Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄

Τίτλος:Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
 
Τόπος έκδοσης:Κέρκυρα
 
Εκδότης:Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών
 
Συντελεστές:Κώστας Δαφνής
 
Έτος έκδοσης:1984
 
Σελίδες:364
 
Θέμα:Ο Καποδίστριας στην Ελβετία
 
Τοπική κάλυψη:Ελβετία
 
Χρονική κάλυψη:1813-1814
 
Περίληψη:O τέταρτος τόμος του ΑΡΧΕΙΟΥ ΚΑΠΟΔΙΣΤΡΙΑ καλύπτει, την αποστολή του Καποδίστρια στην Ελβετία το 1813-1814, που είχε για στόχο την απόσπασή της από τη γαλλική κηδεμονία και την ενότητα και ειρήνευση της χώρας, που θα εξασφάλιζε ένα Σύνταγμα κοινής αποδοχής. Ο Καποδίστριας πέτυχε στην αποστολή του αυτή και η επιτυχία απέσπασε την εκτίμηση και την εμπιστοσύνη του Αυτοκράτορα της Ρωσίας και άνοιξε το δρόμο για τη μετέπειτα λαμπρή σταδιοδρομία του.
 
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Lecture faite dans le Conseil Provisoire du Projet d’Edit de Gouvernement qui lui a été présenté par une Commission de Son Corps, après en avoir délibéré avec maturité et lui avoir fait subir diverses modifications qui lui ont paru convenables, l’avis en deux tours a été de l’approuver comme étant propre à assurer le bonheur de la République, et de le soumettre aux suffrages des Genevois qui à la date du 15 avril 1798 avoient le droit de voter en Conseil Général, ainsi que des Genevois âgés de 24 ans issus de Père ou d’Ancêtre ayant ce droit. En conséquence les Genevois seront convoqués aux jours et au lieu déterminés par une publication spéciale pour approuver ou rejeter le projet susmentionné.

Le Conseil se hâte de faire imprimer le rapport et le projet, mais exige dans l’intervalle un secret absolu sur la teneur des documents. Pourtant, un des conseillers, le régent Alexandre Couronne, proteste d’emblée auprès de Des Arts et s’élève contre le régime censitaire contraire aux traditions genevoises:1

[...] Et sur qui tombera l’exclusion projetée? Elle tombera en grande partie sur d’anciens citoyens, qui vivant avec économie du travail de leurs mains, ne paient de taxes apparentes que la somme de 5 à 6 fr. de France, mais paient par leurs vertus et leur moralité une contribution bien plus propre que quelques écus à assurer à notre République renaissante la tranquillité et le bonheur.

Dès que la constitution fut imprimée, le Conseil fit une proclamation qui en recommandait l’acceptation. L’agrégation de Genève à la Suisse en dépendait et toute opposition, toute réticence aurait les plus fâcheux effets. La déclaration était faite au nom des syndics et du Conseil, datée du 15 août et signée par Schmidtmeyer, l’un des deux députés à la Diète. On remarquera l’habileté des magistrats qui demandent à l’ensemble des citoyens d’entériner la disparition du Conseil Général; alors que dans les autres cantons, seul le Conseil se prononça sur la constitution.

Dès le 17, le projet de la constitution fut distribué aux citoyens, qui sont appelés à voter par quartier du 22 au 24 août. 2444 d’entre eux approuvèrent le projet, 334 le rejetèrent; mais si l’on considère que 6000 citoyens environ pouvaient se prononcer sur la question, on peut penser que le fort nombre d’abstentions est en fait une opposition larvée. Ce n’est évidemment pas de cette façon que la chose est présentée aux ministres. Le registre consigne:2

1. Fr. Ruchon, op. cit., p. 50.

2. AEG, R.C. 1814, p. 375-376.

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le 26 août 1814 On arrête d’envoyer la Constitution aux Ministres des Puissances Alliées ainsi qu’à l’Ambassadeur de France en Suisse, en leur écrivant pour leur communiquer le résultat des votes.

Le 27 Août 1814 Lecture du Registre Mr le Syndic Des Arts rapporte qu’il a écrit au nom du Conseil aux Ministres Plénipotentiaires des Puissances Alliées en Suisse, ainsi qu’à l’Ambassadeur de France, en leur envoyant la Constitution.

Voici le texte de sa lettre, adressée en fait au seul ministre du tsar:1

A Monsieur le Comte Capodistria Envoyé Extraordinaire de Sa Majesté l’Empereur de toutes les Russies, auprès de la Confédération Helvétique.

Très excellent Seigneur!

L’intérêt que votre Excellence veut bien prendre à notre Republique et dont Elle nous a donné les preuves les plus signalées, nous autorise à vous faire part de l’important résultat des Assemblées qui ont voté sur le Projet de notre Constitution, 2444 votans l’ont accepté, 334 l’ont rejeté, tout s’est passé avec le plus grand ordre et la plus grande décence: Votre Excellence pourra être surprise de la diférence qu’il y a entre le nombre des personnes qui ont voté pour la constitution, et de celles qui ont signé il y a quelques mois l’adresse par laquelle on nous demandoit de reprendre nos fonctions: les habitants de la Ville et de la Campagne de tout âge, étrangers ou Genevois, concoururent à cette démarche, les seuls Genevois ayant droit de cité, âgés de 25 ans accomplis, solvables et non assistés des Hôpitaux ont été admis à donner leurs suffrages. Nous allons procéder sans délai à la formation des nouveaux Conseils, nous prions Votre Excellence de mettre le sceau à ses bontés et à notre bonheur, en nous recommandant à la généreuse protection de Sa Majesté Imperiale qui a daigné nous en promettre la continuation, et de seconder de votre influence les démarches que nous avons faites pour être agrégés à la Confédération Helvétique. Vous acquerrez de nouveaux droits à notre gratitude en assurant ainsi à notre Patrie une assiette heureuse et stable.

Agréez l’assurance du respect avec lequel nous sommes

Monsieur le Comte de V. Exc. les Très Humbles et Très Ob. serviteurs

Les Syndics et Conseil provisoires de la Rép. de Genève

Signé Falquet Conseiller et Secrétaire d’Etat

Genève, le 27 août 1814.

1. AEG, Copie des lettres du Conseil 1814, f. 117.

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Officiellement avisé de l’adoption de la constitution genevoise, Capodistrias répondait quelques jours plus tard, en termes cordiaux (Document n° 74): «Je n’avais jamais douté de cette adhésion presque unanime, connaissant le mérite du Code politique qui vient de réunir les suffrages des Genevois».

Canning, qui avait signé la lettre du 22 juillet (Document n° 67), avait, quant à lui, assez vite pris ses distances. Dans une lettre du 4 août, transmise par l’intermédiaire de d’Ivernois le 13 août, le ministre anglais écrivait:1

[...] Consolider cette liaison [entre la Grande-Bretagne et Genève] en faisant reposer l’indépendance de la République sur une base moins rétrécie, où Elle puisse prendre l’assiette digne de ses nouvelles destinées, seroit une tâche d’autant plus agréable à Son Altesse Royale, qu’Elle envisage l’aggrandissement du territoire de Genève, et sa réunion à la Confédération Helvétique, comme les mésures les plus propres à assurer à Celle-ci le maintien de sa neutralité, et à contribuer par celà même au repos de l’Europe.

