Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄

Τίτλος:Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
 
Τόπος έκδοσης:Κέρκυρα
 
Εκδότης:Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών
 
Συντελεστές:Κώστας Δαφνής
 
Έτος έκδοσης:1984
 
Σελίδες:364
 
Θέμα:Ο Καποδίστριας στην Ελβετία
 
Τοπική κάλυψη:Ελβετία
 
Χρονική κάλυψη:1813-1814
 
Περίληψη:O τέταρτος τόμος του ΑΡΧΕΙΟΥ ΚΑΠΟΔΙΣΤΡΙΑ καλύπτει, την αποστολή του Καποδίστρια στην Ελβετία το 1813-1814, που είχε για στόχο την απόσπασή της από τη γαλλική κηδεμονία και την ενότητα και ειρήνευση της χώρας, που θα εξασφάλιζε ένα Σύνταγμα κοινής αποδοχής. Ο Καποδίστριας πέτυχε στην αποστολή του αυτή και η επιτυχία απέσπασε την εκτίμηση και την εμπιστοσύνη του Αυτοκράτορα της Ρωσίας και άνοιξε το δρόμο για τη μετέπειτα λαμπρή σταδιοδρομία του.
 
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Monsieur le Comte,

J’ai l’honneur de mettre sous couvert la note que vous me demandâtes hier pour le cas où je ne vous rencontrerais pas. Je souhaite, Monsieur, qu’elle remplisse votre attente; j’aurais voulu être plus bref et plus clair, les embarras du départ et des visites ne m’en ont pas laissé le temps. Si vous aviez besoin de quelques nouvelles explications, en me les demandant à l’adresse de H. Monod, membre du Petit Conseil, à Lausanne, elles me parviendraient sûrement, ou si vous le préférez, et pour plus de secret, il n’y aurait qu’à m’écrire sous couvert de Mme Huc-Mazelet, à Morges·, ce même couvert pourrait servir pour tout ce que vous auriez à faire passer à de La Harpe, auquel j’ai récrit et qui, j’espère, viendra.

Après avoir eu l’honneur de faire votre connaissance, Monsieur le Comte, ce serait un bonheur pour moi de pouvoir la cultiver, et si, ainsi que vous m’en avez laissé concevoir l’espérance, vous veniez faire une visite à mon canton, j’aurais un grand plaisir à vous offrir mon petit réduit; je hasarde moins à le faire après la campagne de Mousson; si d’ailleurs vous n’y trouviez pas tous les agréments que je voudrais pouvoir vous procurer, vous y verriez une famille heureuse et paisible dans un pays superbe habité par un peuple content; spectacle digne de vous intéresser!

Permettez que je finisse par vous recommander ma patrie en général, mon canton en particulier, et veuillez agréer l’hommage de ma reconnaissance pour l’accueil flatteur que vous avez bien voulu me faire.

J’ai l’honneur, Monsieur le Comte, de vous offrir les sentiments de ma considération la plus distinguée.

P.-S. — J’eus l’honneur de me présenter hier soir avec la députation de mon canton pour vous rendre nos devoirs, ainsi qu’à M. Lebzeltern; nous eûmes le malheur de vous manquer.

Ce rapprochement spontané entre les deux hommes s’est fait sous l’égide de F.-C. de La Harpe. Monod est en effet lié d’amitié avec celui-ci depuis sa jeunesse; ils ont étudié ensemble à Tübingen et obtenu en même temps leur brevet d’avocat dans le Pays de Vaud; cette amitié ne s’éteindra qu’à la mort de Monod en 1833. En novembre 1813, de La Harpe se trouve encore à Paris; il rejoindra l’empereur Alexandre à Chaumont quelques semaines plus tard.

Les relations entre Capodistrias et de La Harpe paraissent au premier abord beaucoup moins chaleureuses. On en jugera par la réponse caustique de La Harpe à une lettre de Monod et sa mise en garde contre un homme qu’il n’a en fait pas rencontré à cette heure:1

1. Monod, op. cit., t. I, Annexe XIV, no 2, p. 151.

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7 décembre 1813

Mon bon ami,

J’ai reçu vos lettres du 26 et 28 novembre; elles m’ont peiné.

La Légation a voulu s’amuser: elle savait que j’étais ici. Pour ses almanachs, serviteur.

