez

1. St. Lascaris, op. cit., p. 55.

2. ACV, KV Ibis, note du Citoyen Marcel du 28 juillet 1814; lettre du commissaire des guerres en chef du Canton de Vaud Marcel du 23 novembre 1814.

3. ACV, Rég. des délib. du Petit Conseil, p. 240, séance du 18 juin; extrait d’une lettre à Muret.

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driez bien alors nous faire connaître très incessamment ce que vous auriez pu apprendre.

La minorité du Petit Conseil, composée de trois membres, était d’avis... de s’occuper dès ce moment des changemens à y apporter, de prendre en considération une partie des objections de Mr de Capo d’Istria, de faire les autres modifications trouvées convenables et de vous envoyer ensuite le nouveau projet pour le communiquer à ce Ministre, en lui disant que c’était là la Constitution qu’on allait présenter au Grand Conseil pour la mettre immédiatement à exécution [...].

Yverdon: visite à Pestalozzi et banquet officiel

Le 17 à trois heures du matin, Capodistrias quitte Lausanne pour Yverdon, petite ville vaudoise oû sa sécurité est encore assurée par un lieutenant de police dépendant du Petit Conseil de l’Etat de Vaud. Ce lieutenant, Richard, fort bavard, a brossé pour ses supérieurs un tableau coloré de l’étape à Yverdon, dont la raison d’être est la visite que Capodistrias se propose de faire à Pestalozzi, visite envisagée dès son arrivée en Suisse, mais réalisée fortuitement à cette occasion — et fort longuement puisque Richard précise que Capodistrias est resté à l’institut de neuf heures du matin à quatre heures de l’après-midi! Voici le rapport de Richard:1

Le Lieutenant du Petit-Conseil pour les Districts d’Orbe, Yverdon et Grandson

Au Citoyen Président du Petit Conseil du Canton de Vaud.

Citoyen Président!

Votre lettre du 16e courant m’informant de l’arrivée à Yverdon de Son Excellence Mr le Comte de Capo d’Istria, et me faisant connaître votre intention à son égard, est parvenue chez moi à quatre heure du soir J’étais allé à la revue à Ste Croix d’où je ne revins que le soir assez tard. Je suis reparti le lendemain 17 de très grand matin pour Yverdon où j’arrivai quelques minuttes avant Son Excellence.

Je me rendis de suite chez le Juge de Paix pour l’inviter à venir avec moi lui faire visite; Bientôt après nous nous rendîmes à la maison Rouge, où Mr le Comte était logé; nous en fûmes parfaitement reçu. Je fus en mon particulier extrêmement content tant de sa reception que de tout ce qui nous dit relativement à notre Canton. Après une conversation assez prolongée je l’invitai à diner sans compliment dans la maison où nous étions. Il fit d’abord quelques objections et me dit entr’autre qu’il y avait

1. ACV, KV, 1bis, Orbe, 18 juin 1814.

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des officiers prussiens en ville et quelques autres personnes avec lesquelles il se proposait de diner. Je lui répondis que je le priais de me faire connaître toutes les personnes qui pourraient lui être agréable et que je les prierais à diner avec lui. Ma proposition lui fit plaisir, et il me dit hé bien j’accepte pourvuque ce soit sans compliment: le Gouvernement m’a donné hier à diner à Lausanne, mais on a beaucoup trop fait. Je lui observai que le tems ne permettait pas de faire de grands préparatifs et de le recevoir aussi bien que je le désirerais. Cette discution amena la conversation sur le Petit Conseil. Elle fut des plus agréables pour moi. Car S.Exc. en parla de la manière la plus distinguée, et témoigna tout l’intérêt qu’il prenait à nos premiers Magistrats et à notre Canton. J’invitai ensuite les personnes que Mr le Comte désirait de voir. Ces personnes sont deux Officiers prussiens décorés de la Croix. Mr Pestalozzi et son premier Instituteur. Je cru devoir inviter encore quelques personnes de la ville et entr’autres les Citoyens Fatio, Correvon et Duthon J’aurai peut être excédé le nombre que vous paraissiés me prescrire mais il n’était guère possible de faire autrement. Nous quittâmes Mr le Comte environ les neuf heures du matin, et il se rendit immédiatement après à l’institut Pestalozzy où il resta jusqu’à quatre heures. On se mit alors à table. Le Diner fut extrêmement gai; chacun s’empressa à témoigner à Son Excellence, les sentimens de reconnaissance des Vaudois pour Sa Majesté l’Empereur Alexandre et l’intérêt (que lui Ministre) prenait à notre Canton. Il y fut très sensible; et il nous fit connaître d’une manière très claire sa façon de penser à notre égard. La conversation devint des plus animées et fut poussée jusque dans les plus grands détails. Mr le Comte nous dit: les Vaudois sont un peuple des plus heureux — leur sort est aprésent irrévocablement fixé et il ne tient qu’à eux — que de conserver cet état de félicité. Un des convives, lui dit: Votre Excellence ne voudrait cependant rien d’une bourgeoisie dans le Canton de Vaud: et il répondit: qu’au contraire elle lui ferait grand plaisir. — Son Excellence parut s’amuser et très contente du dîner et de la Compagnie. Le repas fut terminé à 7 1/2 heures du soir et Son Excellence monta en voiture pour se rendre à Friborug. Les officiers prussiens m’ont témoignés tout le plaisir que leur avait procuré cette invitation. Le Diné a été très beau, fourni de très bons vins et surtout parfaitement servi.

Le Dépense sera peut-être plus considérable que je l’aurais désiré mais je crois que c’est un argent employé à propos, par le bon effet qu’à produit cet impromptu. Son Excellence a accepté une Garde d’honneur de douze Grenadiers, auxquels j’ai crû devoir faire donner un coup à boire.

Agréez, Citoyen Président, l’assurance de mon respect.

Richard

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Dans une lettre du 1er juillet, il précisera:1

D’après la notte que l’aubergiste de la Maison Rouge m’a remise j’ai l’honneur de vous prévenir que les frais (y compris les trinkgelds aux domestiques) s’y montent à la somme de fr. 184.—

Cette visite du 17 juin à l’institut de Pestalozzi ne peut être mise en doute; mais nous restons surpris de n’y voir aucune allusion, ni dans la correspondance de Pestalozzi des jours suivants, ni dans celle de Capodistrias !