Pourtant, de Zurich, Saladin et Schmidtmeyer se font rassurants:2

Les Ministres ont toujours continué de témoigner a vos députés le même interet et la même bienveillance pour Genève. Ils se sont assurés de celle du Ministre d’Angleterre, et Ils n’ont pas été à même de juger des dispositions du Ministre de France que l’on assure avoir reçu les memes instructions de la cour que les autres Ministres relativem(en)t a la Suisse.

Le 26 août, Canning séjourne précisément à Genève, comme en témoigné un billet qu’à peine arrivé, il adresse à d’Ivernois;3 les deux compères n’ont pas dû tarder à échanger leurs vues sur la nouvelle constitution, dont le Genevois, mis devant le fait accompli à son retour d’Angleterre, se montre fort désappointé.

Cette constitution, qui comprenait 11 titres et 93 articles, et des lois complémentaires pour les territoires qui seraient annexés, est la plus longue des constitutions cantonales adoptées à ce moment-là. Elle n’est ni systématique, ni logique; son expression est souvent confuse et elle n’a pas les qualités juridiques du modèle de Rengger qui s’est imposé dans plusieurs cantons. Elle deviendra du reste dans les années

1. AEG, R.C. 1814, entre les pp. 353 et 354.

2. AEG, R.C. 1814, entre les p. 347 et 348. Rapport de Saladin et Schmidtmeyer au Conseil, Zurich, 10 août 1814.

3. BPU, Ms suppl. 977, t. II, f. 221. Lettre de Stratford Canning, «aux Balances», Genève, 26 août 1814.

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suivantes la cible d’attaques virulentes de conseillers stimulés par Mme de Staël, qui formeront le noyau de l’opposition libérale genevoise et obtiendront la suppression de quelques-unes des mesures les plus réactionnaires.1

Aussi restons-nous interloquée devant l’approbation sans réserve qu’apporte le ministre du tsar à cette constitution. Il a pleine confiance, il est vrai, dans les deux membres de la commission de rédaction, Schmidtmeyer et d’Ivernois, qu’il a côtoyés à Zurich. Au sujet de ce dernier, Capodistrias écrit au landamman de Beding (Document n° 68): «Mr d’Ivernois déjà aussi bon Suisse qu’il a été jusqu’ici bon Genevois Vous dira également le mal que votre solitude actuelle fait aux affaires. Il a réussi dans sa mission avec un bonheur digne de Ses talens et de Son esprit.» Il est certain qu’au cours des entrevues que les deux hommes ont eues lors du bref séjour de d’Ivernois à Zurich, à son retour de Londres, le Genevois n’aura pas caché la déception que lui procurent les bases de la constitution mises au point durant son absence.

Peut-être est-ce dans le contexte général qu’il faut chercher l’explication. La tension reste extrême entre Berne et Vaud. En soutenant à Genève un régime conservateur qui convient fort aux patriciens bernois, Capodistrias espérait-il, comme d’autres, tempérer ainsi indirectement l’effervescence démocratique vaudoise, le canton de Vaud étant pris en tenailles entre deux régimes conservateurs? Son intervention dans les affaires vaudoises est dictée par les ordres du tsar «éclairé» par La Harpe; il n’a guère de marge de manœuvre. Sa politique est cohérente dans le même sens dans les autres nouveaux cantons d’Argovie, de Saint-Gall, du Tessin. Mais à Genève, qui ne fait pas encore partie de la Confédération, il est plus libre dans ses directives. Ce régime qui reposait sur un système censitaire, corrigé par la création d’un corps privilégié formé des pasteurs, régents, professeurs et fonctionnaires supérieurs, et dont l’exécutif est confié à un Conseil d’Etat pléthorique de vingt-huit membres convenait-il mieux à ses sentiments personnels? Nous restons perplexe.

La boîte à musique

Un autre point obscur dans les relations de Capodistrias avec Genève, mais qui touche à la petite histoire, apparaît dans la correspondance de Saladin. Il écrit à Turrettini le 6 juillet:2

1. L. Fulpius, op. cit., p. 61.

2. AEG, PH 5722, lettres des 6, 8-9, 12-13, 19-20 juillet 1814.

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[...] J’eusse préféré que l’on nous eut adressé le petit paquet de Mr le C(om)te Capo d’Istria plutôt que de l’envoyer directement à Son Exc. par la diligence, comme paroit le croire Monsieur le Sindic dans la dernière lettre; j’aurois peut être découvert le secret pour faire jouer le mecanisme du cachet; pour peu que Mr Vernet veuille bien l’expliquer d(an)s un billet [...].

Le 9, il enchaîne:

Monsr de Capo d’Istria me dit hier qu’il avoit reçu un paquet qu’il n’avoit point voulu ouvrir, que cetoit matière a difficulté qu’il avoit écrit à Geneve, et qu’il ne l’ouvriroit pas que la chose ne fut jugée, je lui offris d’être juges de l’affaire, il déclina notre tribunal, il paroit qu’un don quelconque lui fait de la peine; ses lettres vous en diront davantage, je suppose qu’il s’en sera prit a Mr Baut.

Le malentendu paraît dissipé puisque le 12-13 juillet, Saladin précise:

Vous aurez vu que Mr de C. avoit écrit sur l’hommage des artistes, je suppose que l’auteur de la première lettre, se sera evertué en réponse pour faire admettre sa lere proposition, ce qui sera peut-être difficile.

Enfin, les 19-20 juillet:

La reponse de Mr Baut aura eu son effet, j’ai su hier par Mr Krüdener le Secretaire que le comte avoit ouvert la boëte, et trouvé la gravure de très bon gout, ainsi que le distic grec. Mais ils n’ont jamais pu faire aller le secret du cachet et mettre le mecanisme en jeu. Si j’avois eu a ce sujet la plus legere explication, que j’avois provoquée, je me serois proposé. [...] Je sors dans ce moment de chez Mr Capo d’Istr. et lui ai montré d’après la désignation de Baut la maniere de faire aller la musique du cachet; il a été très enchante de la Boëte et de la gravure; il m’a demandé l’auteur du distic, et si c’etoit le Bibliotécaire je lui ai dit que je l’ignorois, mais que je croyois que c’etoit Mr de la Bive Boissier.1

Il ne s’agit certainement pas d’un présent officiel: il en subsisterait des traces dans le registre du Conseil; mais d’un cadeau fait par un groupe de privés. La pièce en question est une boîte à musique. Les horlogers genevois ont misé dès le début du XIXe sur cette branche particulière — et nouvelle — de leur art. «L’un de ses premiers succès fut, paraît-il, une commande de l’Empereur Napoléon 1er, qui offrit à

1. Cette fonction de bibliothécaire fut exercée de 1814 à 1840 par Charles Bourrit, dit le Jeune. Voir S. Stelling-Michaud, Le Livre du Recteur, Genève 1966, t. II, p. 301.