Le monsieur qui vous a parlé de moi est du pays d’Ulysse. Mon nom était un prétexte, il en a profité; c’était son métier. L’histoire de la lettre ne m’inspire pas davantage la confiance. J’ai prié dans le temps son principal de ne pas me mettre en rapport avec les gens de cette profession et il m’a tenu parole; si c’eût été le cas d’une exception, il m’en eût directement informé. Au reste vous avez bien fait de causer et de faire causer. La meilleure politique à suivre en pareil cas est d’être franc; cela déroute les plus rusés et, si l’on a bonne mémoire, souvent on en profite.

Les faits et gestes de la pétaudière helvétique m’indisposent fort.

Après l’échec de leur conversation avec le landamman, nos députés cherchent à obtenir dans un deuxième entretien la suppression du titre de Médiateur accordé à Napoléon et l’abrogation des capitulations militaires avec la France, soit le rappel des soldats suisses qui combattaient encore aux côtés de Napoléon, conditions qui semblaient conformes à la neutralité proclamée par la Diète. Pourtant, sous l’influence de Talleyrand qui sur l’ordre de son maître refuse toute concession, Reinhard tergiverse et ne répond pas clairement. Ce n’est qu’à mi-décembre, à la veille de l’invasion, que le landamman s’y décidera enfin, comme l’attestent les accusés de réception de Lebzeltern et Capodistrias (Document n° 5).

Premiers rapports de Capodistrias et Lebzeltern

Le rapport du 24 novembre envoyé par Lebzeltern à Metternich et contresigné par Capodistrias concluait:1 «Opinion des Soussignés Tel étant l’état moral des Suisses les Soussignés sont intimément convaincus, que si les opérations militaires exigent impérieusement qu’une armée ait le passage par la Suisse ou qu’un Corps d’armée y prenne position, pour opérer une diversion, il n’y a qu’un parti à prendre: c’est celui de faire marcher d’abord et sans perte de tems les troupes et puis d’ouvrir

1. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, n° 3 ad. no 3 (= AEG, ms hist. 46, f. 92). Rapport de Lebzeltern à Metternich, du 24 novembre 1813, utilisé par Lascaris, op. cit., p. 37-38. Ce rapport est également signé par Capodistrias.

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la porte aux négociations et aux arrangemens.» Il semble bien que dès ce moment-là, les deux diplomates, en tout cas Lebzeltern, optent pour cette solution. Et M. Lévis-Mirepoix va plus loin en ajoutant:1 «Si l’on doutait de ce fait, les clauses militaires qui furent annexées au rapport [il s’agit en fait du rapport du 20 novembre] en donneraient la preuve éclatante. N’indiquent-elles pas l’état des routes qu’il conviendrait à l’armée de prendre, le prix des denrées, les ressources qui étaient à la disposition des soldats en Souabe et en Suisse, les moyens de défense des frontières françaises et la force des seules places qui les gardaient?» Mais d’autre part, les deux diplomates signalaient que pour gagner l’opinion publique suisse et s’assurer une retraite possible en cas de revers, il était essentiel qu’un ordre sévère règne dans l’armée et que l’on paye toujours tout comptant. En contresignant de tels rapports, Capodistrias qui, comme nous l’avons dit, n’avait pas encore l’expérience diplomatique de son collègue, donnait à la politique autrichienne un gage important. Il s’en justifiait à Nesselrode de la façon suivante:2 «Point de bonne volonté véritable et utile dans ce pays. Votre Excellence en a la preuve dans le mémoire ci-joint (sub lit. A). Il porte le précis de nos entretiens avec le Landamman un aperçu rapide sur l’état actuel de l’esprit public en Suisse et l’exposé de notre opinion sur les mesures à prendre et sur les résultats que l’on pourrait espérer dans l’alternative ou du passage des troupes alliées par la Suisse ou de l’adhésion de Leurs Majestés à l’acte de neutralité. En supposant que le passage par ce pays d’une armée combinée fût jugée nécessaire et urgent, nous avons cru de notre devoir de considérer dans un travail séparé (sub lit. B) tous les obstacles qui pourraient contrarier cette opération et d’indiquer en même temps les moyens de les aplanir...».

