Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄

Τίτλος:Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
 
Τόπος έκδοσης:Κέρκυρα
 
Εκδότης:Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών
 
Συντελεστές:Κώστας Δαφνής
 
Έτος έκδοσης:1984
 
Σελίδες:364
 
Θέμα:Ο Καποδίστριας στην Ελβετία
 
Τοπική κάλυψη:Ελβετία
 
Χρονική κάλυψη:1813-1814
 
Περίληψη:O τέταρτος τόμος του ΑΡΧΕΙΟΥ ΚΑΠΟΔΙΣΤΡΙΑ καλύπτει, την αποστολή του Καποδίστρια στην Ελβετία το 1813-1814, που είχε για στόχο την απόσπασή της από τη γαλλική κηδεμονία και την ενότητα και ειρήνευση της χώρας, που θα εξασφάλιζε ένα Σύνταγμα κοινής αποδοχής. Ο Καποδίστριας πέτυχε στην αποστολή του αυτή και η επιτυχία απέσπασε την εκτίμηση και την εμπιστοσύνη του Αυτοκράτορα της Ρωσίας και άνοιξε το δρόμο για τη μετέπειτα λαμπρή σταδιοδρομία του.
 
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Monsieur le Comte Capodistria

(Sa Majesté l’Empereur a daigné vous communiquer de vive voix ses) je vous ai communiqué mes intentions, relativement à la Suisse, avant votre premier départ pour ce pays et à présent que vous allés vous y rendre pour y remplir une mission importante. Dans la pièce ci jointe vous trouverez une instruction qui est commune au Chev. de Lebzeltern et à vous et d’après laquelle vous réglerez en Suisse vos démarches officielles. (Sa Majesté Impériale cependant) Je désire cependant que vous ayez par écrit les instruction verbales qu’(Elle) je vous ai données. Elles sont consignées dans les articles suivants: 1° (Sa Majesté voulait) Mon intention a été constamment de laisser la Suisse en repos, de respecter sa neutralité et de ne point toucher à sa constitution actuelle. (Elle était) J’étais dans la ferme conviction que (ses) mes vues (libérales et bienfaisantes)1 auraient été respectées et que les opérations militaires n’auraient dans aucun cas, nécessité ni la violation du territoire suisse, ni aucune mesure tendante à produire des changements dans la constitution de ce pays. Vous n’ignorez pas la suite des événements et des résolutions précipitées que le ministère autrichien a pris à mon insu et qui amenèrent l’armée (autrichienne) en Suisse, ainsi que la Révolution de Berne. Dans cet état de choses, (l’Empereur s’est) je me suis trouvé dans la pénible alternative ou de tenir fermement à (Ses) mes principes (libéraux) et faire naître par là une divergence d’opinions qui (était) serait très nuisible aux intérêts de l’Europe, ou d’admettre des modifications dans (Ses) mes principes à l’égard de la Suisse, dans le but de préserver cette nation d’une guerre civile ou du malheur de l’étouffer en abandonnant son sort à la seule protection de l’Autriche.

En considérant que cette Puissance s’était déjà ouvertement déclarée pour le Patriciat de Berne, et voyant que le parti modéré et par conséquent la grande majorité du peuple suisse restait isolée et victime peut-être d’une fausse politique, (Sa Majesté s’est) je me suis décidé à consentir que l’ordre se rétablisse en Suisse avec mon intervention.

2° Vos instructions combinées avec le Cabinet autrichien vous mettent à même de travailler à cette œuvre importante, d’après (les) mes principes (de Sa Majesté). Vous ne vous en écarterez dans aucun cas, surtout lorsqu’il s’agira de faire décider à la nation suisse du sort des nouveaux cantons et de celui du peuple. (Sa Majesté ne voudra jamais) Mon intention est de ne point intervenir dans (aucunes) des décisions qui puissent porter la moindre atteinte aux droits de la majorité. (Elle veut) Je veux que le bonheur de la Suisse dérive de celui de tous les ordres de ce pays

1. Notons que les deux adjectifs typiquement «capodistriens» ont été supprimés par l’empereur.

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et de tous les cantons. (Elle) Je n’admets aucune ancienne institution contraire à ces principes et à ces vues.

3° (Sa Majesté) Je vous ordonne conséquemment de vous mettre en relation avec les personnes les moins intéressées à l’ancien système politique de la Suisse; vous les écouterez et c’est d’après leurs opinions que vous réglerez les vôtres sur tout ce qui concernera les intérêts des nouveaux cantons. Vous m’en rendrez compte (à l’Empereur), par des rapports que vous m’adresserez directement (à Sa Majesté).

4° (L’Empereur) Je vous engage à faire apprécier aux hommes bien pensants de la Suisse la part (l’importance de ses bienfaits) que je prends au bonheur véritable de leur pays. (Sa Majesté) Je veux que la Suisse soit à elle-même et que sa tranquillité intérieure ainsi que son indépendance politique ne dépendent que de la stabilité de sa constitution. Fondée sur la justice, sanctionnée par le consentement de toute la nation, protégée et garantie par toutes les Puissances de l’Europe, elle sera ferme et inébranlable.

5° Vous aurez auprès de vous des courriers, un secrétaire, un chiffre. Par ces moyens votre correspondance sera libre et (l’Empereur sera) je serai à même de juger de la marche des affaires et de l’éxecution de (Ses) mes ordres.

Parallèlement Capodistrias rédigeait en des termes plus modérés et prudents un projet d’instructions du tsar à Lebzeltern et à lui-même;1 et, portant la mention «à Frybourg le ... Décembre 1813», un projet de note au Landamman2 qui sera textuellement celle remise à Reinhard en date du 1er janvier 1814.3 En obligeant Lebzeltern à contresigner un projet émanant du ministère russe, Capodistrias rendait à son collègue la monnaie de sa pièce. En outre, si l’on considère l’ampleur et l’importance des documents rédigés en si peu de temps par le ministre, on comprend qu’il n’ait pu s’empêcher de mentionner indirectement cette prouesse dans son autobiographie:

(Le tsar:)4 «Mais pouvez-vous en deux fois vingt quatre heures vous entendre avec le ministère autrichien, rédiger les instructions qu’il doit donner à Lebzeltern et à Mr Schraut, préparer vos propres instructions et le rescrit? Il n’y a ici personne auprès de moi qui puisse vous aider...» — «Les Autrichiens, Sire, ne feront aucune difficulté de signer ce que Vous voudrez, et le temps ne me manquera pas...» — «Allez donc — à revoir après demain à onze

1. ibidem, f. 12v-13, ad. no 1063, daté de Frybourg, 17/29 Déc. 1814; W. Martin, op. cit., p. 186-187.

2. ibidem, à la suite, f. 14-15; W. Martin, op. cit, p. 190.

3. Document no 9.

4. Autobiographie, p. 186. Cf. A.I.K., t. I, p. 18.

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heures — et puis si nous n’avions pas fini jusque là, nous travaillerons encore dans la soirée.»

Convention du 29 décembre 1813

Sur le plan fédéral, cette dernière décade de décembre avait été aussi très chargée. A la nouvelle de l’invasion, Reinhard avait convoqué à Zurich une Diète extraordinaire. Dès le 27 décembre, douze cantons y sont représentés; cinq cantons n’ont pas répondu à l’appel — il s’agit de Berne, Soleure, Unterwald, des Grisons et du Tessin.