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ses généraux, après la Campagne d’Autriche de 1809, des tabatières d’or et d’émail avec des musiques exécutant des tyroliennes. Ces mélodies étaient devenues à la mode grâce aux prisonniers de guerre des montagnes autrichiennes qui les chantaient en captivité. C’est vraisemblablement durant cette période que la fabrication de ce que l’on appela depuis «la boîte à musique», commença.»3 En 1813, la fabrication s’intensifie encore. La commercialisation se fait par l’intermédiaire des grandes horlogeries-bijouteries, dont celle de Vacheron et Constantin et la maison Bautte. Si cette dernière ne conquiert une place importante que plus tard, nous pouvons supposer que Bautte et les artisans qui l’avaient fabriquée ont vu l’intérêt qu’il y avait à offrir au ministre du tsar de toutes les Russies, à l’occasion de son passage à Genève, une pièce qui donnerait peut-être à son souverain l’idée de renouveler le geste de Napoléon. Calcul juste à long terme: les souverains de la Russie (en particulier Alexandre II) et de l’Empire Ottoman seront parmi les meilleurs clients de boîtes à musique suisses au XIXe siècle...

On comprend que Capodistrias ait été dans un premier temps choqué du procédé. Puis qu’il ait été séduit par l’objet, probablement une tabatière émaillée, dont la surface intérieure du couvercle permettait mieux la gravure d’une inscription que les cachets à musique de dimension réduite.

Valais

Capodistrias allait exercer un rôle beaucoup plus modeste dans l’intervention des ministres alliés auprès du gouvernement du nouveau canton du Valais.

Sous l’Ancien Régime, le Valais avait formé une Confédération d’Etats, les Dizains, alliée de la Confédération suisse. Les dizains du Haut-Valais tenaient en sujétion les habitants de la région du BasValais. Après l’invasion française de 1798, le Valais avait été attaché à la République Helvétique; puis, en 1802, Bonaparte lui avait accordé le statut de république séparée. Le premier Consul, qui avait reçu des Valaisans le titre sonore d’«Auguste Restaurateur de l’indépendance», pouvait ainsi contrôler plus facilement les cols du Grand-Saint-Bernard et du Simplon, où il fit entreprendre de gigantesques travaux, qui lui étaient indispensables pour maintenir le contact entre la France et son satellite la République Cisalpine. Et c’est pour mieux contrôler encore

1. Alfred Chapuis, Histoire de la boite à musique et de la musique mécanique, Lausanne 1955, p. 154-155.

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la situation que Napoléon annexe le territoire en novembre 1810 et le transforme en Département du Simplon. Avec le régime français, l’égalité des droits est établie entre les citoyens du Haut et du Bas-Valais.

Dans l’esprit des ministres, le Valais fait certainement partie des territoires arrachés par la France que les Puissances alliées promettent de restituer à la Suisse dans leur note du 20 décembre 1813. Lebzeltern précise dans son rapport à Metternich du 31 décembre: «Si le Vallais et Genève pouvaient devenir Cantons, ce serait véritablement museler le Pays de Vaud, surtout lorsqu’il aura subi, avec le reste de la Suisse, des réformes intérieures conformes à l’équité et à la raison».1 Lebzeltern est le premier, remarque M. Biollay, à mentionner la perspective que le Valais devienne canton suisse.

A Bâle, les députations genevoise et valaisanne, toutes deux réactionnaires, avaient sympathisé; Pictet de Rochemont, dans ses rapports et ses démarches diplomatiques à Bâle, à Chaumont comme à Paris, œuvrera constamment comme si le Valais devait, au même titre que Genève, être rattaché comme canton à la Confédération suisse, formulant plusieurs projets de partage entre les deux cantons du Faucigny et du Chablais, au cas où ces territoires savoyards seraient accordés comme frontière sud à la Confédération. Comme le remarque M. Biollay:2 «Aussi nulle qu’ait été, dans ses résultats, l’activité diplomatique des Genevois touchant le Valais, elle a eu, du moins, le mérite d’exister. On ne peut rendre un pareil hommage à la Confédération suisse. La Suisse attend qu’on lui donne le Valais, elle ne le demande pas. Tout se passe comme si elle ne le désirait pas.» Cantons réactionnaires ou progressistes sont anxieux de voir dans quel camp se rangera le Valais. Et la Diète reste dans une prudente expectative. Ainsi, après la note comminatoire des ministres du 5 avril, qui demande à la Diète d’envoyer des troupes dans les régions qui doivent lui être rattachées, celle-ci se décide à envoyer des troupes à Bienne, à Genève et dans la Valteline, mais ne soulève pas la question du Valais. Dans son rapport de mai 1814 sur la question des frontières, Finsler insiste sur le fait que si le Valais doit être incorporé à la Suisse, il faut renforcer ses

1. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, no 19 Litt. B. Rapport de Lebzeltern à Metternich du 31 décembre 1813. Cité par Emile Biollay, Le Valais en 1813-1814 et sa politique d’indépendance, Martigny 1970, p. 434. Notre documentation valaisanne repose principalement sur cet ouvrage et sur VALLESIA, t. XX, 1965, cité plus loin.

2. E. Biollay, op. cit., p. 427.

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frontières du côté de la France, c’est-à-dire de la Savoie du nord, et du côté italien — ou y renoncer.

Enfin, comme le remarque W. Martin,1 la situation intérieure est si tendue au printemps et en été 1814 que les Suisses ont perdu le désir de s’agrandir: «Sans l’appui énergique et la volonté des diplomates étrangers, aucune des requêtes qui furent alors soumises à la Diète n’aurait eu la moindre chance d’être agréée. Les Neuchâtelois, parce qu’ils étaient sujets d’un prince, les Valaisans et les Jurassiens parce qu’ils étaient catholiques, les Genevois parce qu’ils étaient turbulents, séparés du territoire suisse et gouvernés par une aristocratie, inspiraient tous à l’un ou l’autre groupe d’insurmontables méfiances. L’idée qu’un peuple voisin puisse souhaiter devenir suisse par amour de l’idéal pacifique sur lequel est fondée la Confédération, l’idée qu’un peuple puisse s’assimiler les vertus antiques des Confédérés n’entre pas facilement dans la tête de Suisses authentiques, qui se croient volontiers d’une essence particulière, et il n’est pas difficile d’imaginer l’effort qui fut nécessaire pour amener la Diète à agréer, d’un seul coup, les demandes de trois cantons, de langue et de traditions aussi différentes de celle de la majorité.»

Sur place, la situation est confuse et les esprits tout aussi divisés. Les Haut-Valaisans, traditionalistes et partisans d’une démocratie directe, du type Landsgemeinde, souhaiteraient un retour au régime de 1797, avec le rétablissement de leurs droits de souveraineté sur le Bas-Valais. Ils ont la sympathie des cantons du centre et l’appui de Berne et penchent pour une union avec la Confédération suisse, éventuellement sous forme d’alliance. Les Bas-Valaisans tiennent à sauvegarder l’égalité des droits acquise à la Révolution et ne voient de salut qu’en l’union avec la Suisse en tant que canton; ils comptent sur l’aide des nouveaux cantons.