Les pourparlers entre le landamman et les diplomates restent pourtant très cordiaux, comme en témoigne le Document n° 2; les deux diplomates furent en quelque sorte doublés par les conversations que les députés de la Diète eurent à ce moment-là avec les souverains alliés à Francfort-sur-le-Main (Document n° 4) et surtout avec Metternich, qui se montra particulièrement machiavélique.3

1. Lévis-Mirepoix, op. cit., p. 284. Ce rapport figure également dans AEG, ms hist. 46, f. 94-97.

2. AEG, ms hist. 45, f. 6v, copie no 1036, no 3. Lettre de Capodistrias à Nesselrode, Zurich 12/24 novembre 1813.

3. Lévis-Mirepoix, op. cit., p. 285-287. Lettre de Metternich à Lebzeltern, de Francfort, 25 novembre 1813.

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La mission des deux envoyés étant rendue publique par un article de l’Allgemeine Zeitung du 28 novembre 1813 et leur identité révélée, il était inévitable qu’ils soient dès ce moment en contact avec des intrigants et des quémandeurs. On trouvera souvent chez les libéraux, en particulier chez Monod, le reproche adressé à Capodistrias d’être trop favorable aux aristocrates.

Il est vrai que les patriciens bernois Gatschet et de Steiger de Biggisberg, membres du comité de Waldshut, se rendirent dans les derniers jours de novembre auprès d’eux pour demander des passeports qui leur permettraient d’aller plaider auprès des souverains alliés la cause de Berne et le rétablissement de l’Ancien Régime en Suisse.

Estimant que la démarche des Bernois était contraire à leurs instructions — ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures de la Suisse — Lebzeltern et Capodistrias recoururent à des moyens dilatoires: ils les prièrent de rédiger un mémoire sur la question, mémoire que les deux envoyés transmettaient à leur cour respective en date du 28 novembre.

Peut-être ce mémoire explique-t-il le revirement de Capodistrias, qui dans une lettre à Nesselrode du même jour explique la situation politique de la Suisse:1

[...] Il y a deux partis: les constitutionnels c’est-à-dire les Suisses qui tiennent fortement à la Constitution actuelle, parti composé du peuple de tous les grands et des nouveaux cantons ainsi que des patriciens modérés.

Le parti qui promet aux Souverains Alliés un dévouement plus particulier et qui offre la main au rétablissement de l’ancienne Constitution est composé des Patriciens auxquels la révolution démocratique arracha les rênes du Gouvernement.

— Si les succès des opérations militaires exigent impérieusement qu’une armée ait le passage par la Suisse il faudra bien se résoudre à des mesures forcées et dans ce cas unique il importe d’accueillir et utiliser le parti anticonstitutionnel.

En la supposition que Leurs Majestés préfèrent de laisser jouir la Suisse de sa paisible neutralité nous nous flattons d’avoir amené la négociation à un point très favorable.

Et commentant le mémoire des aristocrates bernois dans une autre lettre à Nesselrode, il n’hésite pas à écrire:2

[...] J’ai lu avec beaucoup d’attention cette pièce et je l’avoue

1. AEG, ms hist. 45, f. 7v, copie no 1037, rapport du comte Capodistrias à Nesselrode, Zurich, 16/28 novembre 1813.

2. ibidem, copie no 1038, même date.

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franchement à Votre Excellence elle me semble en grande partie dictée par une esprit de faction et par la seule envie de faire revivre l’Ancienne Constitution sous la puissante protection des Souverains Alliés. Quoique nouveau dans ce pays je ne saurais néanmoins partager l’opinion de ces députés à l’égard de la magistrature actuelle. Ils la présentent comme dévouée à la France, tandis qu’Elle pourrait être considérée comme un parti modéré formé à l’école des adversités et des événements extraordinaires qui ont eu lieu de nos temps en Europe. Prudent par principe, attaché à sa Patrie par honneur et par intérêt national — désirant un meilleur ordre de choses, mais espérant de le concilier avec le temps, avec la patience, et avec des ménagements qui puissent assurer en tout cas une existence politique à la Suisse.