Fribourg et Berne

Les renseignements que nous possédons sur les différentes étapes en Suisse de Capodistrias, lors de son voyage de retour à Zurich, sont de provenance assez diverse: d’abord, des procès-verbaux des séances de Conseil de Berne, Soleure, Aarau. Puis, une lettre adressée le 23 juin par le député vaudois Muret au Petit Conseil.2 Muret a rencontré le ministre du tsar, arrivé à Zurich à neuf heures du matin, dans une audience que celui-ci lui a accordée le jour même à midi. Capodistrias est encore dans l’excitation du voyage et en dit peut-être plus à Muret qu’il ne l’aurait fait quelques heures plus tard. Il existe encore un passage des mémoires de Monod, rédigés quelques années plus tard, puisant probablement dans les notes prises après les discussions qu’il a tenues avec le ministre et Muret.3 Enfin, une lettre de Capodistrias (Document n° 61), adressée le 8 juillet 1814 à l’ancien landamman de Schwytz Aloïs de Reding. Capodistrias y est influencé par les événements fâcheux qui se sont produits depuis son retour à Zurich, mais ce document est de loin la source la plus complète sur son voyage.

Le départ de Capodistrias le 17 au soir pour Fribourg est formellement attesté, nous l’avons vu, par le lieutenant de police d’Yverdon. Capodistrias a dû y passer la journée du 18 et même la matinée du dimanche 19, puisque son arrivée à Berne, situé à trente kilomètres de là, est signalée le 19 à onze heures de la nuit. Nous n’avons malheureusement pas réussi à mettre la main sur des documents fribourgeois retraçant le passage du ministre; à l’exception de la phrase sibylline

1. ACV, KV 1bis, Orbe, 1er juillet 1814. Lettre de Richard au Président du Petit Conseil du Canton de Vaud.

2. ACV, Rég. des délib., p. 247. Séance du 25 juin 1814. Lettre de Muret du 23.

3. Monod, t. II, op. cit., p. 258-259.

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déjà citée de la lettre de la Commission souveraine au lieutenant Girard:1 «Il nous a été agréable d’être avisés à l’avance de l’arrivée de Mr le Comte de Capo d’Istria». Muret indique : «Mr de Capo d’Istria a parlé ensuite de son court séjour dans les divers Cantons. Il a fait entendre que Fribourg viendrait à la raison, mais qu’il n’en est pas de même de Berne et Soleure.» Dans sa lettre à de Beding, Capodistrias est plus explicite et moins sûr de son fait: «Comme je Vous l’avais promis je me suis rendu sur les lieux. J’ai trouvé à Fribourg, d’honnètes et braves gens et un homme présomptueux qui les mène. Les uns me paraissent très disposés à entendre raison. L’autre ne le veut pas, et pour cause, et cette cause que Vous devinés aisément, traine Fribourg dans la route de l’opposition, et donne un misérable partisan à Berne. Toutes les ouvertures que j’ai faites à Ces Messieurs n’ont produit aucun bon effet. Il ont supposé que j’étais à leur Porte pour implorer leur adhésion au système des XIX Cantons. J’ai fini par leur prouver le contraire.» L’«homme présomptueux» est vraisemblablement l’avoyer de Werro que Capodistrias n’apprécie guère.

Dans le registre du Conseil de Berne, il est précisé que Capodistrias est arrivé «hier dans la nuit»2 et dans celui de Soleure, qu’il y est arrivé le 19 à onze heures de la nuit.3 Sur son passage à Berne, le même extrait du registre du Conseil du 20 juin nous apprend qu’une députation a été nommée pour aller saluer officiellement le comte: elle comprend le chancelier Mutach, les conseillers Zeerleder et von Frisching, l’ancien avoyer von Wattenwyl et le professeur Haller. Dans le rapport que le conseiller Zeerleder fait deux jours plus tard au Conseil,4 il précise que Capodistrias a admiré les institutions qu’on lui a montrées, mais qu’il n’a fait aucune remarque politique et qu’il est parti dans l’après-midi pour Hofwyl.

C’est un tout autre son de cloche que nous trouvons chez Monod:5 «Il accepta à Lausanne les politesses qui lui furent offertes, et les refusa à Berne, où il se prononça avec force contre la conduite qu’on y avait tenue et où il accueillit les hommes qu’il savait avoir été opposés à

1. V. supra, p. 158.

2. STAB, Manual des Staats-Raths η» 31, du 27 avril au 19 octobre 1814, p. 150, séance du 20 juin 1814 (en allemand).

3. STAATSARCHIV, Soleure, Rathsmanual de 1814, p. 885, séance du 22 juin 1814.

4. STAB, Manual des Staats-Raths, ibidem, p. 155, séance du 22 juin 1814 (en allemand).

5. Monod, op. cit., t. II, p. 258.

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ce qui s’y était fait. Il s’était prononcé encore plus vivement à Fribourg. Ces démarches, dans la première de ces villes surtout, loin de produire l’effet qu’il en attendait, produisirent un effet tout contraire.»

Enfin, dans le rapport de Muret du 23, nous lisons: «Mon séjour à Berne, a-t-il dit, ne sera pas inutile ; ils se sont trop avancé ; leur amourpropre ne leur permet pas de revenir; je leur ai dit: que voulez-vous? l’Argovie? vous ne l’aurez pas; On saura se passer de vous, on vous laissera en dehors de la Confédération; qu’y gagnerez-vous?».

Nous pouvions penser que les récits des Vaudois étaient quelque peu partiaux ; mais Capodistrias se montre encore plus violent dans ses propos antibernois dans la lettre à de Reding:

«A Berne, même persévérance et même prétentions. C’est sur les chances de l’avenir et de la possibilité d’enterrer les restes de l’indépendance Suisse, que cinq magistrats de Berne fondent toute leur politique. J’en ai été si indigné que je ne me suis pas cru permis de rester à Berne et d’étre en relation une seule journée avec ce gouvernement. Cependant je n’ai rien laissé ignorer à Monsieur Watteville. Il est homme de bonne volonté, mais peu capable de franchir les barrières dans lesquelles il s’est enfermé. Les hommes intéressés à maintenir l’espoir de conserver le gouvernement de l’Argovie sont de mauvaise volonté et ceux la sont incorrigibles. Malheureusement ils ont l’adresse de tout mener, et je ne m’attens à la possibilité d’aucune mesure de conciliation.