Des conférences ont lieu réunissant tantôt tous les délégués présents à Zurich, tantôt seulement les représentants des XIII anciens cantons (dix présents). Ce furent ces derniers qui, réunis le 29 décembre dans la demeure privée de Reinhard, décidèrent de se constituer en Assemblée fédérale, abrogeant ainsi l’Acte de Médiation, et arrêtèrent les articles de la Convention du 29 décembre 1813 qui tint lieu de constitution à la Confédération jusqu’à l’adoption du Pacte fédéral de 1815.

Reinhard communique le jour même cette convention au chevalier de Lebzeltern,1 en l’absence de Capodistrias qui ne revint du quartier général que le 31 décembre. Dans les jours suivants, tous les cantons — nouveaux ou anciens — la ratifièrent, de plus ou moins bonne grâce, à l’exception des Grisons qui hésitaient à ce moment-là à faire sécession de la Confédération, et de Berne qui ne pouvait admettre que l’existence des cantons d’Argo vie et de Vaud ait été implicitement reconnue.

D’après l’Acte de Médiation, la Diète aurait dû se transporter à Lucerne le 1er janvier 1814, et le landamman Büttimann remplacer Reinhard comme landamman de la Suisse. Mais pour des raisons de commodité — et peut-être aussi parce que l’on se méfiait tant en Suisse qu’au quartier général des opinions politiques de Büttimann, fort fluctuantes au cours des années précédentes, Lebzeltern et Capodistrias demandèrent, au nom de leurs gouvernements, que Zurich restât provisoirement Vorort de la Suisse et Reinhard à la tête de la Confédération, ce qui fut accordé.

1. Abschied 1813-1814, p. 34-35, lettre de Reinhard à Lebzeltern, Zurich, 29 décembre 1813, et réponse de ce dernier du même jour (ARCHIVES FÉDÉRALES, KE no 574, f. 44-45).

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Seconde note des Puissances alliées du 1er janvier 1814

De retour du quartier général, le ministre russe transmettait le 31 décembre au landamman Reinhard un paquet de lettres et lui demandait une entrevue pour le lendemain (Document n° 8). Le 1er janvier 1814, Capodistrias et Lebzeltern lui remettaient solennellement la note rédigée à Fribourg-en-Brisgau, dont les conséquences furent capitales pour la Suisse (Document n° 9). Les représentants des cantons étaient invités à rédiger sans tarder une constitution sanctionnée «par le suffrage de la nation», formule assez vague qui ne résolvait pas la question de savoir si ce serait l’œuvre des XIII ou des XIX cantons. Les Alliés promettaient par contre la restitution des territoires annexés par la France, ce qui était une sorte de dédommagement pour la violation de la neutralité.

Dans ses délibérations du 2 janvier, l’Assemblée décida de tenir dans un premier temps cette note secrète ; mais elle forma tout de même une commission de six membres, sous la présidence du bourgmestre Pfister de Schaffhouse, qui se mit immédiatement à l’œuvre et fut à même de présenter un projet de constitution dans les premiers jours de février.

Le 4 janvier, Reinhard envoyait au nom des députés une réponse officielle avec un programme de travail très clair:1

[...] Ayant prononcé par la convention du 29 décembre la dissolution des rapports fondés sur l’acte de médiation, l’Assemblée des députés des cantons, placée dans une position impartiale entre l’ordre de choses ancien et celui qui finit, désire de voir ressortir les bases du nouveau code fédéral des principes simples et féconds, approuvés déjà par la grande majorité des cantons, et auxquels l’on espère de voir bientôt se rallier les autres.

Ce code fédéral, dans lequel doivent résider l’union et l’indépendance de la Suisse, est le travail dont la Diète aura essentiellement vocation de s’occuper; celui des constitutions particulières rentre dans la compétence cantonale, sauf l’impulsion de la Diète en tant qu’elle pourrait être utile, et la garantie qui résulte nécessairement du lien fédéral.

On remarquera que chaque canton est invité à rédiger sa propre constitution, ce qui sera réalisé dans des laps de temps très variables et souvent après plusieurs injonctions comminatoires de Capodistrias.

1. Abschied, 1813-1814, p. 39.

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Troubles civils en Suisse Rapport de Capodistrias au tsar

L’activité intense que déploie Capodistrias dès son retour du quartier général jusqu’à sa visite à Alexandre à Bâle le 16 janvier peut être retracée grâce à un certain nombre de documents.

Lebzeltern et Capodistrias ont signé conjointement un rapport à Metternich en date du 8 janvier, où ils mentionnent pour la première fois qu’ils ont proposé aux Bernois une transaction qui est en fait la solution à laquelle on aboutira plusieurs mois plus tard: Berne renoncerait définitivement à ses droits sur les cantons d’Argovie et de Vaud, mais recevrait des compensations territoriales sur les pays attribués à la Suisse lors de la paix générale.1

Capodistrias utilise alors pour la première fois l’autorisation que l’empereur lui a accordée de correspondre directement avec lui, et cette lettre du 8 janvier est trop importante pour ne pas être reproduite ici:2

Zurich, le 27 décembre/8 janvier 1814.

Sire. M. de Stürler m’a remis, la lettre que v. m. i. a daigné m’écrire.3 Le conseiller Monod a reçu celle qu’y était annexée pour La Harpe. Elle va le rejoindre — on le suppose en voyage.

La Suisse est tranquillisée sur son sort, et bénit le nom auguste de v. m.

Une députation composée du landamman Reinhard, et d’autres membres de la diète demande la grâce de porter à vos pieds, Sire, l’hommage de la reconnaissance respectueuse de leur patrie. Cette députation voulait venir à la rencontre de v. m. i. à Schaffhouse, j’ai détourné cette idée. Lebzeltern en a été enchanté.

J’ose observer à v. m., qu’il serait très utile, qu’elle accordât

1. W. Martin, op. cit., p. 193.

2. Politique étrangère de la Russie, t. VII, p. 532-534. AEG, ms hist. 45, f. 5, n° 1031 (résumé).

3. Il s’agit probablement de Ludwig-Niklaus von Stürler, né en 1784, aide de camp de l’empereur Nicolas Ier, colonel et commandant du régiment des grenadiers de la garde, mort en 1825 lors de la révolution décabriste à Saint-Pétersbourg (DHBS, t. VI, no 31, p. 400). — Aux Archives d’Etat de Genève, ms hist. 45, f. 15, no 1064, il existe un «Projet d’une dépêche secrète au Comte Capodistrias. Aprouvé Fribourg 22 décembre/3 janvier 1813/1814» concernant une entrevue du général Wattenwyl et du prince de Metternich à Bâle le 20 décembre/ier janvier et informant le comte du désaveu officiel de Senft rappelé de Berne avec ordre de demeurer à Constance. Suit l’ordre au secrétaire de Nesselrode: «Voici la dépêche à Capodistrias avec quelques aditions. Copiez la tout de suite. Mr Stürler étant tout prêt à partir, il ira se présenter chez vous. Expédiez le le plus tôt possible.»