D’autres réactionnaires comme l’avocat zurichois Escher von Berg et le général glaronais Bachmann cherchèrent également à entrer en relation avec eux au cours de ces quelques jours, en les assurant qu’il serait aisé d’opérer une révolution en faveur des Alliés.1

Mais si l’on examine le cercle d’amis zurichois auquel Capodistrias restera lié par la suite, on y trouve avant tout des intellectuels, des magistrats et hommes d’Etat dont la carrière est étroitement liée au régime de la Médiation: le landamman Reinhard, l’écrivain Heinrich Jakob Meister, ancien ami de Diderot et de Grimm; l’écrivain et artiste David Hess; enfin Paul Usteri, qui ne craindra pas de se ranger dès 1815 dans l’opposition libérale.

Capodistrias et Pestalozzi

C’est au cours de cette même période que Capodistrias devait entrer fortuitement en relation avec Johann Heinrich Pestalozzi et que commence ainsi une correspondance qui se continuera au fil des ans. Le 14 décembre, Pestalozzi écrit au comte:2

du 14e décembre 1813.

Il y a quelques mois que Monsieur le Comte de Bulgary m’a remis la lettre ci-incluse pour la faire parvenir à Votre Excellence; je n’ai pu le faire jusqu’à présent manquant d’une adresse positive.

1. W. Oechsli, op. cit., p. 10-11. W. Martin, op. cit., p. 70.

2. Les lettres de Pestalozzi à Capodistrias sont reproduites d’après l’édition Johann Heinrich Pestalozzi, Sämtliche Briefe, herausgegeben vom Pestalozzianum und von der Zentralbibliothek Zürich, bearbeitet von Emanuel Dejung und Hans Stettbacher, 13 vol., Zurich 1946-1971, et d’après les indications aimablement fournies par M. E. Dejung. Ici, t. IX, p. 56, no 3583.

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Enfin je viens d’apprendre par les papiers publics que Votre Excellence est à Zurich dans une mission diplomatique. Ne doutant pas que Vous êtes la personne, à laquelle cette lettre est adressée, je prends la liberté de l’envoyer à Votre Excellence. Au cas que le Comte de Bulgary qui se trouve dans ce moment à Milan, ne serait pas de votre connaissance, je vous prie de me renvoyer la lettre et d’avoir la bonté de me faire connaître, s’il est en votre pouvoir, la personne à laquelle la lettre doit être envoyée. J’estime Monsieur le Comte de Bulgary, je ne voudrais pas manquer de lui rendre ce service.

Quatre jours plus tard, Capodistrias lui répond, très heureux d’entrer ainsi en relation avec le pédagogue dont il a beaucoup entendu parler (Document n° 6): ...«J’en suis d’autant plus sensible qu’Elle me procure l’avantage de faire votre connoissance. J’en ai conçu l’envie et senti le besoin du moment que j’ai lu vos œuvres immortelles, et que j’ai été pénétré des principes philantropiques dont vous faites profession.

«Ce que je désire le plus c’est de venir vous presenter personnelement l’hommage de mon estime et de mon admiration. Si mon séjour en Suisse doit se prolonger, je ne manquerai pas de m’accorder le plutôt qu’il me sera possible cette jouissance. Elle est véritable parcequ’elle interesse l’esprit autant que le cœur.» Le 28 décembre 1813, nouvelle lettre de Pestalozzi1 écrite de Zurich au comte de Capo d’Istria:

L’espoir que vous me donnez de pouvoir faire votre connaissance personnelle, me cause un véritable plaisir. Monsieur le Comte de Bulgari m’a fait connaître l’intérêt, que plusieurs de vos compatriotes prennent à l’éducation du peuple, et il m’a convaincu que les descendants des anciens Grecs sont susceptibles du plus haut degré de développement de toutes les facultés, qui honorent l’humanité. Je désire vivement de trouver une occasion pour m’entretenir avec vous sur un sujet aussi important. Il est certain que nos travaux, suivis depuis tant d’années, nous ont fait faire bien des observations intéressantes sur ce point. S’il vous est possible, donnez-nous l’honneur et le plaisir de votre visite !

Notre lettre pour Monsieur Bulgari est partie hier à Milan; je suis sûr du plaisir qu’il aura de recevoir de vos nouvelles.

Agréez, Monsieur le Comte, les sentiments d’estime etc.

Cette visite à Yverdon, Capodistrias la réalisera au mois de juin 1814 et nous en reparlerons. Quant au comte Bulgari, il ne nous a pas

1. ibidem, t. IX, p. 61, n° 3593.