Témoignage de Fellenberg

Visite à Hofwyl

Le membre de l’opposition le plus influent que Capodistrias ait rencontré à Berne est Emmanuel de Fellenberg, avec lequel il était en correspondance depuis décembre 1813. Nous le savons par un billet que le pédagogue adresse le 22 juin à son ami Paul Usteri, et qui précise quelques points importants. Le texte en allemand donne ceci:1 «Capodistrias s’est bien comporté ici, mais certains préjugés qu’il a apportés de son enfance dans les îles Ioniennes semblent constamment le ramener à sa préférence pour les familles de notables. Et il est d’autant plus urgent de l’affermir sans relâche dans ses bonnes résolutions. Il est parti hier pour Hofwyl et doit y rester aujourd’hui. Dieu sait ce que Zr fera de lui; il était déjà chez lui lundi

1. ZENTRALBIBLIOTHEK, Zurich, Correspondance entre Ph.-E. de Fellenberg et Paul Usteri, Ms V 504-146, n° 100, Berne, 22 juin 1814.

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matin de bonne heure jusque tard dans la soirée. Allez donc chez Capodistrias aussitôt qu’il sera de retour et faites-lui part de ce que vous avez de Saint-Gall. Capodistrias sera demain soir (jeudi) de retour à Zurich.»

Fellenberg exprime la même petite déception que Monod devant les goûts aristocratiques de Capodistrias. Le personnage désigné par Zr, qui risque d’influencer le ministre de façon fâcheuse, doit être le conseiller Zeerleder, que Capodistrias a effectivement rencontré. Fellenberg dans sa correspondance avec Usteri utilise constamment cette précaution, craignant la poste officielle et profitant chaque fois que cela est possible de ce qu’il appelle «des occasions sûres». Il précise en outre que Capodistrias est parti le 21 pour Hofwyl où il doit passer la journée du 22. Il était normal qu’après avoir visité l’institut de Pestalozzi à Yverdon, Capodistrias profite de son passage par les terres bernoises pour visiter l’autre célèbre établissement d’éducation de la Suisse de cette époque.1 Nous sommes cependant surpris que Fellenberg n’ait pas fait lui-même les honneurs de son magnifique domaine, situé à treize kilomètres de la capitale. L’absence du propriétaire est peut-être la raison pour la quelle le fameux livre d’hôtes d’Hofwyl, qui contient la liste de plus de douze mille visiteurs, ne donne pas le nom de Capodistrias au mois de juin 1814.2 Il faut attendre le 3 août 1824 pour trouver la signature autographe du «comte de Capodistrias» en compagnie du colonel russe A. Tschertkoff, du général Ch. Voirol et du chevalier Mustoxidi.3

Capodistrias a dû être logé néanmoins dans la magnifique maison que Fellenberg réservait à ses hôtes, et il a probablement été plus impressionné par l’organisation réaliste d’Hofwyl que par l’institut d’Yverdon, puisqu’il adressera en octobre 1814 à l’empereur son fameux rapport sur les établissements de M. de Fellenberg, rapport qui déterminera Alexandre à envoyer au cours des années suivantes à Hofwyl des jeunes Busses et Polonais pour parfaire leurs études et leurs connaissances en agriculture. En comparaison, les démarches entreprises par le ministre durant cette même période en faveur de Pestalozzi nous paraissent beaucoup plus tièdes.

1. L’influence exercée par ces visites sur les conceptions pédagogiques de Capodistrias a été étudiée par Hélène E. Koukkou. Voir notamment son volume Ιωάννης Καποδίστριας. O άνθρωπος - ο διπλωμάτης (1800-1828), Athènes 1978, p. 47-48. On consultera également l’article d’Alexandre Cosmopoulos, Influences pestallozziennes en Grèce: Pestalozzi et Capodistrias, paru dans Paedagogiga historica, XIX/1, 1979, p. 242-245.

2. BURGERBIBLIOTHEK, Berne, Papiers Fellenberg. Fremdenbuch in Hofwyl, du 4 mars 1811 au 30 octobre 1847. Pour la seconde quinzaine de juin figurent les noms de trois visiteurs le 16, quatre le 21, un seul le 28 et deux le 30.

3. ibidem, p. 167.

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Retour à Zurich

Le Conseil de Soleure s’attendait à une halte du ministre du tsar et s’était renseigné auprès du Conseil de Berne sur ses déplacements. Il avait même prévu le cérémonial de la visite:1 on détacherait un demi-régiment d’infanterie à sa rencontre. Soleure avait traversé une période de troubles très graves au début du mois de juin, et le gouvernement avait maté, avec l’aide des Bernois, d’une main de fer, le parti démocratique. Le Conseil avait donc toutes les raisons d’attendre avec inquiétude le passage de Capodistrias. Et c’est bien parce qu’il ne veut pas avoir affaire avec ce gouvernement, ni d’ailleurs avec les révolutionnaires, qu’il renonce à passer par Soleure, comme il l’explique à de Beding: ...«J’ai évité Soleure dans mon voyage par ce que je n’ai pas voulu me trouver entre un gouvernement absurde et une population folle. Je me suis borné à faire connaître par écrit ma façon de penser à Monsieur le Landamanm Glutz. Et que le Bon Dieu fasse le reste.»2

C’est donc directement que Capodistrias se rend d’Hofwyl à Aarau. Les membres du conseil de cette ville s’étaient interrogés sur la manière de témoigner leur reconnaissance au ministre du souverain qui avait si bien défendu leurs intérêts à Paris. Ils avaient choisi les membres de la députation, les conseillers Zimmermann, Herzog et Beding, pour lui souhaiter la bienvenue, avaient prévu l’envoi d’un détachement d’honneur et envisageaient même de lui offrir un repas. L’arrivée tardive du comte devait modifier le cérémonial. Le procès-verbal de la séance du 23 juin3 nous apprend que Capodistrias a passé de nuit et ne s’est arrêté que quelques instants à Aarau. Aussi les conseillers décident-ils d’écrire immédiatement à leur député à Zurich, Hürner, pour qu’il demande au plus vite une audience à Capodistrias.

Le rapport de Muret au Petit Conseil vaudois déjà cité précise: «que Mr le Comte de Capo d’Istria est arrivé à Zurich, le 23, à 9 h. du matin; que pour remplir les intentions du Conseil, il [Muret] s’est rendu à midi chez Son Excellence, qui l’a reçu et lui a fait le meilleur accueil».