Enfin, il y a les nostalgiques de la république indépendante, dont le représentant le plus puissant est Stockalper, maître du gouvernement provisoire depuis janvier 1814, qui pratique une politique isolationniste et se leurre en pensant pouvoir maintenir un Etat indépendant dans une région d’une telle importance stratégique. Mais le silence prudent gardé par la Diète entretient le climat de trouble et d’incertitude. En effet, les autorités valaisannes ne seront jamais informées officiellement avant la fin mai du sort que lui réservent les Grands.

L’occupation militaire autrichienne prenant fin au mois de mai,

1. W. Martin, op. cit., p. 401-402.

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le gouvernement valaisan se décidera à envoyer l’un des siens, de Werra, auprès du comte d’Ugarte à Genève le 19 mai. Ce dernier leur recommande de dépêcher au plus vite une députation valaisanne au Congrès de Paris, députation qui n’arrivera à Paris que le 1er juin. Le Traité est signé depuis le 30 mai et le Valais irrémédiablement incorporé à la Suisse. De Werra et Stockalper, qui ne sont pas d’accord avec cette union, ne reprendront pas leur fonction au sein du gouvernement provisoire. Entre-temps, la situation a évolué radicalement à Sion. En effet, le gouvernement reçoit, dans la nuit du 24 au 25 mai, une note de Schraut datée du 2 mai, qui exprime le désir des Alliés de faire entrer le Valais dans la Confédération suisse et demande instamment au gouvernement d’envoyer des députés à la Diète. Le colonel autrichien Simbschen chargé par Schraut de remettre la lettre, avait déjà quitté le pays, d’où le retard extrêmement fâcheux de cette note capitale pour le destin du Valais. Une Diète extraordinaire est immédiatement convoquée à Sion et siège du 30 mai au 1er juin; elle désigne une députation qui portera à Zurich le voeu du Valais d’être réuni à la Confédération; les députés y prennent en outre contact avec Reinhard et Schraut (Capodistrias étant encore absent à cette date du 14 juin). A Sion, une commission est chargée de rédiger le projet de constitution cantonale; elle siégera du 11 juillet au 3 août; y sont présents des délégués du Haut et du BasValais qui ne parviennent guère à s’accorder.

Cette lenteur — toute relative — des opérations incite les ministres à adresser une note vigoureuse au gouvernement provisoire le 3 août 1814, le jour précisément où la commission clôturait ses travaux:1

Messieurs

Après avoir rompu les liens qui tenaient dans la sujettion le brave peuple valaisan, les Puissances alliées ajoutant à ce premier bienfait un second, voulurent que son indépendance et sa sûreté fussent par l’union la plus étroite avec la Suisse sous la forme de Canton raffermie et garantie à jamais.

Le vœu unanime du Valais ne tarda pas de se montrer réconnaissant à tant de bienveillance. Ses députés chargés d’exprimer ce vœu tant aux ministres de LL.MM. I. et R. qu’à la Diète

1. ARCHIVES D’ÉTAT DU VALAIS, Sion, RZ 81/4/2, copie de la main de Ch. E. de Rivaz. Nous avons préféré cette copie à celle plus officielle conservée aux ARCHIVES D’ÉTAT, Sion, T 15/1, faite par un secrétaire de langue allemande. Cette lettre est publiée par André Donnet, A.-J. de Rivaz, Mémoires politiques, t. II, p. 34-35, note 1 et dans VALLESIA, t. XX, 1965, p. 139-140, par Michel Salamin.

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Helvetique n’auront pas laissé ignorer au gouvernement provisoire combien il fut accueilli.

Dès ce moment on devait s’attendre à voir les autorités temporaires du pays s’occuper des moyens d’établir un gouvernement stable et définitif, d’autant plus que déjà dans sa lettre du 26 mai, le Conseil avait paru impatient de s’affranchir des inconvéniens d’un mode transitoire continué, disait-il, depuis cinq mois. Dès ce moment aussi il devenait indispensable de revoir la constitution dont la formation du gouvernement n’est qu’une partie; de l’assimiler avec prudence et sagesse à celle des cantons limitrophes, et de la soumettre à la considération des soussignés aussi bien que des confédérés intéressés également à y trouver tout ce qui peut assurer la tranquillité et le bonheur du Valais.

Cependant les Ministres Impériaux et Boyaux n’apprenant d’aucun coté jusqu’à quel point ces travaux ont été conduits ni quels en sont les derniers résultats ne peuvent qu’inviter enfin le gouvernement provisoire de vouloir bien s’en expliquer avec eux sans délai comme d’un objet soumis nécessairement à l’action immédiate des principes régulateurs de la Suisse dont la réconstitution fédérale approche à grands pas.

Zurich 3 août 1814

signé

Schraut,

Schaffort Canning

Capo d’Istria

Ch.-E. de Bivaz, l’un des hommes politiques les plus éminents du Bas-Valais, a ajouté à la copie de cette note: «On leur répond le 14 août que les retards à la formation de notre nouvelle constitution tiennent à l’incertitude ou le Valais est resté sur l’issue de ses demarches pour être reçu comme Canton Suisse. Les ministres répondent le 12 7bre, et montrent combien ce pretexte est futile.»

C’est probablement pour presser le mouvement que Canning, que nous avions trouvé à Genève à la fin du mois d’août, retournant à Zurich, passe par Sion, où il s’entretient avec la gouvernement du projet de constitution qu’il juge, semble-t-il, «déficient».1 La commission se réunit de nouveau le 11 septembre pour y discuter des modifications à apporter au projet, mais ne parvient pas à s’entendre. C’est alors que le 15 septembre, le gouvernement reçoit une note comminatoire des ministres (Document n° 77): ils estiment fallacieux le prétexte que le Valais était laissé dans l’incertitude sur son rattachement à la Suisse. Ils

1. VALLESIA, loc. cit., p. 14. Dans A.-J. de Rivaz, op. cit., t. II, p. 33, nous trouvons des précisions sur l’itinéraire très sportif choisi par le jeune ministre anglais: ...«Il est entré dans le pays par la Forclaz de Martigny, revenant de Chamonix où il s’était rendu de Genève pour voir le mont Blanc, et il en est sorti par la Gemmi se rendant à Berne.»

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donnent l’exemple de Genève, placée dans une situation similaire et dont la «nouvelle Constitution est faite et parfaite». Ils espèrent que les divergences entre Haut et Bas-Valais sont enfin aplanies, mais sont prêts à intervenir en tant que médiateurs si cela est nécessaire.