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à ces députés une audience. Un mot de v. m. i. à'ces magistrats qui possèdent la confiance de leurs concitoyens aplanira tous les obstacles que je rencontre à chaque pas.

Ces obstacles sont exposés dans la pièce ci-jointe. Je prends la liberté de prier instamment v. m. de me faire parvenir ses ordres sur les différents points que j’y ai marqués.

L’Autriche avait et a toujours une arrière-pensée relativement aux affaires de la Suisse. Les Bernois ont entraîné le prince Metternich à se prononcer ouvertement. C’est encore pour le bonheur de la Suisse. Nous sommes par là à même d’en profiter pour le bien-être de ce pays et pour les intérêts du service de v. m. i.

C’est dans ce sens que je dirige mon travail. Il est très pénible, car je dois dans chaque circonstance m’emparer de l’esprit et de la plume de mon collègue: jusqu’à présent je me flatte d’y avoir réussi.

M. Stürler fait une course à Berne, en Argovie dans le pays de Vaud, sous le prétexte de voir ses parents. Je l’ai mis en état de faire utilement ce voyage et j’espère d’en retirer quelque profit. J’en rendrait compte à v. m. par le même M. Stürler.

Je suis. . .

Le Comte Capodistrias

Mémoire pour sa majesté impériale

Question bernoise

Berne a des droits de propriété sur Vaud et sur l’Argovie. Elle a incorporé ces cantons sous les auspices de l’Autriche. Elle y renoncera pour le moment si l’Autriche l’exige. Mais ce ne sera que pour faire valoir ces droits lorsque l’Autriche pourra les soutenir sans compromettre des intérêts majeurs. L’Autriche veut une prépondérance en Suisse. Il importe conséquemment aux intérêts de ce pays et à ceux de v. m. i. que l’Autriche consente à ce que la question de Berne soit sans délai décidée définitivement.

Cette conviction basée sur l’opinion des hommes les mieux pensants de la Suisse m’a engagé à proposer un projet de conciliation.

Un acte d’autorité assoupirait pour le moment les prétentions et les droits incontestables de Berne. Il faut faire tomber les unes en rendant justice aux autres. J’ai donc proposé, que Berne renonce par une transaction solennelle à l’incorporation de Vaud et de l’Argovie, et que la diète lui accorde une juste compensation sur des pays que la paix générale fera rendre à la Suisse et sur quelques communes prises sur l’Argovie qui sont à sa convenance.

Les nouveaux cantons y consentiraient. La diète serait prête à signer cet arrangement. Beste que les Bernois veuillent l’accorder. V. m. i. pourrait le vouloir. Le travail que j’ai fait à ce sujet et que je transmets au comte de Nesselrode par l’expédition d’au-

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jourd’hui portera le prince de Metternich à ouvrir une discussion ad hoc.

Il est à souhaiter si le prince obtient le consentement de v. m. i. sur mon projet, que cela ne soit pas sans peine.

Grisons

Il y a eu dans ce pays des mouvements soutenus par des paysans à la solde des Salis, employés autrichiens. Ces gens prétendent détacher les Grisons de la Confédération Suisse et en faire une république alliée de l’Autriche.

Lebzeltern m’a fait lire une lettre du prince de Metternich à ce sujet. Dans le fond le prince n’ose pas avouer ni désavouer ces agents. J’ai parlé bien haut, j’ai annoncé la ferme résolution de donner une note solennelle au nom de v. m. i. par laquelle j’aurais déclaré que ces mouvements insurrectionnels n’étaient nullement autorisés par elle. Lebzeltern en a été effrayé. Il a écrit d’une manière satisfaisante au landamman. L’insurrection sera peut-être assoupie.

Pacte fédéral

Deux opinions bien prononcées partagent les membres de la diète sur la forme à donner au gouvernement de la confédération. Les uns prétendent rétablir l’ancienne forme, c’est-à-dire les républiques souveraines de la Suisse du siècle passé. Les autres veulent conserver la forme actuelle avec quelques modifications.

Adopter ce qui a existé une fois ce serait vouloir l’anarchie de la Suisse. Ce serait livrer ce pays à la France et à l’Autriche et creuser son tombeau.

Il est de la plus grande urgence que v. m. i. me fasse parvenir ses ordres à ce sujet, et que je reçoive des instructions positives et accordées avec celles que Lebzeltern recevra.

Organisation des cantons

J’ai fait adopter pour principe de la nouvelle organisation des cantons:

1. qu’on ne reconnaîtra aucune caste privilégiée;

2. que la caste des gouvernants sera composée des plus grands propriétaires, des hommes qui jouissent par leur moralité et par leurs lumières de la confiance générale.

Il suit de là que le peuple n’est point exclu du droit de parvenir au gouvernement et que l’ancienne noblesse n’est pas écrasée.

Ce système sera exécuté aisément dans plusieurs cantons. Lucerne, Argovie, le Tésin présentent des difficultés. Pour les aplanir sans que l’ancienne aristocratie abuse de la circonstance ou que les démocrates s’abandonnent à des excès je demande à v. m. i. l’autorisation de me rendre sur les lieux et dans le cas de besoin de communiquer par écrit à ces cantons les intentions paternelles de v. m. i.

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Importance d’accélérer l’organisation de la Suisse

Dans les républiques on parle beaucoup, on se décide difficilement, et: l’on n’opère qu’avec une grande lenteur.

En Suisse il y a plus. Les partis qui la divisent espèrent chacun de son côté gagner complètement par le temps et les événements le procès qu’ils sont assurés de perdre en grande partie dans ce moment-ci.

La grande majorité ne forme aucun parti. Elle risque pourtant d’être la victime des ambitieux et des intrigants.

Il importe donc de presser le comité central de législation et les cantons, de procéder sans délai à la confection et à la sanction d’un code constitutionnel.

Pour obtenir cet effet j’ai touché une corde qui fait frémir de terreur tous les esprits. J’ai démontré à tous les députés que si la paix générale ne trouve point leur patrie solidement constituée, son indépendance et peut-être même son existence politique seront compromises.

J’ose demander à v. m. i. l’autorisation de donner en cas de besoin, même par écrit, une déclaration dans ce sens.

Il serait très essentiel que v. m. i. daignât faire sentir cette urgence au landamman et à sa députation qui va arriver à Bâle.

Le comte Capodistrias

Quelques remarques s’imposent: Capodistrias tiendra régulièrement l’empereur et le ministère au courant des troubles dans les Grisons; mais il laissera vraisemblablement Lebzeltern intervenir dans une affaire qui dépendait pour beaucoup de l’Autriche. En tout cas, aucun document signé par l’homme d’Etat russe ne figure dans les Archives d’Etat de Coire.

On peut relever également la clause 2 dans l’organisation des cantons. Cette proposition qui privilégie du point de vue politique les grands propriétaires, est constamment reprise au cours des mois suivants par Capodistrias et semble lui tenir particulièrement à cœur, alors que ce type de critère est étranger à la mentalité suisse.

Par contre, pour être si bien renseigné sur la situation helvétique, il a dû fréquenter assidûment ses amis zurichois, en particulier Heinrich Jakob Meister. S’il est difficile de dater avec certitude le billet d’invitation à un dîner (Document n° 10), le Document n° 11 porte la date du 5 janvier et l’on peut supposer que le travail dont Capodistrias a parlé à Meister et dont il aimerait discuter avec lui est précisément ce Mémoire du 8 janvier destiné à l’empereur.