On le voit, Capodistrias revient de ce voyage exaspéré par les prétentions des cantons aristocratiques et décidé plus que jamais à aider les nouveaux cantons à régler sans délai leur situation. Il lui paraît en effet urgent que ces cantons aient terminé la rédaction de leur constitution cantonale avant que la Diète ne reprenne ses séances vers la

1. STAATSARCHIV, Soleure, Rathsmanual de 1814, pp. 866 et 885.

2. Document no 61.

3. STAATSARCHIV, Aarau, Protokoll der Sitzungen des Kleinen Raths 1814, p. 188-189, séance du 20 juin; p. 195-196, séance du 23 juin.

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mi-juillet; dans les jours qui suivent son retour, il va se préoccuper avant tout des affaires de Vaud, d’Argovie, du Tessin et de SaintGall.

C’est ainsi qu’il accorde à Hürner l’audience que celui-ci lui avait demandée au nom du Conseil d’Argovie. le 24 à onze heures. Hürner en envoie immédiatement le compte rendu à Aarau:1 Capodistrias lui a exprimé son regret de n’avoir pu s’arrêter plus longtemps à Aarau et Hürner lui a réitéré le vœu du gouvernement d’une visite officielle au cours des prochaines semaines. «Avec grand plaisir, lui a répondu le comte, il me serait agréable de faire la connaissance des membres de votre gouvernement, mais cela ne dépend pas uniquement de moi, j’attends des lettres de Neufchatel qui me décideront.» Quant aux problèmes argoviens, Hürner est étonné que Capodistrias ait l’air de passer outre à toutes les questions, pour aborder celle du Fricktal:

Je suis bien aise de vous parler d’un objet important avant qu’on nous interrompe: Vous avez de bonnes paroles de l’Empereur d’Autriche quand au Frikthal, ne les laissez pas tomber; Finissez cette affaire par un h-omme adroit et sage à Vienne, n’attendez pas pour cela l’ouverture du Congrès; il vaut mieux que le Prince de Metternich n’y soit pas, alors vous obtiendrez sans difficulté une renonciation formelle, croyez moi il importe que vous ayez cela. Si vous aprouvez le conseil que je vous donne je remettrai à la Personne que vous enverrez à Vienne, des notes motivées pour l’ambassadeur de Russie qui s’y trouve, lequel appuyera vos efforts, et facilitera la chose.

Il insiste ensuite sur la nécessité de garder le plus grand secret, sinon l’affaire ne pourra être réglée. Il s’agira donc pour les Argoviens d’être bien représentés à Vienne; nous sommes frappés aussi par la méfiance qu’exprime déjà Capodistrias à l’égard de Metternich. Abordant enfin la question des constitutions cantonales, il félicite les Argoviens de travailler avec une commission restreinte: «cela vaut mieux que la commission des 19 membres à St Gall. Il faut ratifier le pacte fédéral, et que chaque canton sacrifie son opinion partielle à celle de la majorité.»

Le 25 juin, Muret retourne chez Capodistrias, mais il s’y trouve

1. STAATSARCHIV, Aarau. Lettre autographe du conseiller d’Etat Hürner, datée de Zurich, 24 juin 1814, annexée aux Gesandtschafts Berichte über den merkwürdigen Zeitraum vom 20ten Dec. 1813 bis 16ten Aug. 1814 als dem Tag des Abschlusses der neuen Bundesakte.

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nez à nez avec le député de Fribourg, Ufleger; il est évident que Capodistrias est trop bon diplomate pour parler des affaires vaudoises devant celui-ci, ou des affaires fribourgeoises devant le Vaudois!

En l’absence de son collègue, Schraut n’avait pas répondu à la lettre du gouvernement de Fribourg du 7 juin, où celui-ci refusait toute immixtion dans sa politique intérieure et toute modification proposée par une instance extérieure dans sa constitution cantonale. Schraut avait dû espérer que les discussions que Capodistrias aurait sur place arrangeraient les choses; et celui-ci avait dû croire avoir réussi, si nous nous référons aux propos optimistes prononcés devant Muret. Mais le silence gardé par le gouvernement de Fribourg et, nous pouvons l’imaginer, les propos échangés sur place, puis à Zurich avec Ufleger, incitent les ministres à envoyer une sorte d’ultimatum le 28 juin au gouvernement fribourgeois (Document n° 57): les constitutions cantonales doivent être harmonisées, avant que la Suisse ne soit définitivement restaurée, et Fribourg ne peut se permettre de rester à l’écart.

Ce même 28 juin, Muret annonce à son gouvernement1 «qu’il a vû Mr de Capo d’Istria, lequel lui a dit qu’il s’occupait des Constitutions cantonales avec Mr de Schraut; qu’ils tiennent celle du Tessin, qu’ils passeront ensuite à celles d’Argovie et de Vaud; que le travail va lentement, Mr de Schraut ne pouvant soutenir de longues séances». C’est bien le programme auquel Capodistrias a dû consacrer les derniers jours de juin; il faudrait y ajouter la révision des constitutions des Grisons et surtout de Saint-Gall.

Selon les principes de cette édition, nous incluons dans la série des Documents uniquement les lettres et observations signées de la main de Capodistrias. Lorsqu’il s’agit de copies de documents, nous les transcrivons dans le commentaire, même s’ils sont parfaitement authentiques: il s’agit de copies transcrites dans les registres des Archives des cantons susmentionnés ou dans ceux des Archives fédérales, pour les cas où les ministres eux-mêmes ont jugé bon de prévenir le landamman de leurs démarches. Nous avons en outre estimé préférable de traiter successivement l’ensemble des relations des ministres avec le Tessin, l’Argovie, les Grisons, Saint-Gall et Vaud, même si les événements s’entrecroisent; mais nous conservons évidemment la numération chronologique des documents. Enfin, faute de compétence — et aussi parce qu’ils nous paraissaient être avant tout l’œuvre de Schraut —

1. ACV, Rég. des Délib., p. 255, séance du 1er juillet. Lettre de Muret du 28 juin 1814.

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nous n’avons pas inclus in extenso les documents en allemand, signés par Capodistrias; nous nous contentons en général d’en donner un résumé. Quant aux textes en italien qui se trouvent à Bellinzone, nous avons hésité à les transcrire dans cette langue, puisque c’est celle dans laquelle Capodistrias s’exprimait avec le plus de facilité; nous y avons renoncé, faute de compétence également, mais aussi parce que ces lettres semblent traduites mot à mot d’un original français; nous en donnons donc la traduction ou le résumé en français.