Cette note est doublée d’une lettre du même jour, beaucoup plus incisive, signée uniquement par Schraut, qui déclare pourtant s’exprimer au nom de ses collègues. On peut toutefois se demander si Capodistrias — et Canning — n’ont pas délibérément évité de signer un document aussi engagé:1

Monsieur

Dans le moment, que les Ministres des puissances alliées occupés des affaires de la Suisse attendent le projet de la Nouvelle Constitution que le Valais vat se donner pour y faire telles observations que le désir de contribuer au bien être futur de ce Canton leur inspirera, j’ai l’honneur Mr de vous faire part tant au nom de Messieurs mes Collègues que du mien de la persuation ou nous sommes que ce projet ne pourra jamais atteindre le veritable besoin du pays, ni presenter loyalement le veux des hommes éclairés et bien intentionés qui devraient en diriger la redaction par une raison très simple: c’est que personne, qui aime sa tranquillité ne veut la compromettre vis à vis de la Multitude, honette peut être mais ignorante, mais remplie de préjugé, mais ennemie aveugle de toute innovation, mais tenace à l’exces de ces Vieux abus, et n’etant à tous ces titres fait pour lexclure du gouvernement que d’autant plus avide de sen melier le plus qu’elle peut en sarrogeant tous les pouvoirs. Que pouvons nous donc Monsieur! Nous prometre d’une constitution dont chaque article ne sera que l’enontiation de l’esprit législateur de Vos Dixains, dans lesquels le grand nombre, la masse des habitans non moins opiniâtre que ignorants pesant nécessairement de beaucoup sur tous ce que peut s’y trouver des gens raisonables, de seuls hommes enfin appellés par leurs connaissances et leur Etat à influer sur la décision des pareilles questions. Certes la perspective est triste, et plus triste encore Mr si vous voulez considérer avec nous que cette création toute défectueuse toute monstrueuse qu’elle pourra être, n’aitre [sic pour naîtra] avec la noble et grande destinée de durer plus que nous tous, et de traverser comme un Code de sagesse les siecles à venir. Il est de Votre intérêt et de notre désir, que nous détournions de Votre pays une telle source de regret trop tardif. Nos genereux Souverains se chargeant de la garantie des Constitutions Cantonales aussi bien que du pacte fœderale, dont elles sont les véritable bases, en tant quelle offrent un mode

1. ARCHIVES D’ÉTAT, Sion, T 15/1.

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de gouvernement également éloigné de cette aristocratie trop exclusive qui degenere en oligarchie, et de ce regne du peuple, qui tend vers l’anarchie, et tien les habitants dans une mobilité funeste à leurs véritables interets, Il faut tout faire pour le peuple, mais rien ou le moins que possible par le peuple, de la depend Vôtre Bonheur, Vôtre tranquillité future et cette tranquillité sur tous le repos inalterable que Leurs Majestés Impériales et Royales veulent assurer à la Confederation en general et à tous les pays en particulier. C’est maintenant à Vous Mr si Vous aimez Votre pays de nous aider de Vos lumieres, de Vos Conseils en suggérant toutes les idées d’amélioration compatible avec le caractère du peuple que Votre Zele et Votre experience Vous inspireront, soyez assuré du plus inviolable secret et de l’ussage le plus discret que nous ferons de Vos Communications. Agréez Monsieur les assurances de ma très parfaite consideration.

Zurich le 12. 7ber 1814

Signée/

Schraut

C’était désavouer clairement le Haut-Valais. La commission constituante se sépara dès le lendemain. Une députation se hâta par le col de la Gemmi de se rendre à Zurich pour présenter aux ministres le point de vue du Haut-Valais et de l’évêque. Elle y arrive le 19 et est rejointe deux jours plus tard par une première députation du Bas-Valais. Par la suite, ce ne seront pas moins de quatre délégations, soit douze députés valaisans qui cherchent à se faire entendre des ministres. Seul Canning suivra les négociations pendant les cinq semaines de leur durée. Capodistrias, appelé à Vienne, prend congé des députés valaisans le 26 septembre et est remplacé par le baron de Krüdener. De Chambrier est toujours à Neuchâtel; et Schraut, avec lequel nos Valaisans auraient bien voulu s’expliquer, a gagné Berne le 18 septembre pour y recevoir l’impératrice Marie-Louise.1

Les lettres très détaillées que le comte Eugène de Courten, membre de la députation du Haut-Valais et du centre, envoie à son frère, nous donnent une excellente idée de la façon dont les pourparlers se déroulaient entre les députations particulières et les ministres. C’est d’abord Canning qu’ils ont cherché à rencontrer, puisqu’ils le connaissaient. Celui-ci se montre ferme:2

1. VALLESIA, t. XX, 1965, p. 14-15. Introduction historique d’E. Biollay.

2. VALLESIA, ibidem. Lettres Eugène de Courten à son frère Pancrace sur les conférences de Zurich (19 septembre-22 octobre 1814), publiées par E. Biollay; ici extraits de la lettre du 21 septembre 1814, p. 49-50.

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Bref, nous avons eu tout sujet de croire, d’après la manière dont Son Excellence s’est énoncée, qu’il n’entrait point dans les vues des souverains alliés de vouloir permettre aux ci-devant sujets de prendre une supériorité sur leurs anciens souverains. Nous ne devons pas douter qu’une majorité sera accordée aux dizains supérieurs, mais nous n’osons nous flatter que ce soit sept sur dix.

[...] Hier [20 septembre] nous avons reçu notre audience de S.E. le ministre de Russie, qui nous a parlé beaucoup plus favorablement que celui d’Angleterre. A nous en tenir à ses promesses d’hier, nous serions favorablement traités; et surtout la ville de Sion reprendrait un lustre, car il paraît qu’elle serait traitée comme Soleure...mais...mais... Mon bon ami: l’eau bénite de cour. M. Capo d’Istria nous a dit positivement: «Il faut que les personnes de distinction, les gens à talents, les gens à fortune, soient à la tête des affaires publiques. Il faut, vu les circonstances dans lesquelles nous vivons, donner à la classe des meneurs et du peuple une certaine part aux affaires publiques, pour qu’ils croient y avoir contribué et que leurs intérêts ne soient pas lésés, etc.» Ce langage te surprend, mon bon ami. Et moi je te dis que je voudrais être derrière le rideau pour entendre ce qu’il dira à nos adversaires quand ils paraîtront, car ils ne sont point arrivés encore. Nous en sommes venus au point de devoir désirer les voir au plus tôt. Sans les deux parties présentes, LL.EE. les ministres ne veulent et ne peuvent entrer en matière de conciliation. Ces Messieurs se sont expliqués ne vouloir point forcer nos opinions, mais nous ont promis leur avis, que nous pourrons accepter ou rejeter sans nous compromettre.

Le 22, dîner très select chez Canning: les deux ministres, leurs secrétaires d’ambassade et Eugène de Courten. La conversation se prolonge jusqu’à 7 heures du soir:1

[...] Je croirais pouvoir assurer nos Messieurs que nous avons déjà gagné le procès des votes. J’ai été à portée de juger que MM. les ministres ne sont pas pour la popularité. Ils ne voudraient que trop trancher là-dessus. Nous sommes forcés de défendre à un certain point les droits de notre peuple. Mais, par contre, je t’assure que nous ne céderons pas d’une syllabe quand il s’agira de nos anciens droits de voter collectivement par dizain, et cela prendra alors [...].

Et c’est parce qu’il fait un pèlerinage à Einsiedeln que de Courten manque le dîner d’adieu de Capodistrias. Mais il en a des échos précis:2

1. ibidem, p. 52, lettre du 23 Septembre 1814.

2. ibidem, p. 55-56.