Le 11 janvier, deuxième lettre de Capodistrias à l’empereur Alexan-

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dre,1 d’un ton beaucoup plus alarmiste. A cette lettre est joint un rapport du landamman Monod2 sur les événements de Berne et de Soleure, qui fait ressortir les risques certains de guerre civile. Enfin, par sa lettre du 12 janvier,3 Capodistrias met son souverain au courant du coup d’Etat réactionnaire qui a eu lieu à Soleure et de la présence très active d’émissaires autrichiens dans plusieurs villes suisses.

Les souverains alliés à Bâle

Mission genevoise

Le 13 janvier 1814, les souverains alliés faisaient une entrée solennelle à Bâle, qui devint pour quelques jours le siège du quartier général. Immédiatement, des députations affluent de toutes les parties de la Suisse: députation officielle de la Diète dirigée par Reinhard et Aloys de Beding; députations de cantons aux intérêts souvent contradictoires: celles de Berne, Argovie, Vaud, Soleure, Neuchâtel, Bienne, des Grisons, du Valais et enfin de Genève.

Nous sommes particulièrement bien renseignés sur la mission genevoise composée des conseillers Joseph Des Arts, Saladin de Budé et Charles Pictet de Rochemont.4 Des Arts, qui a joué un rôle actif dans la restauration du gouvernement d’avant la révolution à Genève, est un réactionnaire qui préférerait comme son collègue Saladin de Budé et le syndic Ami Lullin le rétablissement d’une République indépendante à Genève, protégée par ses puissants voisins, la France, la Savoie et Berne, alors que Charles Pictet de Rochemont, comme beaucoup de ses compatriotes, est partisan d’un rapprochement plus marqué avec la Confédération suisse.5

1. Politique étrangère de la Russie, t. VII, p. 541-542 (résumé dans AEG, ms hist. 45, no 1032, n° 2).

2. Monod, op. cit., t. I, p. 187, annexe XXXII.

3. AEG, ms hist. 45, f. 5v, no 1033, no 3, W. Martin, op. cit., p. 194.

4. Voir à ce sujet AEG, R.G. 1814, entre f. 59 et 60: Rapport de Monsieur le Syndic Des Arts fait au nom de la Députation envoyée à Leurs Majestés les Empereurs d’Autriche et de Russie et le Roi de Prusse. Le 29 Janvier 1814. Il existe une autre version de ce rapport dans les Papiers Des Arts, VIII 2. Le rapport utilise pour de larges extraits le journal tenu par Charles Lullin (Archives Lullin, dépôt 1955, carton 4): Journal de la Députation envoyée à Bâle, auprès des Souverains Alliés, et composée de MM. Des Arts syndic, Saladin de Budé, Pictet de Rochemont: députés; Charles L. Lullin, Saladin fils, Louis Pictet, major: attachés. Minute de la main de Mr Ch. Lullin incomplète.

5. Paul Waeber, La formation du canton de Genève, 1814-1816, Genève 1974, p. 74 et sv. Ouvrage le plus récent et le plus fouillé sur la Restauration à Genève.

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A Bâle, Des Arts et Saladin fréquenteront un peu les Bernois, avec lesquels ils partagent la crainte du «péril jacobin» que présente le Pays de Vaud pour ses voisins, mais plus encore les députations du Valais et des Grisons — Des Arts voit à deux reprises le comte de Salis ! — qui, elles aussi, cherchent à obtenir pour leurs patries le statut de républiques indépendantes alliées de la Confédération.

Pour sa part, Pictet de Rochemont avait rendu visite en cours de route à son ami le pédagogue et agronome bernois Philippe-Emmanuel de Feilenberg à Hofwil près de Berne, qui lui avait donné une lettre de recommandation pour le baron de Stein1 — et non pour Capodistrias qu’il ne devait pas encore connaître. Le 10 janvier, Pictet de Bochemont, qui profitera d’ailleurs de chaque occasion de rencontre avec les Busses haut placés pour parler de ses établissements d’élevage de moutons près d’Odessa — c’est un sujet que nous retrouverons dans plusieurs de ses lettres à Capodistrias dans les années suivantes —, Pictet a une première entrevue avec Stein, qui le charge de la rédaction d’un mémoire sur la question genevoise; Stein l’encourage à revendiquer hardiment les territoires qui pourraient permettre à Genève de former un canton digne de ce nom et accolé à la Suisse. En fait, les Alliés sont préoccupés, beaucoup plus que des intérêts de la République de Genève, de donner à la Confédération une frontière occidentale viable qu’elle pourrait défendre contre son puissant voisin.

Ce mémoire est remis deux jours plus tard à Stein, en même temps qu’un mémoire de Des Arts sur la même question, qui fait apparaître très clairement les divergences de vue de la députation. En fait, pour que la politique genevoise devienne cohérente, il faut attendre le Con-

1. ibidem, p. 81. Dans une lettre du 2 janvier 1814 à Pictet, Feilenberg écrit: «Le ministre de Stein est notre homme par excellence». Si l’on se réfère à l’ouvrage fondamental de Kurt Guggisberg, Philipp Emanuel von Fellenberg und sein Erziehungsstaat, 2 vol., Berne 1953, dont nous tirerons la plupart des renseignements sur Fellenberg (ici t. II, p. 324 et sv.), nous pouvons constater qu’à côté de ses activités pédagogiques, Fellenberg s’est préoccupé de questions politiques au cours de cette courte période de la Restauration. Il semble s’être rendu au Q.G. de Fribourg-en-Brisgau pour exposer aux Alliés la situation dramatique de la Suisse, et avoir obtenu des entrevues auprès de Metternich, Stein et Humboldt. Dans une lettre du 30 décembre 1813 au landamman Reinhard, il révèle qu’il est «au mieux» avec les ministres Humboldt et von Stein, d’où le conseil donné quelques jours plus tard à Pictet de s’adresser de préférence à Stein, qui malheureusement devait tomber en disgrâce peu après. L’entrevue avec Metternich paraît avoir été plus laborieuse. Ce même 30 décembre, Fellenberg aurait écrit une lettre à Capodistrias au sujet des décisions à prendre dans l’immédiat, lettre que malheureusement nous n’avons pas pu repérer.

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grès de Paris à la fin du mois de mai, où Pictet représente seul les intérêts genevois et reçoit, un peu tardivement il est vrai, les excellents conseils de Capodistrias. Alors que Pictet est malade, Des Arts et Saladin ont une entrevue le 14 avec Metternich, auquel ils remettent les deux mémoires et qui semble bien disposé à l’égard de Genève, puis un bref entretien avec Nesselrode.

Le 16 janvier, ils sont reçus avec Pictet rétabli, d’abord par l’empereur d’Autriche, puis par le tsar de Russie qui leur fait une beaucoup plus forte impression. Au discours un peu conventionnel et flagorneur de Des Arts, Alexandre répond de façon précise et positive, après avoir rappelé, comme il le fera devant presque toutes les députations, ce qu’il doit à son précepteur de La Harpe:1 «Je n’ ai pas oublié que je dois les premiers Elemens de mon éducation à un Suisse, je ne l’oublierai jamais».