Tessin: observations sur la constitution cantonale

Capodistrias et Schraut commencèrent par s’occuper de la révision de la constitution cantonale du Tessin. Un projet de constitution avait été adopté par le Grand Conseil de ce canton le 4 mars 1814, mais avait été refusé par la Diète et les ministres, à cause de son caractère trop démocratique.1 Il semble que pour diriger et accélérer la refonte de ce projet, on ait envisagé d’envoyer un député de la Diète, le Zurichois Hirzel,2 mais que pour ne pas froisser les Tessinois, on y ait finalement renoncé, ce que révèle le député du Tessin à la Diète Rusca dans son rapport à son gouvernement du 1er juillet:3 «De cela, j’ai pu relever que la mission d’un commissaire comme je vous l’avais écrit précédemment, n’a pas eu lieu et qu’en vérité, il a été donné lieu à ladite note des Ministres qui vous sera parvenue avant la présente. Je m’en félicite, car l’expédition d’une note est moins blessante pour l’honneur du canton que l’envoi d’un commissaire, et je remercie le landamman du sursis accordé».

Le gouvernement du Tessin avait dû sentir l’impatience des ministres et de la Diète, puisqu’il avait expédié le 29 juin des dépêches à remettre au landamman et aux ministres, par l’intermédiaire de Busca, qui s’exécuta immédiatement, à l’exception de celle adressée au ministre de Prusse, de Chambrier, qui, dit-il, se trouve depuis quatre semaines à Neuchâtel; cela nous explique qu’il ne joue aucun rôle dans la révision des constitutions des nouveaux cantons, ce qui est très certainement calculé. Ces dépêches se sont croisées avec la lettre et les

1. Dierauer, op. cit., t. V, 2, p. 416-417.

2. ACV, Rég. des Délib., p. 252, séance du 29 juin, lettre de Muret du 26.

3. ARCHIVIO CANTONALE, Bellinzone, DIV. 643, no 5, p. 2. Copie de la réponse du député du canton du Tessin à la Diète, au Petit Conseil (Conseil d’Etat) du même canton, Zurich, 1er juillet 1814.

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observations que Capodistrias et Schraut ont expédiées le 28 juin.

De nouveau, pour ne pas blesser la susceptibilité des Tessinois, le landamman Reinhard justifie l’intervention des ministres:1

Zurich, 30 Juin 1814

Messieurs,

Votre député Mr Busca m’ayant remis, pour être présenté à la Diète, le projet de constitution qui a été rédigé par le Grand Conseil du canton du Tessin, je n’ai pu me dispenser de le communiquer à L.L.E.E. les Ministres des Puissances Alliées, qui ces jours derniers, ont été occupées par l’examen des Constitutions des autres nouveaux cantons. Les Ministres ont acquis la conviction que pour correspondre aux conditions d’une bonne organisation et mettre le Canton du Tessin en harmonie avec les principes qui dirigent la législation politique de Ses Co-Etats, un tel projet de constitution devait subir quelques modifications essentielles sur lesquelles ils s’expliquent directement avec vous. Il est sans doute inutile que j’ajoute que les observations de L.L.E.E. me paraissent sous tous les aspects justes, bienveillantes et parfaitement fondées. Mais je ne peux m’empêcher d’exprimer le vœu qu’elles soient prises en la plus prompte et la plus sérieuse considération de la part des autorités supérieures du Canton du Tessin.

Recevez, Messieurs, l’assurance de mon estime sincère Le Bourgmestre du Canton de Zurich Président de la Diète

Reinhard

De leur côté, Capodistrias et Schraut écrivent en termes prudents:2

Zurich 18/30 Juin 1814.

Les Soussignés Envoyés Extraordinaires et Ministres plénipotentiaires de L.L.M.M. I et R., au nom également de leur Collègue le Ministre de S.M. le Boi de Prusse ont l’honneur de transmettre ci-jointes au gouvernement du Canton du Tessin les observations qu’ils croient devoir faire sur le projet de constitution que le député Mr Busca vient de remettre au Président de la Diète.

Ce projet paraît susceptible de diverses modifications. Néan-

1. ibidem, no 3. Copie de la lettre de Reinhard au Grand Conseil du Tessin, Zurich, 30 juin 1814. Autre copie: Papiers Vincenzo Dalberti (en italien).

2. ibidem, Bellinzone, DIV. 643, no 3, copie (en italien) de la lettre de Capodistrias et Schraut au Grand Conseil du Tessin, Zurich, 30 juin 1814. Traduction française faite par nos soins. Autre copie en italien: Papiers Dal berti.

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moins ils se limitent à proposer celles qui leur semblent les plus essentielles pour mettre en place une bonne administration et plus propres à mettre graduellement en rapport les principes du droit public des nouveaux cantons avec ceux qui régleront la constitution des anciens. Si les nouveaux Cantons doivent à la bienveillance des Puissances Alliées la conservation de leur existence politique, et si avec la seule force du lien fédéral, ils peuvent la consolider et la garantir, on ne peut douter que le Petit et le Grand Conseil du Canton du Tessin profiteront avec empressement des moyens que les Soussignés mettent à leur disposition pour donner à ce lien une vraie consistance et une durée inaltérable.

Ces moyens se trouvent dans les modifications susmentionnées du projet de constitution également, et dans l’accommodement conciliatoire, que la commission diplomatique de la Diète a déjà proposé au Gouvernement du Tessin et à celui d’Uri en ce qui concerne la Léventine.

C’est pourquoi les Soussignés appellent l’attention du Gouvernement du Tessin sur ces deux objets majeurs et attendent les délibérations les plus promptes et les plus satisfaisantes du Grand Conseil pour le moment prescrit pour la ratification du Pacte fédéral.

sig.

Schraut

sig.

le Comte Capo d’Istria

Observations sur le projet de Constitution du canton du Tessin1

Les Ministres des Puissances Alliées ayant examiné le projet de constitution rédigé par le Grand Conseil du Tessin dans sa séance du 4 mars 1814, croient que dans le but de satisfaire entièrement aux conditions d’une bonne organisation et de correspondre aux vues sages qui se manifestent dans plusieurs de ses articles, un tel Projet devrait subir quelques modifications essentielles; les observations que les Ministres croient devoir faire et auquelles ils invitent les autorités supérieures du canton du Tessin à porter leur attention suivent dans l’ordre même des articles.

Tit. I Art. V. Les prêtres ne devraient pas entrer dans le gouvernement d’une république. Le caractère ecclésiastique exige une entière obéissance; et l’exercice de la magistrature une entière liberté. Ces deux états sont incompatibles.