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été possible de l’identifier avec certitude; il s’agit peut-être bien de Marc-Antoine, fils du comte Nicolas, de Corfou, qui fit des études de droit en Italie, puis une carrière diplomatique en Russie et qui par la suite s’est beaucoup lié avec Capodistrias. Il fut même ambassadeur de Russie auprès du gouvernement de Capodistrias à Egine en 1829.

Invasion de la Suisse

Alors que les pourparlers en Suisse piétinent, Metternich charge à Fribourg - en - Brisgau le comte de Salis-Soglio, un Grison réactionnaire qui avait fait sa carrière à la cour d’Autriche, d’entrer en relation avec les aristocrates bernois en leur faisant miroiter le rétablissement de l’Ancien Régime et la perspective de servir de guide au général Bubna, lorsque celui-ci aura pénétré en Suisse.1 En apprenant la chose, Lebzeltern et Capodistrias estimèrent qu’il n’y avait plus de raison de retarder le voyage de Gat-schet et de Steiger; ils se déchargèrent en quelque sorte de leur responsabilité morale sur les ministères autrichien et russe.2

Pressé en outre par Schwarzenberg qui craint de ne plus pouvoir nourrir longtemps les troupes massées entre Schaffhouse et Fribourg-en-Brisgau, Metternich a dès ce moment un prétexte d’intervention plausible: il s’agit de venir à l’aide du canton de Berne. Il parvient ainsi à arracher le 15 décembre l’ordre d’intervention militaire à l’empereur François très réticent jusque-là. En outre, gardant l’espoir que les Suisses — en l’occurrence les Bernois eux-mêmes — fassent appel aux Alliés, le ministre autrichien délègue à Berne, où il arrive le 19 décembre, un représentant officieux, le comte de Senft-Pilsach, qui est chargé d’activer les intrigues des ultra-conservateurs en fomentant un coup d’Etat.

A Zurich, Lebzeltern s’était efforcé dans un entretien avec le landamman Reinhard, et dans une entrevue avec le général de Wattenwyl le 13 décembre, de les convaincre d’éviter toute résistance inutile de la part des troupes suisses. Wattenwyl finit par accepter, à la condition que les Alliés se présentent avec des forces telles que l’absence de résistance soit justifiée devant l’opinion publique suisse; ce qui permit à

1. W. Oechsli, op. cit., p. 15; St. Lascaris, op. cit., p. 39.

2. AEG, ms hist. 45, f. 8, no 1040, lettre de Capodistrias à Nesselrode, Zurich, 23 nov./3 déc. 1813. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, no 6, Litt A. (= AEG, ms hist. 46, f. 15iv), lettre de Lebzeltern à Metternich, Zürich, 3 décembre 1813.

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Lebzeltern de conclure dans son rapport du 14 décembre à Metternich:1 ... «Ils ne demandent plus que de capituler sur les formes à observer pour mettre leur responsabilité à couvert et éviter des désagréments des deux côtés.» Ce rapport, parvenu au quartier général le lendemain, joue un rôle déterminant dans la décision d’intervention des Alliés.

Il était à prévoir que l’attitude de Wattenwyl et celle du colonel Herrenschwand chargé de la défense de Bâle (point stratégique de première importance), lequel signa le 20 décembre la capitulation de Bâle avec l’accord de son général, seraient par la suite très critiquées par de nombreux Suisses, surtout des officiers et des soldats qui n’admettaient pas que l’on ait déposé les armes si facilement.2

Les troupes autrichiennes qui franchissent les ponts de Bâle, de Schaffhouse et de Rheinfelden dans la nuit du 20 au 21 sont précédées par une proclamation du maréchal prince de Schwarzenberg qui se présente au pays comme un libérateur,3 proclamation rédigée à l’instigation de Lebzeltern et de Wattenwyl.

Note des Puissances alliées du 20 décembre 1813

Ce même 20 décembre 1813, Lebzeltern et Capodistrias adressèrent au landamman une note pour l’informer officiellement des intentions de leurs souverains qui «ne peuvent admettre une neutralité qui... n’existe que de nom», mais offrent en contrepartie du passage de l’armée la restitution des territoires annexés par Napoléon et promettent de ne pas s’immiscer dans l’organisation intérieure de la Confédération (Document n° 7).