Dernier contact de la députation avec Fellenberg:2 «L’avant-veille de notre départ, Mr de Fellemberg revenant d’auprès de S.M. l’Empereur de Russie et de Mr le baron de Stein, informa Mr Pictet qu’il y avoit un projet de faire de la Suisse une confédération formidable». En outre Pictet est invité à accompagner Stein en France en qualité de secrétaire général de l’administration des régions conquises. Vivement encouragé par ses collègues, il acceptera et suivra la quartier général jusqu’à Chaumont. On remarquera que si les Genevois ont vu Stein, Nesselrode et Lebzeltern sur lequel Des Arts porte un jugement particulièrement favorable, ils n’ont eu aucun contact avec Capodistrias, arrivé très tardivement à Bâle, le 15 ou 16 janvier seulement.

Si l’on revient aux entrevues que les autres députations suisses ont avec les souverains, il apparaît clairement que le tsar, par sa forte personnalité et la mesure de ses propos, a exercé une influence prépondérante: fermeté absolue avec les députés bernois; injonction aux députés de la Diète à terminer au plus tôt leur organisation intérieure; et à ceux des Grisons de rester suisses; protection formelle accordée aux députés de l’Argovie et du Pays de Vaud.

Pour des raisons obscures, Capodistrias avait été convoqué assez tardivement à Bâle (Document n° 12), où il reçut des instructions très précises. En effet, à la députation suisse le 15 janvier, Alexandre explique:3 «J’ai fait venir le Comte de Capodistria ici, tant pour lui con-

1. AEG, R.C. 1814, f. 5; Papiers Des Arts, VIII 2, f. 12.

2. AEG, R.C. 1814, f. 6^; Papiers Des Arts, VIII 2, f. 17.

3. Abschied 1813-1814, p. 49.

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firmer ses instructions à cet égard [au sujet de la constitution et du gouvernement], que pour que, pendant que vous êtes encore ici, on puisse convenir des moyens de terminer l’agitation dans laquelle vous vous trouvez, et que vous ne perdiez pas par la continuation de cet état la bonne réputation que votre brave nation s’est acquise à juste titre.» Et le 17 aux Argoviens:1 «Vous pouvez compter que j’insisterai sur l’existence du canton d’Argovie et c’est dans ce sens que je donnerai des instructions à M. Capo d’Istria.»

Ce même jour, semble-t-il, le tsar quitte Bâle, avant les autres souverains, pour rejoindre les armées en France; l’entrevue avec son envoyé en Suisse aura donc été brève, mais les ordres très nets, puisque Capodistrias peut annoncer le 19 janvier déjà une visite au landamman Reinhard où sont discutés probablement les termes de la lettre envoyée conjointement à la Diète par Capodistrias et Lebzeltern, première ingérence importante dans les affaires suisses, lettre dont le ton contraste avec le billet fort aimable que Capodistrias adresse au landamman le 25 janvier 1814 (Documents nos 13, 14 et 16).

C’est à Zurich, chez Lebzeltern, qu’a lieu le 22 janvier la première entrevue, fortuite du reste, entre un Genevois et Capodistrias. L’un des députés genevois, Saladin de Budé, avait fait de Bâle le détour par Zurich, pour rendre une visite officielle au landamman et remettre à Lebzeltern un second mémoire de Pictet sur la question genevoise. Il raconte, dans un bref rapport joint à celui de Des Arts,2 sa visite de la façon suivante:

[...] et enfin rentré dans son Sallon, il [Lebzeltern] m’a présenté à Mr Capo d’Istria Envoyé de Russie avec lequel je me suis entretenu plus d’une heure sur nos affaires, sur nos limites naturelles, l’étendue du territoire que l’on paroissoit vouloir nous donner; je l’ai prié de vouloir bien prendre connoissance de notre 2d Mémoire. Il a ajouté, l’on vous veut du bien de tous côtés, même ici à Zurich, quoiqu’on vous craigne un peu sous un rapport qui vous fait honneur, puisque c’est sur l’ascendant des lumières et des connoissances; Mais Vos Députés étant bien choisis, venant avec les intentions de fraterniser seront bien reçus. Il fait grand cas du Landamman. Il sent tout comme le 1er qu’il faut détruire la Jacobinière du Canton de Vaud, mais c’est une affaire

1. W. Martin, op. cit., p. 201.

2. AEG, R.C. 1814, f. 7T. Rapport de Mr le Conseiller Saladin du 29 janvier 1814, daté de Zurich 22 janvier 1814, copié de la main de Des Arts, cité en partie par P. Waeber, op. cit., p. 94.

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délicate qui se lie avec le Canton de Berne auquel il faut aussi faire entendre raison. On veut à ce qu’il paroit que Berne ait le mérite de reconnoitre l’indépendance des deux Cantons, et obtienne de de [sic] certaines conditions tant pour les propriétés des Bernois sur les Cantons voisins, que pour influer sur la réorganisation de leur Gouvernement, ou enfin pour obtenir quelqu’indemnité. Les 2 Envoyés m’ont paru mettre la plus grande importance à la régénération du Canton de Vaud pour appeler au Gouvernement les grands et riches propriétaires. J’ai fort insisté pour que nos anciens amis de Berne puissent être contens, en raison de leurs pertes inouies par l’Acte de Médiation et pour que le Canton de Vaud put nous offrir Sécurité quant aux principes, et confiance quant aux individus.

Dissidence des cantons aristocratiques

si Lebzeltern et Capodistrias n’avaient pas craint, dans leur lettre du 20 janvier 1814 (Document n° 14), de réclamer que les cantons récalcitrants envoient des délégués dans les huit jours, ils seront loin d’obtenir satisfaction. En effet, le coup d’Etat amorcé à Soleure le 8 janvier s’est consolidé, et le nouveau Conseil mis en place dès le 21 n’hésite pas à rappeler ses députés de l’Assemblée et à demander selon les formes usitées sous l’Ancien Régime la convocation de la Diète des XIII Cantons.1

A Fribourg, c’est légalement que le Grand Conseil à la majorité d’une voix, mais en l’absence de l’avoyer Diesbach, alors à Zurich, vote le 14 janvier l’abrogation de l’Acte de Médiation. Le Grand Conseil de l’Ancien Régime est convoqué et chargé de réviser la constitution et «la mettre en harmonie avec les vues libérales manifestées dans les notes officielles des ministres des Souverains alliés».2 L’avoyer de Diesbach ne pardonnera pas à ses concitoyens ce mode de faire et cela explique probablement le fait qu’il devienne dès les semaines suivantes le plus sûr informateur de Capodistrias sur les affaires fribourgeoises. Dans les archives de la famille Diesbach3 figure un brouillon de quatre pages adressé à «Monsieur le Comte», «En janvier 1814», où l’ancien avoyer s’efforce d’éclairer Capodistrias sur les imbroglios de la politi-

1. Van Muyden, op. cit., p. 81.

2. Van Muyden, op. cit., p. 82.

3. Conservées aux archives cantonales de Fribourg.

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que fribourgeoise. D’emblée, il affirme: «La Commission d’Etat continue a vouloir separer le Canton de Fribourg de la majorité de la Suisse, quoique ce sentiment soit bien loin d’etre partagé par les dix neuf vingtièmes du Canton, qui sont désolés de cette obstination, en faveur de laquelle on n’aperçoit aucun pretextes.» Et il ne cache pas son désarroi devant la mainmise sur le pouvoir par un clan très restreint. Capodistrias lui répondra le 7 février (Document n° 21) en termes conciliants, préoccupé avant tout que la Commission fribourgeoise travaille au plus vite à l’avancement de la constitution cantonale.