Les fonctions du Conseil législatif et du Conseil exécutif ne s’excluent pas l’une l’autre; dans tous les Cantons de la Suisse, elles se trouvent être réunies, les membres du Petit Conseil le sont aussi du Grand. Par conséquence, on demande la suppression de cet article.

1. ibidem, no 4 (en italien).

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Tit. II. Art. VIII Chef-lieu. La rotation proposée aurait tant d’inconvénients pour l’administration qu’elle serait nuisible à la considération qui est due au gouvernement. Il ne doit y avoir qu’un seul chef-lieu dans le canton et deux villes seulement, Bellinzone et Lugano, peuvent prétendre à cet honneur.

On propose que le Grand Conseil se prononce sur cette question, non pas au moyen de la constitution même, mais au moyen d’une loi et au cas où le Grand Conseil ne puisse se mettre d’accord sur ce point, que l’on se réserve de recourir à un arbitrage, ou de soumettre la question à la décision de la Diète.

On pourrait admettre comme moyen d’accommodement:

1° que le chef-lieu ne soit pas encore pour l’instant désigné et pour un certain nombre d’années, par exemple 12 à 15.

2° que si le Grand Conseil et le Conseil d’Etat résident à Bellinzone, le Tribunal d’appel soit fixé à Lugano ou vice-versa.

Art. IX. Une telle disposition ne se trouve dans aucune autre constitution. Elle impose à la cité dans laquelle se réunit l’autorité suprême, une charge trop lourde. On croit devoir en proposer la suppression.

Art. X. L’objet dont traite cet article doit par sa nature être réglé par une loi.

Art. XI. Cet article tomberait en conséquence de l’observation faite à l’art. VIII.

Tit. IV. Art. XVII. Le nombre des juges de district semble trop restreint; il serait avantageux de porter leur nombre à 5 et pour les Tribunaux de Lugano et de Locamo à 7 membres. On croit en outre, que l’établissement d’un Tribunal de première instance dans chaque district pour les causes criminelles majeures pourrait avoir de grands avantages.

Art. XVIII-XIX. Deux autorités supérieures judiciaires dont l’une exerce les fonctions de Tribunal d’appel, l’autre de Tribunal de révision sont une complication inutile, souvent dangereuse et contraire aux habitudes de la Suisse. On propose 1° de supprimer le Tribunal de révision; 2° de composer de 13 juges le Tribunal d’appel en matière civile 3° de nommer un Tribunal ad hoc qui prononce en dernière instance dans les causes criminelles majeures. Les inconvénients d’une trop grande amovibilité dans les charges judiciaires étant généralement reconnus, le dernier paragraphe de cet article exige une modification essentielle. Les juges devraient être nommés au moins pour 9 ans et être toujours rééligibles.

Art. XX. La partie la plus défectueuse du projet est sans aucun doute celle qui traite des attributions réciproques et des rapports des autorités supérieures entre elles. Il donne au Grand Conseil des pouvoirs qui sortent de la sphère des fonctions législatives;

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il abaisse le pouvoir exécutif à l’état d’une autorité subordonnée. Cette double erreur, contraire à tout principe d’organisation politique, aurait dans l’application des conséquences infiniment graves. Elle laisserait bientôt le canton du Tessin sans législation de même que sans gouvernement. Il est nécessaire que ce Pays à l’exemple de ses Co-Etats se constitue selon le principe d’une double autorité supérieure, dont l’une forme les lois et l’autre les exécute; dont l’une reçoit le compte de l’administration publique, l’autre exerce cette administration dans toutes ses branches; dont l’une représente le pouvoir Souverain, et l’autre le gouvernement. Ces deux autorités, non plus rivales mais coordonnées, forment dans leur réunion l’ensemble du pouvoir politique. Elles ne peuvent ni se séparer ni se dominer l’une l’autre.

Aux fins d’assurer au Gouvernement l’autorité et la considération dont il doit jouir, les Ministres proposent de confier le pouvoir exécutif et administratif à un Conseil d’Etat de 11 membres pris dans le sein du Grand Conseil, dont ils continueraient à faire partie.

Le nombre de 11 présente l’étendue nécessaire, pour que puissent y trouver accès les Magistrats d’un mérite éminent des diverses parties du Canton.

Deux Membres du Conseil d’Etat élus par le Grand Conseil présideraient les deux Corps et alterneraient entre eux chaque année. Ils pourraient être appelés Landamman ou Bourgmestres. La nomination au Conseil d’Etat serait pour 9 ans et les membres sortants seraient rééligibles.

Le Conseil d’Etat aurait l’initiative des lois, il les proposerait au Grand Conseil et serait chargé de les exécuter, il surveillerait l’administration judiciaire sans exercer d’influence sur les travaux des Tribunaux.

Les autres attributions de cette autorité supérieure semblent bien déterminées dans le projet; cependant, il faut demander la suppression de la clause qui interdit au Conseil d’Etat de nommer aux emplois publics les membres du Grand Conseil.

Art. XXI. Il convient de fixer la durée de la session ordinaire du Grand Conseil (par exemple à 1 mois) et d’ajouter que la proposition du Conseil d’Etat serait nécessaire pour la prolonger.

1. Afin d’éviter les inconvénients que se sont fait sentir en ce qui concerne la proposition et la discussion des lois, on croit que la constitution devrait contenir un article conçu à peu près en ces termes: Si le Conseil d’Etat, à deux sessions consécutives du Grand Conseil, a refusé de présenter un projet de loi sur un objet qui lui aurait été recommandé par le Grand Conseil luimême, ou si un projet de loi présenté par le Conseil d’Etat était rejeté par le Grand Conseil à deux sessions consécutives, alors dans le premier cas le Grand Conseil aurait le droit d’ajouter au Conseil d’Etat pour délibérer sur cet objet une commission de 10

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membres, et d’une telle réunion sortirait le nouveau projet à présenter à rassemblée; dans le second cas, le Conseil d’Etat demanderait une semblable délégation au Grand Conseil pour conférer avec elle.

2. Le Grand Conseil se fait rendre compte de l’exécution des lois et de l’administration des revenus de l’Etat.

7. Cet article est un de ceux dans lesquels le projet attribue au Grand Conseil un pouvoir qui ne peut être exercé que par le Conseil d’Etat.