Cette note, rédigée par Metternich en personne, devait être signée conjointement par Lebzeltern et Capodistrias. Béveillé à l’aube par son collègue, Capodistrias réfléchit plus d’une heure dans la solitude avant de se décider à contresigner le document qui contrecarrait les instructions de son maître. Il partira immédiatement après au quartier général pour s’expliquer.

Pas aussi immédiatement qu’il voudrait nous le faire croire dans son autobiographie, puisque nous constatons qu’il écrit encore à Nessel-

1. W. Martin, op. cit., p. 82. AEG, ms hist. 46, f. 183v, rapport de Lebzeltern à Metternich du 14 décembre 1813.

2. B. van Muyden, La Suisse sous le Pacte de 1815, Lausanne 1890, p. 30.

3. ARCHIVES FÉDÉRALES. Période de la Médiation 1803-1813, KE no 574, f. 35-37. Van Muyden, op. cit., p. 24-25; W. Martin, op. cit., p. 114-115.

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rode de Zurich les 20, 21, 22 et 24 décembre.1 Les rapports détaillés de Lebzeltern à Metternich nous donnent un éclairage assez différent de l’incident.

Le 21 décembre, en décrivant à Metternich les réactions suisses devant l’entrée des troupes, en particulier celle du landamman profondément blessé dans ses sentiments patriotiques, Lebzeltern ajoute:2 «Quoique la lettre que Votre Altesse m’annonçoit pour Mr de Capo d’Istria ne fut pas renfermée dans le paquet et qu’il n’ait reçu aucun ordre de sa Cour, il s’est prêté néanmoins volontiers sur l’invitation de Votre Altesse à signer la Pièce transmise à Mr le Landamman.» Cette lettre, d’ailleurs, Capodistrias ne la recevra pas, ce qui explique son inquiétude grandissante les jours suivants. Lebzeltern explique qu’il n’a changé que très peu de termes à la note du chancelier — il a remplacé le mot République, «odieux aux Suisses» depuis la Révolution, par celui de Confédération. Il n’a par contre pas osé prendre sur lui de supprimer la garantie que les Alliés ne s’immisceront pas dans les affaires intérieures, qui lui paraît en contradiction avec l’affaire de Berne qu’il estime inopportune (ce qu’il ne craint pas de répéter dans chacune de ses lettres). N’osant probablement montrer son désaccord avec le fond de la note, il ajoute subtilement: «Mr le Comte de Capo d’Istria développe trop sagement notre manière de voir dans le mémoire qu’il adresse à Monsieur le Comte de Nesselrode pour que j’aie quelque chose à ajouter à ses réflexions.» Et il joint la copie du rapport que Capodistrias adresse le même jour à son ministère, où il expose son embarras devant l’absence complète d’instructions de la part de l’empereur et son désaccord profond devant la manière employée:3

Et premièrement, on ne saurait d’aucune manière accorder le sens de la Déclaration adressée au Landammann, et les operations dont Mr de Senft s’occupe à Berne.

1. AEG, ms hist. 45, f. copie n° 1050 8/20 déc., no 1051 9/21 déc., no 1052 10/22 déc., no 1053 12/24 décembre. En outre, le rapport de Lebzeltern à Metternich du 24 décembre est contresigné par Capodistrias (ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, no 14 Litt. B).

2. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, no 13 (= AEG, ms hist. 46, f. 200-202), rapport de Lebzeltern à Metternich du 21 décembre 1813.

3. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, annexe no 13, copie de la dépêche du comte de Capo d’Istria à Nesselrode, no 17, de Zurich, 9/21 décembre 1813 (= AEG, ms hist. 46, f. 205-207).

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Il estime qu’il y a là contradiction flagrante. Il rappelle plus loin sa propre politique:

Notre opinion respèctueuse etoit fondée sur l’état de l’Esprit public en Suisse, elle derivoit d’un principe simple; elle visoit à un but unique; ne point choquer aucun parti, n’en préferer aucun, c’étoit le Principe — profiter de tous, et plus particulièrement de celui qui etoit dévoué a la bonne cause... c’étoit le but.