Enfin, à Lucerne, les patriciens s’agitent mais doivent faire face à une opposition de la campagne beaucoup mieux organisée. Les deux partis envoient des délégués au landamman Reinhard qui, d’accord avec les ministres alliés, leur propose la formation d’une commission mixte qui s’occuperait de réviser la constitution cantonale et expédierait les affaires courantes.1 Ce projet fut refusé le 19 janvier par le Grand Conseil lucernois, qui en informa les ministres. Leur réaction fut immédiate. Dans une lettre fort concise (Document n° 15), de la main de Lebzeltern, ils expriment leur inquiétude devant ce qu’ils appellent «le premier pas à une révolution» et semblent craindre que Lucerne ne rejoigne le camp de Berne et Soleure; ils prêchent une fois de plus l’esprit de prudence et de conciliation.

Dans les semaines d’intenses délibérations qui suivirent, ils eurent des discussions avec des députés de la campagne lucernoise et ils intervinrent auprès du landamman en leur faveur (Document n° 22). Nous verrons par la suite que l’affaire lucernoise était loin d’être réglée.

Ces cantons — Fribourg et Soleure en tout cas — se sentent encouragés par l’attitude très ferme du gouvernement bernois. A Bâle, la députation bernoise a pu mesurer les divergences de vue entre les Puissances alliées, puisque Castlereagh leur a recommandé de «gagner du temps» et Metternich leur a fait comprendre qu’il ne les abandonnerait pas.2 On comprend dès lors que Lebzeltern, très violemment pris à partie par les aristocrates grisons, ne s’y retrouve pas et que dans un rapport du 31 janvier à son chef, il se plaigne amèrement des complots aristocratiques et mette en quelque sorte Metternich en demeure de s’expliquer. Il termine d’ailleurs ce rapport par un éloge de son collègue:3

1. Van Muyden, op. cit., p. 83.

2. W. Martin, op. cit., p. 203-204.

3. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 312 Varia II, no 25, rapport de Lebzeltern à Metternich du 31 janvier 1814, publié par W. Martin, op. cit., p. 205-206.

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«Le Comte de Capo d’Istria travaille dans le meilleur sens, la preuve en est son silence envers sa Cour sur les complications et les faits que rapporte cette Lettre réservée.» Le Petit Conseil des Grisons enverra en date du 17 février une lettre d’excuses aux ministres d’Autriche et de Russie, mettant ainsi fin à la querelle.1

Relations tendues avec le gouvernement de Berne

Ce même 31 janvier, les deux ministres envoient à Reinhard une note succincte (Document n° 17) lui demandant de retenir la communication de la reponse du gouvernement bernois a la Diete. Le 1er février, ils ont à Zurich une entrevue houleuse avec un membre du gouvernement bernois, Bernhard Ludwig de Murait.2 Ce dernier a rédigé un rapport détaillé de sa mission à Zurich à l’intention du Conseil secret de Berne. Dès son arrivée, il obtint une audience auprès des deux diplomates pour le lendemain à dix heures. En attendant, il reçut la visite du Soleurois Glutz qui le mit au courant de l’état d’esprit qui régnait à Zurich: on y était très monté contre les Bernois et leurs deux acolytes: ...«Que les deux Agents Diplomatiques avoient aussi changé leur ton et que Capo d’Istria lui avoit dit la veille, qu’il faudroit revenir à Soleure de ce qu’on y avoit fait, en ajoutant: Adieu Messieurs les Alliés de Berne !». Le lendemain, dès le début de l’audience, le ton monte entre Lebzeltern et de Murait; Capodistrias semble jouer un rôle modérateur, tout en soutenant son collègue. C’est la question de la revendication bernoise sur l’Argovie qui les divise principalement; il semble que les deux diplomates se sont trop avancés à la fin décembre 1813 et se sont trouvés en contradiction avec la politique de leurs souverains à Bâle, d’où un malaise certain. On en jugera par cet autre extrait du rapport, où de Murait déclare:

[...] que les espérances données le 31 de Décembre par ces Messieurs à Mr de Watteville à l’égard de l’Argovie, ainsi que par Mr le Comte de Capo d’Istria à notre Députation à Basle, à l’appuy des titres les plus sacrés autorisent Berne à revendiquer la restitution de l’Argovie sur lesquels on se relacheroit aussi peu que sur une réunion des treize Cantons. Ces Messieurs me répli-

1. ARCHIVES D’ÉTAT DE COIRE, Protocole du Petit Conseil 1813-1814, no 1110.

2. Bernhard Ludwig von Murait (1777-1858). Rapport figurant dans STAB, Akten des Geheimen Rates, Bd 1. Signé à Berne le 3 février par de Murait et Thurner.

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quèrent en se prévalant de ce que plusieurs Bois et Princes ne seroient point réintégrés dans leurs droits à l’issue de cette guerre et que la question de l’Argovie étoit irrévocablement déterminée par S.M. l’Empereur Alexandre, qui n’étoit point accoutumé à revenir sur un parti une fois pris; que quant à la formation de la Diète on pouvoit avoir eu des torts dans la forme de la résolution du 29e de Décembre mais qu’il n’étoit plus question d’y remédier, qu’ils feroient pour Berne tout ce qui seroit en leur pouvoir, mais qu’une resistance plus longue seroit, non une offense pour la Diète et Mr de Reinhard mais directe pour eux et leur Souverains. Après une longue dissertation sur cet objet, et après avoir écouté et rejetté [aussi bien] toutes les accusations à l’égard de nos intrigues dans les petits Cantons, que les insinuations sur la disposition des esprits de nos ressortissants, Mr de Capo d’Istria conclut en ces termes: «au nom de Dieu faites donc que Vos Députés viennent, et ne provoquez pas, en cherchant à gagner du tems, les esprits des autres Cantons d’avantage contre vous; on vous accordera toutes les indemnisations qui sont en notre pouvoir et il viendra sûrement un tems où l’Autriche, restant votre Voisin, pourra faire revenir sur bien des choses et faire valoir des droits, pour vous procurer ce qu’on ne peut vous accorder aujourd’hui, sans compromettre l’intérêt général.» Mr de Lebzeltern entrevint et dit: «l’Argovie nous appartient, nous pouvons en disposer, nous avions des droits sur les Grisons, mais nous voulons nous mêmes y renoncer en faveur des considérations majeures.»—Après avoir observé à Mr le Chevalier de Lebzeltern que de cette manière on pourroit disposer de toute la Suisse, en faisant valoir toutes les promesses passées et en lui rappellant celle donnée par sa dernière lettre du 26 à l’égard des compensations sur les Cantons d’Argovie et de Vaud et des pays qui se trouvoient à la disposition des Alliés; j’insistois pour savoir quelles seroient ces compensations et si on avoit déjà obtenu sur cet objet l’assentiment des Députés de Vaud et d’Argovie? les Messieurs, en avouant sur le dernier point que non et que cette négociation ne seroit à commencer que lorsque nos Députés seroient présents, commencèrent à nier le sens des différentes espérances qu’ils avoient données. Mr de Capo d’Istria dit: «que des paroles verbales et des lettres confidentielles n’étoient pas des déclarations diplomatiques, que si on vouloit imprimer ce qu’il disoit, qu’il le désavoueroit tout, comme tout ce qu’il venoit de me dire confidentiellement. Mr de Lebzeltern prétendoit s’être déjà répenti de ce qu’il avoit avancé à ce sujet dans sa lettre du 26. Après de nouvelles instances, la réponse à l’égard des compensations fut «qu’on nous procureroit quelques villages du district d’Aarbourg jusqu’à la Wickern, la vallée de Moutiers et l’Erguel, en tout un dédommagement de 15 à 20,000 âmes. Après 2h. de discussion et d’entretien, ces Messieurs se résumèrent, en disant qu’il valoit encore mieux venir et protester à la Diete, que de ne pas y paroître du tout; mais qu’en protestant il falloit se garder