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Je reviens au diner de M. le comte Capo d’Istria. M. de Sépibus, à mon arrivée, me communiqua une lettre adressée aux députés du Haut-Valais par ce ministre. Il nous informe qu’ayant reçu l’ordre de son auguste maître de le joindre immédiatement à Vienne, il nous fait connaître qu’il a donné des instructions à M. le baron de Krüdener, son secrétaire d’ambassade, et que celui-ci a ordre de nous favoriser autant que possible. Toute la lettre est obligeante. Je connais le baron. C’est un fort joli homme. J’ai beaucoup causé avec lui le deuxième jour que je dînai chez le ministre d’Angleterre, et j’ai cru entrevoir en lui de bonnes intentions. Il nous est assez agréable d’avoir affaire à lui. Car, depuis le départ de M. le comte Capo d’Istria, il prend ses repas à notre table d’hôte, ce qui nous met à même de causer avec lui tous les jours. Hier, nous lui avons fait notre visite.

M. Capo d’Istria, après le dîner, parla à M. de Sépibus, en présence de MM. Dufour et Morand [députés du Bas-Valais], à peu près en ces termes: «J’espère, Messieurs, que vos affaires s’aplaniront et que vous vous arrangerez. Vous, Messieurs du Bas-Valais, vous devez mettre de la modération dans vos prétentions. Le Haut-Valais cède beaucoup. Il ne peut perdre entièrement ses droits. Il lui est dû des égards. Il faut aussi, ajouta-t-il, que la ville de Sion, qui est la capitale du pays, conserve des privilèges, parce que c’est ordinairement dans les villes où l’on trouve le plus de personnes susceptibles de gouverner. Je laisse mes instructions dans ce sens à M. le baron de Krüdener, qui tiendra le portefeuille en mon absence.»

Il parla, en un mot, de manière à ce que M. de Sépibus me témoigna une grande satisfaction. Et il m’a ajouté avoir remarqué que M. Dufour avait dîné de mauvais appétit, tandis que lui avait fait honneur au repas, et surtout au bon vin de champagne. Tu conçois que c’était un grand dîner, puisque c’était un dîner d’adieu. Tous les ministres s’y trouvaient: celui de France [Talleyrand], que nous verrons demain, la décence l’exigeant, puisqu’il a adressé la parole d’une manière obligeante à M. de Sépibus après le dîner; celui de Wurtemberg [Kaufmann], que nous avons vu hier et chez lequel nous avons été très bien accueillis [...].

Ces éléments sont recoupés dans les lettres du député Bas-Valaisan Michel Dufour au chevalier de Rivaz:1

[...] Nous nous sommes présentés le même jour chez les ministres d’Angleterre et de Russie qui nous ont très bien accueillis. Ils ont écouté avec intérêt tous les détails dans lesquels nous sommes

1. ibidem, Lettres écrites à Charles-Emmanuel de Rivaz par MM. Isaac de Rivaz, Du. Fay, Dufour, Morand et autres... , publiées par André Donnet; ici lettre de M. Dufour du 23 septembre 1814, p. 199.

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entrés et nous ont fait l’un et l’autre beaucoup de questions. Il paraît que ceux qui nous ont précédés les ont aussi informés très au long, mais nous avons quelque raison de croire qu’ils n’ont pas eu le talent de se faire bien comprendre.

Même à la veille de son départ, Capodistrias se montre toujours aussi soucieux de se bien renseigner, puisqu’il leur demande un exemplaire de la constitution valaisanne de 1802.

Dans une autre lettre, Dufour informe de Bivaz:1

S.E. Monsieur le ministre de Russie est parti hier pour Vienne d’après les ordres qu’il en a reçus de l’empereur, son maître. Cette circonstance est un nouveau motif pour vous engager à voir M. de Schraut à votre passage à Berne, et elle nous fait désirer qu’il puisse assister à nos conférences. Il paraît que l’on pourrait sans indiscrétion lui manifester ce désir. M. de Capo d’Istria est momentanément remplacé par M. le baron Krüdener qui remplissait les fonctions de secrétaire de légation. Nous vous attendons avec la plus vive impatience.

Capodistrias n’a donc joué de rôle ni dans la genèse, ni dans la conclusion de l’affaire valaisanne, conclusion qui dépasse en quelque sorte notre propos. Au cours des semaines suivantes, les ministres reçoivent de nombreux mémoires des différentes parties du Valais; ils ne peuvent accepter ni le projet haut-valaisan qui maintient le vote par dizains (au nombre de dix), ni le projet bas-valaisan qui propose le vote par tête jugé trop démocratique et une répartition territoriale en douze, puis quinze dizains. Devant cette impasse, les ministres décident de trancher dans le vif: le 23 octobre, ils imposent pronunciamentum: treize dizains (les treize étoiles de l’écusson valaisan), cinq pour le Haut-Valais, cinq pour le Bas-Valais et trois pour le centre. Solution qui, comme le remarque M. Biollay,2 «si elle ne constitue pas une grande victoire pour le Bas-Valais, est une nette défaite pour le Haut-Valais». L’Autriche ne pouvant se désintéresser de l’affaire, Schraut complète le pronunciamentum, par une note du 29 octobre.

Ces décisions seront discutées dès le 16 novembre par un Conventus de quelque trois cent députés valaisans! Ils ne réussiront pas à se mettre d’accord, et au cours des mois suivants, les Bas-Valaisans feront même à plus d’une reprise sécession. Il faudra l’inquiétude suscitée par le re-

1. ibidem, p. 202, lettre du 28 septembre 1814.

2. ibidem, Introduction, p. 16.

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tour de Napoléon de l’île d’Elbe et les Cent Jours, pour que les Valaisans se dotent enfin d’une constitution et d’un gouvernement stable. Ce n’est que le 4 août 1815 que Stockalper et Dufour, un Haut et un Bas-Valaisan, peuvent enfin signer l’acte de réunion du Valais à la Suisse et trois jours plus tard, avec les députés des vingt et un autres cantons, ratifier le Pacte fédéral. Capodistrias, en partant pour Vienne le 27 septembre 1814, n’avait certainement pas imaginé qu’il faudrait encore presque une année de laborieuses tractations pour arriver à bonnes fins 1

Neuchâtel

Ni Capodistrias ni Schraut ne sont intervenus dans le troisième des derniers cantons, celui de Neuchâtel. Sous l’Ancien Régime, Neuchâtel était une principauté appartenant au roi de Prusse, mais alliée de la Confédération suisse. Lors de l’occupation française, le territoire avait été offert par Napoléon au maréchal Berthier. Dès le départ des Français, les Neuchâtelois avaient cherché à renouer leurs relations avec le roi de Prusse, qui, surpris et satisfait, avait désigné comme gouverneur de la principauté le Neuchâtelois JeanPierre Chambrier d’Oleyres, son ministre auprès de la Confédération suisse et collègue de Capodistrias et Schraut.