8. Le Conseil d’Etat donne au Grand Conseil une garde d’honneur durant le temps de ses sessions.

9. Ce paragraphe est inutile, vu que le paragraphe 4 dit bien mieux la même chose.

Art. XXIII. On ne peut que donner les plus grands éloges à la façon dont ont été déterminées les conditions de propriété pour l’admission aux divers emplois législatifs, administratifs et judiciaires. Il ne reste qu’à désirer que la preuve en soit faite avec rigueur et qu’on ne laisse aucun accès à la mauvaise foi. Il ne doit pas être interdit au Conseil d’Etat de choisir les juges parmi les membres du Conseil Souverain; cette observation s’applique aussi aux articles suivants. La durée des fonctions des juges de paix ne devrait pas être inférieure à cinq ans.

Art. XXV. Etant donné qu’on propose de supprimer le Tribunal de révision, il ne serait plus nécessaire d’en parler dans cet article.

Art. XXVI. Les Membres du Conseil d’Etat sont nécessairement membres du Grand Conseil: voir ici la note à l’art. XX.

Art. XXVII. En admettant que la représentation directe (soit) de 2 membres du Grand Conseil pour chaque district (cercle), le projet s’éloigne des principes établis dans toutes les autres constitutions, et donne un accès trop grand à l’intrigue qui préside souvent aux élections populaires; sans doute les élections directes sont nécessaires, mais elle doivent trouver leur contrepoids dans celles qui émanent d’une réunion plus éclairée que le peuple lui-même. En partant de ce point de vue, on désire que la nomination du Grand Conseil se fasse de la façon suivante: 38 membres directs nommés par les cercles, avec condition de propriété de 6000 francs en biens immobiliers; 19 nommés par le Grand Conseil, avec condition de propriété double et 19 membres nommés par le Conseil d’Etat réuni au Tribunal d’appel et à une délégation de 13 membres du Grand Conseil désignés par le sort sur une double liste formée des membres qui payent une contribution majeure à l’Etat.

Le Président annuel du Conseil d’Etat préside le Grand Conseil, comme cela est dit à l’article XX.

Art. XXVIII. Le Grand Conseil n’exerce aucun acte de Gouvernement; s’il exerce le droit de grâce, ce doit être à la suite d’une proposition du Conseil d’Etat. Une loi règle la forme de cet acte.

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Art. ΧΧΧ-ΧΧΧΙ. Une telle rémunération n’est en usage dans aucun autre canton. En la supprimant, on pourrait admettre que les cercles auraient la faculté d’accorder une indemnité à leurs députés directs.

Sig.:

Comte Capo d’Istria.

Chose curieuse, ces observations sont signées uniquement de Capodistrias: ou le copiste a oublié de transcrire le nom de Schraut, ou Capodistrias s’est occupé plus spécialement de ce projet rédigé dans une langue qui lui était familière, ce qui nous paraît plus probable. Ce texte comportait un certain nombre d’imprécisions d’ordre juridique que le ministre tente de clarifier. Ce projet de constitution est le seul, parmi ceux des nouveaux cantons, à commencer en ces termes: «Art. 1. La Religion catholique Apostolique et Romaine est la religion du canton», d’où la mise au point de Capodistrias: «Les prêtres ne devraient pas entrer dans le gouvernement d’une république. Le caractère ecclésiastique exige une entière obéissance; et l’exercice de la magistrature une entière liberté. Ces deux états sont incompatibles.» Cette réaction lui a certainement attiré l’hostilité de l’Eglise catholique. Le problème du chef-lieu avec trois bourgs d’importance équivalente étant difficile à résoudre, le ministre avance une mesure de prudence. Enfin, en proposant son mode d’élection du Grand Conseil par un système composite de nominations directes, indirectes et par une commission spéciale, système formulé plus clairement dans les observations sur les autres projets, Capodistrias dévoile davantage ses motivations: le projet, dit-il, «donne un accès trop grand à l’intrigue qui préside souvent aux élections populaires; sans doute les élections directes sont-elles nécessaires, mais elles doivent trouver leur contrepoids dans celles qui émanent d’une réunion plus éclairée que le peuple lui-même.» C’est bien cette limitation de la représentation populaire qui sera à l’origine des troubles qui éclateront au Tessin quelques semaines plus tard.

Ayant reçu entre-temps la lettre du Grand Conseil, datée du 28, juin, les ministres y répondent:1

Zurich le 19 juin/ler juillet 1814

La note et les observations sur le projet de constitution pour le Canton du Tessin, que les Soussignés Envoyés Extraordinaires et Ministres Plénipotentiaires de L.L.M.M.I. et R. ont adressées

1. ARCHIVIO CANTONALE, Bellinzone, DIV. 643, no 3 (en italien). Autre copie: Papiers Vincenzo Dalberti.

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à la date d’hier à Votre Gouvernement répondent par anticipation aux communications que le Grand Conseil du même Canton vient de leur faire en date du 28 Juin.

Le principe de la souveraineté des Etats Helvétiques étant reconnu, il n’y a aucun doute que le Canton du Tessin, de même que ses Co-Etats, a le droit de statuer librement sur son organisation intérieure. Les observations faites au sujet du projet de Constitution, les considérations dont elles dérivent, et l’application dont elles sont susceptibles, assiéront sur des bases inébranlables la souveraineté et l’indépendance du Canton du Tessin et assureront le succès le plus complet à l’entreprise à laquelle son Grand Conseil consacre actuellement ses soins et ses honorables travaux.

Dans cette conviction, les Soussignés s’abstiennent d’entrer dans d’autres développements au sujet de la note du 28 juin et prient le Gouvernement du Tessin de porter l’attention la plus particulière à l’importance d’achever le plus promptement possible la reconstitution de son Canton.

Sig.