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de donner de l’ombrage aux nouveaux Cantons et plutôt faire des réserves pour des dedommagemens [...].

Je pus facilement me persuader dans cette audience, que ces Messieurs comme Mr Reinhard étoient fortement contrequarrés de nos dernières résolutions, et que malgré qu’ils prétendissent avoir des moyens pour consommer l’ouvrage sans nous, la chose leur étoit presque impossible, vû la resistance des petits Cantons contre la centralité; et j’ai tout lieu de croire qu’ils sont dépourvus et d’instructions et de moyens pour parvenir à leur but et à nous contraindre par des voies coërcitives, et que les seules armes, qu’ils ont contre nous, existent dans des libelles et en recevant et en excitant des remontrances de nos propos [sic] ressortissants.

Je n’eus au reste qu’à me louer de la politesse et prévenance de ces Messieurs, qui me prièrent de les revoir, si je ne retournois pas moi même à Berne, en m’assurant combien ils avoient à cœur de servir ma patrie [...].

Cet entretien est suivi d’une audience chez Reinhard, puis d’une nouvelle entrevue avec Lebzeltern qui, carte en mains, discute des concessions qui pourraient être faites de part et d’autre.

De Murait conclut son rapport assez imprudemment:

Cette Diète, conduite par Mr de Reinhard, sous la direction de MMrs Capo d’Istria et de Lebzeltern, qui la forcent, pour ainsi dire, à rester réunie, languit sans travail, excepté celui que fait la Commission législative [...].

Il paroit indubitable qu’une plus longue absence des 3 Cantons mettra les plus grandes entraves aux projets de Messieurs les Agents Diplomatiques et à la confection du nouveau pacte fédéral, et que cette Diète ephémère sera bientôt forcée de faire place à une assemblée plus légale.

C’est dans cette direction que s’engage résolument le gouvernement bernois. Dans les semaines suivantes, d’autres hommes d’Etat écrivent à Metternich ou à Castlereagh pour défendre les intérêts de leur patrie. Berne est régulièrement informée de ce qui se passe au quartier général et sur le front des armées alliées par le baron neuchâtelois J. P. de Chambrier; et elle se sent assez puissante pour encourager en sous-main toute une série de mouvements locaux dans les cantons des Waldstätten qui se joignent au camp des conservateurs.

Ces intrigues bernoises sont exposées avec clairvoyance par Capodistrias à Alexandre dans le rapport qu’il lui en\roie directement le 3 février 1814:1

1. Politique étrangère de la Russie, t. VII, p. 553-555.

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Sire. Les pièces ci-jointes portent à la connaissance de v. m. i. l’état des affaires en Suisse, ce qu’on peut en préjuger dans l’espoir de les terminer par la voie de la conciliation, et les mesures à prendre dans le cas contraire.

Je prends la liberté de demander à cet égard les ordres de v. m. i. J’ai la conviction la plus positive que le véritable projet de l’Autriche, peut-être même de l’Angleterre, est de paralyser nos opérations. L’une se flatte de faire de la Suisse un pays soumis à ses volontés et à sa politique. L’autre prétend augmenter la prépondérance autrichienne dans le Midi.

Le patriciat de Berne se laisse entraîner; dans une république point de secret et j’aperçois qu’on veut gagner du temps. On veut constituer la Suisse à la paix générale dans l’espoir d’éloigner ainsi l’intervention directe de v. m. i.

A toutes les démarches tortueuses qui résultent de ce projet insensé je n’ai opposé qu’une conduite franche et ouverte. Je tâche de faire sentir aux Suisses leurs véritables intérêts. On m’écoute. Je dirai plus, on m’accorde de la confiance. Hormis quelques têtes à préjugés, quelques hommes à passions vulgaires parmi les patriciens des anciens cantons, toute la Suisse attend son repos et son sort de la protection bienveillante de v. m. i.

Pour atteindre ce but il est important de tirer ce pays de l’état révolutionnaire où l’Autriche l’a jeté et veut le maintenir.

J’ai osé en indiquer les moyens dans la note ci-jointe.

Je suis. . .

Le Comte Capodistrias

Annexe:

Etat des affaires en Suisse

Les anciens cantons aristocratiques, révolutionnés par Berne, et associés à ce gouvernement s’opiniâtrent à ne point prendre part aux travaux de la diète.

Ils se flattent de faire la loi à la Suisse, de favoriser exclusivement leurs intérêts.

Les Grisons malgré les déclarations données par l’Autriche paraissent vouloir suivre cet exemple. Les petits cantons étaient sur le point de se laisser entraîner.

On emploie toutes sortes de prestiges pour leur en imposer, tous les moyens de les corrompre; l’argent même n’a point été épargné.

Isoler Berne et ses adhérents et cimenter par des liens solides l’union des cantons représentés à Zurich, tel a été l’objet de mon travail depuis mon retour de Bâle jusqu’à ce jour.

Je n’ose pas répondre du succès. Les apparences le promettent. L’assemblée de Zurich paraît prendre de la consistance, les Grisons y envoient leurs députés mais sans instructions et Berne elle-même se montre disposée à capituler. Une députation qui nous a été envoyée à cet effet paraît destinée à opérer cette conciliation.

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Je la désire pour ne pas provoquer de mesures violentes. Cependant je les ai fait pressentir. Fellemberg a travaillé avec chaleur, non sans utilité.

Si cette conciliation a lieu, la Suisse sera constituée de manière à laisser à chaque parti le moyen de faire valoir ses droits si à l’avenir une force ou une influence extérieure reproduirait dans ce pays la division et la discorde dans la vue de favoriser un parti et d’écraser l’autre.