La Diète de son côté s’était assurée que les droits du roi de Prusse ne pourraient avoir de conséquences contraires à la souveraineté de la Confédération et avait le 17 mai recommandé aux cantons l’adoption de ce nouveau canton.1

Le 18 juin 1814, le roi de Prusse accordait à la principauté, sous forme de déclaration royale, une constitution de caractère monarchique qui établissait un régime d’union personnelle entre le souverain et la principauté, non intégrée à l’Etat prussien. Le pays était régi par l’intermédiaire d’un gouverneur désigné par le roi qui nommait également tous les fonctionnaires civils et militaires, choisis uniquement parmi les Neuchâtelois. La constitution, qui rétablissait les privilèges de l’aristocratie neuchâteloise très jalouse de ses prérogatives, mais garantissait un certain nombre de libertés fondamentales, mentionnait également l’union avec la Confédération.2

Il est évident que même si cette constitution cantonale n’était pas du tout en harmonie avec celles des autres cantons, Capodistrias et

1. W. Martin, op. cit., p. 407.

2. Dierauer, op. cit., t. V, 2e partie, p. 422-423.

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Schraut ne pouvaient intervenir contre le roi de Prusse, allié de leurs propres souverains, pas plus que contre de Chambrier, leur collègue. D’où leur silence prudent.

Le 12 septembre 1814, la Diète décréta l’admission de Neuchâtel comme partie intégrante de la Confédération, en même temps que celle du Valais et de Genève. La solution neuchâteloise ne pouvait être viable à la longue. Elle déboucha sur une crise très grave entre royalistes et républicains, qui faillit provoquer en 1857 une guerre entre la Prusse et la Confédération et aboutit à la renonciation par le roi de Prusse à ses droits. Neuchâtel devint dès lors un canton comme les autres.

Travaux de la Diète

Tensions entre Berne et ses anciens sujets

A côté de ce long et patient travail sur les constitutions cantonales, Capodistrias reste très préoccupé au cours de cet été 1814 par la question de l’adoption du projet de Pacte fédéral. On se souvient que le 31 mai, la Diète avait envoyé ce projet dans chaque canton, avec une circulaire où elle demandait que chaque Etat se prononce avant le 11 juillet sur l’acceptation ou le refus du projet.1

La Diète s’était ajournée le 4 juillet et ne reprit ses travaux que le 18. On s’aperçut alors que seuls sept cantons et demi acceptaient le projet du Pacte: Zurich, Bâle, Appenzell-Rhodes Extérieures et les cinq nouveaux cantons: Saint-Gall, Thurgovie, Argovie, Vaud, Tessin; Berne et Nidwald (un canton et demi) rejetaient tout le projet, d’autres demandaient des modifications importantes. Enfin, trois cantons et demi, soit Schwytz, Zoug, Schaffhouse et Appenzell-Rhodes Intérieures, n’avaient pas envoyé leurs députés. Les causes de mécontentement les plus fréquentes étaient des prétentions territoriales non satisfaites et l’obligation de soumettre leurs constitutions à l’approbation de la Diète (et indirectement à celle des ministres). La Diète décide de faire examiner les votes par le biais d’une commission, qui cherchera à rapprocher les cantons et invitera les Etats absents à envoyer au plus tôt leurs députés à la Diète.2

En fait, l’attitude intransigeante de Berne et la déclaration fracassante qu’elle avait faite quelques jours auparavant allaient jeter de l’huile sur le feu et conduire la Confédération au bord de la rupture.

1. v. supra, p. 134.

2. AEG, Conf. B.l, p. 9, séance du 18 juillet 1814.

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A vrai dire, dès le début du mois de juillet, Capodistrias est prévenu par les lettres de Herzog et de Monod1 que les Bernois faisaient des préparatifs militaires (entraînement de soldats, achat d’armes et de munitions) qui les inquiètent. Pour parer à toute éventualité, les chefs militaires des deux cantons menacés se concertent dans une conférence à Aarau au début du mois d’août. Mesure purement défensive, affirme Monod.2

Entre-temps, la situation avait empiré sur le plan politique. En effet, le Grand Conseil de Berne avait publié (en français), daté du 7-8 juillet 1814, un décret «exposant les motifs pour lesquels il ne peut ratifier le projet de pacte fédéral»,3 avec un exposé très clair de ses prétentions territoriales:

Deux parties du territoire bernois, les plus belles de celles qui le composaient, en ont été détachées.

I. La plus grande, la plus populeuse et la plus opulente de ces parties détachées, le Pays de Vaud, trouve peut-être dans la différence de la langue, de celle des lois et du caractère national des motifs pour désirer d’être indépendante. Berne eût été disposé et l’est encore aujourd’hui, si la réunion pouvait avoir lieu, d’accorder au Pays de Vaud les mêmes avantages politiques qu’il offre à l’Argovie; mais puisque les circonstances et le vœu général de ses anciens confédérés paraissent exiger de Berne le sacrifice de la séparation du Pays de Vaud, le conseil souverain de la ville et république de Berne se déclare disposé à prononcer et à reconnaître pour toujours l’indépendance de cette contrée à des conditions équitables, qui seraient stipulées dans un traité d’une utilité réciproque.

II. L’Argovie bernoise se trouve dans une situation différente; les mêmes motifs n’existent point ici, et l’attachement indubitable de la grande partie de ses habitants impose au conseil souverain de la république de Berne le devoir de ne pas y renoncer. Il déclare ici les conditions qu’il lui assure et qui paraissent propres à rendre cette réunion cordiale et solide.

Suivait la proposition d’un statut politique bien défini pour l’Argovie. Au point III, Berne renonçait solennellement à toute prétention sur les autres anciens bailliages communs. Par la suite, le gouvernement ber-

1. STAATSARCHIV, Aarau, brouillon de lettre de Herzog à Capodistrias, 2 juillet 1814. BCU, brouillon de lettre de Monod à Capodistrias, 1er juillet 1814, publié dans Monod, op. cit., t. II, p. 374-375.

2. Monod, op. cit., p. 263.

3. STAATSARCHIV, Berne, Akten des Geheimen Raths, Band I. Publié par A Miéville, op. cit., p. 73-75.

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nois allait réclamer du canton de Vaud, en échange de la reconnaissance de sa liberté, une indemnité de plusieurs millions de francs pour les dépenses faites pendant trois siècles dans le pays.

Cette déclaration fut confirmée par les députés bernois dans la séance d’ouverture de la Diète le 18 juillet, après qu’une tentative de conciliation organisée chez Schraut entre eux et les ministres, le 13 juillet, eut échoué.1 On devine le tollé provoqué par la déclaration et c’est une véritable guerre de pamphlets et de libelles qui s’engage entre les parties pendant tout l’été.