Schraut

Sig.

le Comte Capodistrias

Cette réponse est envoyée par l’intermédiaire de Busca, le député du Tessin à la Diète, qui rend compte également de la longue conversation qu’il a eue avec Capodistrias.1 Ce dernier insiste surtout sur la bienveillance des Puissances alliées qui ont reconnu les cantons tels qu’ils existaient en 1803 et qui ont accepté de considérer les Tessinois, de sujets qu’ils étaient sous l’Ancien Régime, comme citoyens d’un canton souverain et indépendant. Cependant il ajoute: «Les Puissances veulent votre bonheur, vous font don de votre souveraineté et de votre indépendance: mais Elles ne veulent avoir à leur frontière une nation, et encore moins une petite partie de celle-ci, qui garde les principes de cette liberté et de cette égalité mal comprise, qui ont coûté tant de sang à toutes les autres nations et dont Elles veulent absolument voir éteint non seulement l’effet, mais jusqu’à la mémoire.» Elles ne toléreront donc pas un Etat qui garderait les principes dus à la Révolution. Aussi le Tessin doit-il se doter d’une constitution semblable à celles des anciens cantons qui ont été heureux pendant plusieurs siècles de leur organisation interne. Les Puissances alliées ne déposeront les armes que lorsqu’elles auront établi la sécurité et l’indépendance dans chaque Etat. «Tels sont les sentiments des Puissances Alliées, que je vous communique confidentiellement, faites-en part à votre Gouvernement, à qui nous écrivons en termes plus modérés: mais dites-lui que cette modération

1. ibidem, DIV. 643, no 5 (en italien).

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est un effet de ces égards qui sont dus à un Etat déjà reconnu par nos Souverains et indépendant; mais qu’elle n’est pas un effet de la faiblesse, car à l’obstination, ils sauront opposer force et énergie.»

Il semble que l’avis ait été entendu, puisque le 10 juillet, le Grand Conseil avait mis au point un nouveau projet,1 qui tenait compte en partie des observations des ministres dont la copie, non datée, figure dans les papiers de Vincenzo Dalberti:2

Observations sur le second projet de Constitution du Canton du Tessin

Les Ministres des Puissances Alliées ont vu avec satisfaction que les nombreuses et importantes observations auxquelles avait donné lieu le premier projet de constitution du 4 mars 1814 ont été prises en considération et que le Grand Conseil a modifié d’une manière avantageuse les dispositions de l’acte constitutionnel. Les Ministres se persuadent volontiers que des considérations d’un grand poids ont motivé la détermination du Grand Conseil dans les points sur lesquels le nouveau projet s’éloigne de leurs vues. Ils applaudissent particulièrement à la manière avec laquelle les attributions respectives des deux autorités supérieures ont été déterminées; ils félicitent le Grand Conseil d’avoir arrangé avec le consentement réciproque la difficulté relative au chef-lieu. Enfin, ils ne se refusent pas à croire que la manière établie dans le nouveau projet pour la composition du Grand Conseil, peut convenir aux circonstances locales, particulières au Canton. En conséquence, les Ministres des Puissances Alliées se bornent maintenant à reproduire un petit nombre d’observations spéciales, par lesquelles ils invitent l’autorité législative à porter encore quelques changements à la rédaction définitive.

Art. 15. de la nouvelle rédaction. Les Ministres voient avec peine que l’on persiste à vouloir obliger le Conseil d’Etat à choisir les fonctionnaires et employés à l’extérieur du sein du Grand Conseil. Si cette restriction convient pour les employés subalternes de l’administration ou autres, elle aurait au contraire de graves inconvénients pour les emplois plus importants, qui exigent des facultés distinctes, une garantie morale et économique qu’il ne serait pas toujours facile de trouver si l’on excluait par principe de ces emplois les Membres du Grand Conseil. Les Ministres demandent par conséquent la suppression de cette clause exprimée au § 3 de l’art. XV.

1. ibidem, DIV. 643, n° 6.

2. ARCHIVIO CANTONALE, Bellinzone, Papiers Vincenzo Dalberti. Nous traduisons à nouveau le texte italien.

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    et acquis de l’expérience dans les affaires. Cependant il a paru ne pas insister beaucoup sur ce point.

    3° Une objection à laquelle il a paru tenir d’avantage, c’est la convenance qu’il y aurait à ce qu’on exigeât une propriété pour être membre du Petit Conseil. Il a dit qu’il pourrait arriver que personne n’y représentât la classe des riches propriétaires, et il proposait, comme moyen de conciliation, qui du reste n’est pas admissible, comme on le lui a fait sentir, de statuer qu’il y aurait toujours dans le Gouvernement un certain nombre proportionnel de membres qui devraient nécessairement être propriétaires.

    4° Il a présenté l’idée, sans y peser beaucoup, de porter à 13 le nombre des membres du Petit Conseil.

    5° L’objection qu’il a emise avec le plus de force porte sur les Tribunaux, qu’il croit être trop nombreux, et qui suivant lui, sont par cette raison faibles, plus ou moins incapables, et comme ayant rendu des jugemens marquées au coin de la partialité.

    Tels sont les points sur lesquels Mr de Capo d’Istria s’est arrêté, en ajoutant au reste, que si la chose ne tenait qu’à lui il se contenterait de ce projet, mais qu’il n’était pas seul. Vous sentez, Cit. Coll. qu’on a argumenté sur tous ces points, et que nos Collègues, les CC. Pidou et Bergier n’ont pas manqué de donner à Mr le Comte toutes les explications convenables.

    Une observation que ce Ministre a faite, et qui jusqu’ici n’avait point été présentée, porte sur l’écusson du Canton, qui se trouve aussi en tête de nos lettres. Il parait que ces mots de Liberté et Patrie renfermés dans l’écusson ont été considérés comme un reste de la Révolution française. On lui a donné des explications sur la manière absolument étrangère aux idées révolutionnaires, dont ce sceau avait été adopté.

    Mr de Capo d’Istria a aussi fait une espèce d’ouverture à l’egard des fonds anglais. Après avoir dit qu’il conviendrait de les appliquer en premier lieu à l’extinction de la dette Helvétique, il a demandé si le Canton de Vaud ne serait pas disposé, pour le surplus, à céder sa portion à Berne, moyennant renonciation complète de ce dernier à sa prétention sur notre Pays. Nos Collègues ont éludé cette demande, en disant qu’ils ne connaissaient pas la quotité de ces fonds, qu’ils en référeraient au Petit Conseil etc.

    Quant aux projets ultérieurs de Mr de Capo d’Istria, nous n’en avons pu juger qu’imparfaitement, par ce qu’il a dit. Il a paru qu’il serait dans l’intention de proposer aux autres Ministres de s’occuper eux mêmes de l’examen des Constitutions Cantonales, puisque la Diète ne veut pas y travailler par elle même ou par sa Commission. A cet effet, ils appelleraient des experts, chercheraient à donner l’impulsion, et une fois la chose réglée, il s’agirait de la mettre de suite à exécution. Du reste, Mr de Capo d’Istria a fait entendre qu’il nous écrirait ou ferait ecrire, sur l’objet de la Constitution Cantonale.