C’est dans l’intention d’éloigner cette occasion et ces motifs, c’est pour terminer par une transaction solennelle les prétentions de Berne qu’il est préférable de ne pas contester à sa noblesse le droit de se reconstituer et d’adopter d’elle-même les principes libéraux qui peuvent convenir à sa tranquillité intérieure. En encourageant le peuple du canton de Berne à prendre part directement aux affaires, on renverserait la noblesse, on irriterait l’Autriche, on exciterait des troubles, des vengeances, des réactions. On établirait par le fait une divergence dans les opinions des cabinets alliés à l’égard de la Suisse. Des intérêts majeurs pourraient l’assoupir pour le moment. Mais dans la Suisse elle ne manquerait pas de donner lieu à une intervention extérieure dans les affaires de ce pays et par là même à sa perte ou à son asservissement.

Mesures à prendre si la conciliation ne peut avoir lieu

Il se peut cependant que les bonnes dispositions que montre Berne n’aient pour but que de paralyser l’ouvrage de la diète et de gagner du temps. Nous avons donné au gouvernement bernois un terme péremptoire. Nous attendons dans deux jours une réponse définitive. Si Berne n’accède pas il faut remonter au principe de son obstination et y porter remède. Si elle persiste c’est parce qu’elle espère obtenir par la protection de l’Angleterre et de l’Autriche lorsque la paix générale se fera ce qu’elle ne peut gagner dans ce moment, vu l’intervention de la Russie et les égards qu’on a pour cette puissance.

Je propose un moyen très simple. Constituer la Suisse. Beconnaître sa constitution malgré l’éloignement et l’absence des trois cantons aristocratiques. Une déclaration dans ce sens au nom des alliés déterminerait Berne à demander grâce. Elle l’obtiendrait au grand avantage de ses propres intérêts et de ceux de la confédération. J’ose demander les ordres de v. m. i. à cet égard.

Il serait important de déterminer le ministère autrichien à donner des ordres conformes au chevalier de Lebzeltern et à M. de Schraut.

Ce dernier reste toujours à Berne. Je doute fort que ses instructions soient conformes à celles de mon collègue. Pourquoi ces deux ministres en Suisse? Pourquoi l’un à Berne, l’autre à Zurich?

La gazette de Berne contient des articles qui compromettent

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ouvertement le chevalier de Lebzeltern. Dans les Grisons on imprime des proclamations où il est insulté. Pourquoi tolérer cette audace, si l’on veut ramener les esprits?

Contingent

Presque tous les députés assemblés à Zurich m’ont témoigné le désir d’armer aux frais de la confédération cinq à six mille hommes. Une légère impulsion de notre part suffirait.

Cette mesure serait utile sous un double rapport. Elle donnerait plus de consistance et plus d’énergie à la diète actuelle.

Ce petit corps d’armée dont la composition rallierait les intérêts de l’intérieur pourrait agir utilement dans le cas de la continuation de la guerre.

Dans le cas contraire il pourrait passer à la solde et au service du roi de Sardaigne ou de toute autre puissance rétablie en Europe par la paix générale.

En partant de cette conviction j’aurais sans perte de temps secondé les désirs des députés. M. de Lebzeltern a préféré demander les ordres de sa cour. J’implore ceux de v. m. i.

Constitution des nouveaux cantons

Elle doit être mise en harmonie avec celle des anciens cantons. Sans cela des motifs ou des prétextes réciproques de méfiances, de jalousies et de troubles.

Les personnes les plus éclairées des cantons de Vaud et d’Argovie m’ont adressé leurs observations à cet égard. J’en ai demandé aussi au conseiller Monod. Il envoie les siennes à M. de La Harpe. La pièce ci-jointe en contient d’autres. Je prie v. m. i. de daigner accorder son attention à cet objet et me donner ses ordres.

Le comte Capodistrias

Premier contact avec Fellenberg

Par contre, il existe aussi à Berne un parti libéral, outré par l’attitude des patriciens et dont un membre n’hésite pas à s’adresser dans ces circonstances à Capodistrias. Il s’agit de Philipp Emanuel von Fellenberg, dont nous avons déjà eu l’occasion de parler à propos de Pictet de Rochemont. Dans les papiers conservés par la famille1 existe le brouillon, non daté, griffonné par Fellenberg puis recopié par une main étrangère plus lisible, d’une lettre qu’il adresse à Capodistrias fin janvier-début février probablement. Son contenu est trop important pour ne pas être transcrit in extenso:

1. BURGERBIBLIOTHEK, Berne, Dossier Fellenberg Philipp Emanuel. Brouillon (a) griffonné par Fellenberg, puis (b) recopié d’une autre main. Version choisie: (b) corroboré par (a).

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    Monsieur le Comte Capodistria

    (Sa Majesté l’Empereur a daigné vous communiquer de vive voix ses) je vous ai communiqué mes intentions, relativement à la Suisse, avant votre premier départ pour ce pays et à présent que vous allés vous y rendre pour y remplir une mission importante. Dans la pièce ci jointe vous trouverez une instruction qui est commune au Chev. de Lebzeltern et à vous et d’après laquelle vous réglerez en Suisse vos démarches officielles. (Sa Majesté Impériale cependant) Je désire cependant que vous ayez par écrit les instruction verbales qu’(Elle) je vous ai données. Elles sont consignées dans les articles suivants: 1° (Sa Majesté voulait) Mon intention a été constamment de laisser la Suisse en repos, de respecter sa neutralité et de ne point toucher à sa constitution actuelle. (Elle était) J’étais dans la ferme conviction que (ses) mes vues (libérales et bienfaisantes)1 auraient été respectées et que les opérations militaires n’auraient dans aucun cas, nécessité ni la violation du territoire suisse, ni aucune mesure tendante à produire des changements dans la constitution de ce pays. Vous n’ignorez pas la suite des événements et des résolutions précipitées que le ministère autrichien a pris à mon insu et qui amenèrent l’armée (autrichienne) en Suisse, ainsi que la Révolution de Berne. Dans cet état de choses, (l’Empereur s’est) je me suis trouvé dans la pénible alternative ou de tenir fermement à (Ses) mes principes (libéraux) et faire naître par là une divergence d’opinions qui (était) serait très nuisible aux intérêts de l’Europe, ou d’admettre des modifications dans (Ses) mes principes à l’égard de la Suisse, dans le but de préserver cette nation d’une guerre civile ou du malheur de l’étouffer en abandonnant son sort à la seule protection de l’Autriche.

    En considérant que cette Puissance s’était déjà ouvertement déclarée pour le Patriciat de Berne, et voyant que le parti modéré et par conséquent la grande majorité du peuple suisse restait isolée et victime peut-être d’une fausse politique, (Sa Majesté s’est) je me suis décidé à consentir que l’ordre se rétablisse en Suisse avec mon intervention.

    2° Vos instructions combinées avec le Cabinet autrichien vous mettent à même de travailler à cette œuvre importante, d’après (les) mes principes (de Sa Majesté). Vous ne vous en écarterez dans aucun cas, surtout lorsqu’il s’agira de faire décider à la nation suisse du sort des nouveaux cantons et de celui du peuple. (Sa Majesté ne voudra jamais) Mon intention est de ne point intervenir dans (aucunes) des décisions qui puissent porter la moindre atteinte aux droits de la majorité. (Elle veut) Je veux que le bonheur de la Suisse dérive de celui de tous les ordres de ce pays

    1. Notons que les deux adjectifs typiquement «capodistriens» ont été supprimés par l’empereur.