Au niveau officiel, le gouvernement argovien justifie son point de vue et défend sa liberté dans une longue contre-déclaration datée d’Aarau, le 21 juillet. Le gouvernement vaudois agit de même le 24 et les deux cantons firent inscrire leur protestation contre la déclaration bernoise au protocole de la Diète du 28 juillet.2

Nous ne connaissons la réaction de Capodistrias à la déclaration bernoise que par le rapport, évidemment peu objectif, de Monod au Petit Conseil vaudois:3 «(Monod) avise qu’il parait que Mr le Comte de Capo d’Istria prépare une note à la Diète au sujet de la proclamation de Berne du 15e du courant, comme compromettant Son maitre, et qu’il annoncerait dans cette note qu’il se retire et va attendre les ordres de l’Empereur à ce sujet.» La note en question ne fut finalement pas remise. Peut-être est-ce dû en partie à l’épisode extrêmement fâcheux que Monod rapporte en ces termes:4

La violation connue du secret des lettres qui passaient à Berne obligeait, toutes les fois qu’on avait des communications importantes à se faire, à employer la voie des courriers extraordinaires. J’en avait reçu un du Petit Conseil. Je profitai du retour pour lui faire part dans le plus grand détail de tout ce qui nous intéressait, de ce qui se passait, et de ce qu’il me semblait qu’il y avait à faire dans les circonstances selon les futurs contingents. Comptant sur la sûreté de ma dépêche, je parlais avec le plus grand abandon, et comme j’aurais pu le faire en Conseil même. J’ai quelque honte de le dire, MM. de Berne n’en eurent pâs à arrêter le courrier, à lui prendre ses lettres cachetées du sceau de la députation de Vaud, adressées à son gouvernement, à les ouvrir, à en tirer copie, puis à les recacheter et les renvoyer

1. W. Martin, op. cit., p. 395.

2. AEG, Conf. B., p. 10, séance du 28 juillet. La déclaration argovienne est imprimée dans A. Miéville, op. cit., p. 81-86; celle de Vaud, ibidem, p. 76-80.

3. ACV, Rég. des Délib. du Petit Conseil, p. 288, séance du 22 juillet 1814.

4. Monod, op. cit., t. II, p. 264.

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au Conseil comme s’ils les avaient laissées intactes, prétendant une méprise qui, ayant rendu le messager suspect, avait obligé de l’arrêter et même de l’emprisonner.

Il est précisé ailleurs1 que «Monod n’avait pas utilisé, ce jour-là, l’encre sympathique à laquelle il avait été convenu de recourir pour traiter de certains objets. Les pages écrites à l’encre sympathique se trouvent parfois à l’intérieur de la correpsondance même des députés, parfois à l’intérieur de lettres fantaisistes sans rapport visible avec la députation ou le Petit Conseil».

Capodistrias se trouvait fâcheusement compromis par le passage suivant de la lettre de Monod, et ses relations avec les Bernois en furent encore détériorées:2

Maintenant je viens à ce qui se passe ici, et ceci doit sans doute rester dans le plus profond secret. Etant avant-hier chez le comte de Capo d’Istria à parler de nos affaires, il finit par me dire que M. de Schraut s’occupait d’une note à envoyer à la Diète pour l’aviser que, puisque les Bernois se permettaient des déclarations absolument contraires à celles qui avaient été faites de la part des Puissances, les ministres de celles-ci n’étaient plus dans le cas de communiquer avec elle, qu’en conséquence ils allaient cesser toute relation jusqu’à ce qu’ils eussent reçu à ce sujet les ordres de leurs souverains. Il ajouta qu’il attendait de voir cette note pour savoir s’il la signerait, et me demanda ce que je pensais qu’il en résulterait. Je répondis que je ne savais trop qu’en dire sans y avoir réfléchi, que peut-être entraînerait-elle la dissolution de la Diète. Alors il me dit: «Mais croyez-vous que cela ne montera pas les campagnes des cantons de Berne, Soleure et Fribourg? Il semble que cela devrait être»; puis, sans trop entrer en matière, je dus conclure de ses propos qu’il regardait cela comme un moyen de finir et de mettre ces gouvernements récalcitrants en l’air. J’avoue que si ceci m’était venu d’un autre ministre, j’aurais cru qu’on désirait le trouble pour avoir un prétexte d’entrer; de la part de celui-là, il est impossible que ce soit l’idée, et il me parut évident qu’ayant toujours cru pouvoir amener les choses à une conciliation, soit par promesses, soit par menaces, l’ayant peut-être promis à son maître, voyant qu’il s’était trompé, il ne voyait plus que le moyen en question pour se tirer d’affaires. Quoi qu’il en soit, vous comprendrez aisément, Citoyens Collègues, que cette insinuation dut m’étonner, et sans disconvenir que le résultat dont il parlait ne pût avoir lieu, j’observai seulement

1. ibidem, p. 371.

2. ibidem, p. 381. Lettre de Monod au Petit Conseil, datée de Zurich, 24 juillet 1814.

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Αναζήτηση λέξεων και φράσεων εντός του βιβλίου: Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
Αποτελέσματα αναζήτησης
    Σελίδα: 211

    Lecture faite dans le Conseil Provisoire du Projet d’Edit de Gouvernement qui lui a été présenté par une Commission de Son Corps, après en avoir délibéré avec maturité et lui avoir fait subir diverses modifications qui lui ont paru convenables, l’avis en deux tours a été de l’approuver comme étant propre à assurer le bonheur de la République, et de le soumettre aux suffrages des Genevois qui à la date du 15 avril 1798 avoient le droit de voter en Conseil Général, ainsi que des Genevois âgés de 24 ans issus de Père ou d’Ancêtre ayant ce droit. En conséquence les Genevois seront convoqués aux jours et au lieu déterminés par une publication spéciale pour approuver ou rejeter le projet susmentionné.

    Le Conseil se hâte de faire imprimer le rapport et le projet, mais exige dans l’intervalle un secret absolu sur la teneur des documents. Pourtant, un des conseillers, le régent Alexandre Couronne, proteste d’emblée auprès de Des Arts et s’élève contre le régime censitaire contraire aux traditions genevoises:1

    [...] Et sur qui tombera l’exclusion projetée? Elle tombera en grande partie sur d’anciens citoyens, qui vivant avec économie du travail de leurs mains, ne paient de taxes apparentes que la somme de 5 à 6 fr. de France, mais paient par leurs vertus et leur moralité une contribution bien plus propre que quelques écus à assurer à notre République renaissante la tranquillité et le bonheur.

    Dès que la constitution fut imprimée, le Conseil fit une proclamation qui en recommandait l’acceptation. L’agrégation de Genève à la Suisse en dépendait et toute opposition, toute réticence aurait les plus fâcheux effets. La déclaration était faite au nom des syndics et du Conseil, datée du 15 août et signée par Schmidtmeyer, l’un des deux députés à la Diète. On remarquera l’habileté des magistrats qui demandent à l’ensemble des citoyens d’entériner la disparition du Conseil Général; alors que dans les autres cantons, seul le Conseil se prononça sur la constitution.

    Dès le 17, le projet de la constitution fut distribué aux citoyens, qui sont appelés à voter par quartier du 22 au 24 août. 2444 d’entre eux approuvèrent le projet, 334 le rejetèrent; mais si l’on considère que 6000 citoyens environ pouvaient se prononcer sur la question, on peut penser que le fort nombre d’abstentions est en fait une opposition larvée. Ce n’est évidemment pas de cette façon que la chose est présentée aux ministres. Le registre consigne:2

    1. Fr. Ruchon, op. cit., p. 50.

    2. AEG, R.C. 1814, p. 375-376.