Ainsi ne point reconnoitre l’acte de Médiation, et le Gouvernement qui en resuite (parcequ’il est l’oeuvre du gouvernement françois) appeller au gouvernement de la Suisse les anciens Magistrats; constituer une administration provisoire (parceque la Suisse ne peut pas rester sans gouvernement): admettre a cette administration les nouveaux Cantons et le Peuple (parcequ’ils en ont le droit) ... ne point decider de la Constitution permanente de la Suisse que par un travail assidu, et par de longues discussions (parceque c’est de cette seule manière qu’on peut alimenter le bon esprit dans une nation républicaine) .. .telle etoit d’après notre avis la marche simple et reguliére qu’on auroit pu suivre, pour annulier d’abord la Constitution actuelle, et pour en créer une nouvelle, fondée sur les bases de l’ancienne, mais formée du consentement, et avèc le concours de toute la nation et non d’un parti prépondérant.

Il termine ainsi son rapport:

La Convocation de la Diète, et nos rapports avèc le Landammann rendent notre gestion ici penible, difficile, desagréable et peut être nuisible aux Plans qu’on a adoptés, et qu’on execute à Berne.

La transmission de ce document au chancelier autrichien était pour Lebzeltern une manière habile de se tirer d’affaire pour exposer ses propres réticences, mais elle est peut-être bien à l’origine de l’antipathie tenace que Metternich éprouvera par la suite pour le ministre russo-grec.

Lettre de Lebzeltern à Metternich

La réaction du ministère autrichien dut être fulgurante et Lebzeltern tente de se disculper dans une lettre du 25 décembre 18131 au ton volontairement désinvolte et badin. Comme nous n’avons pas de documents similaires dans la correspondance de Capodistrias, retraçant les diffi-

1. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, lettre de Lebzeltern à Metternich, Zurich, 25 décembre 1813 (= AEG, ms hist. 46, f. 228-229).

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cultés quotidiennes aussi bien psychologiques que pécuniaires, ou les moyens employés pour se renseigner, il nous paraît intéressant de la transcrire:

Zurich le 25. Decbre 1813

Mon Prince

Plusieurs passages des Dépêches du 23, me font craindre mortellement, que Votre Altesse n’ait trouvé dans mes rapports, mes opinions trop hazardées ou délivrées trop ouvertement. Daignez Vous mettre un instant à ma place mon Prince et Vous m’excuserez. Ce Pays et ses habitans ne ressemblent point aux autres, dès qu’il s’agit de leurs affaires archi compliquées, et ceux mêmes qui les connoissoient il y a 12 ans y perdroient leur latin aujourd’hui depuis que Pacte de mediation a multiplié à l’infini les intérêts publics et les interets personnels. Ce n’est qu’en se cuirassant envers et contre tous, en conservant une attitude glacée au milieu des passions, que l’on peut parvenir à y fixer ses opinions. Cette position et le silence absolu de Votre Altesse, m’avoient réduit à n’agir qu’en tatonnant. Encore une fois indulgence de grace mon Prince. Votre Altesse m’a condamné à une besogne bien peu agréable, mais patience.

Obligé à des dépenses trop fortes pour les fonds, qui m’ont été alloués et ne pouvant m’exempter de donner fréquemment à diner, surtout pendant le séjour des Députés (car ce n’est que le verre à la main que les Suisses jasent et se laissent gagner) si Votre Altesse n’a pas véritablement fixé ma délivrance à quelques jours d’ici, je La prie de bien vouloir m’envoyer par le Cte Capo d’Istria, ou par une autre voie, une remise suffisante pour faire face à ces extraordinaires. Les courses faites par moi, les expéditions de Couriers et Estafettes et cent autres choses, m’ont mis à sec.

A une exception près, j’ai vécu avec le C. de Capo d’Istria comme mari et femme, les premiers mois qui suivent leur réunion. Son départ me laisse ici veuf, et dans un moment où le passage fait que chacun s’enferme chez soi. D’ailleurs depuis trois jours on nous évite.

Quel Pays ! il y a de charmantes femmes et elles ne m’ont pas mal accueilli — Mais quels Maris ! ! habitués à vivre collés à leurs femmes, allant se coucher avec elles à 9 heures du soir, ne s’en séparant que pour fumer leur pipe, (et comme celles ci sont très petites leur absence ne passe pas la minute), jaloux, bref une vraie peste mal apprise; et ils appellent cela des vertus et des habitudes républicaines ! !

Le passage est opéré et s’opère. Tout est tranquille et le sera. Le Public est dans la même situation qu’une vierge violée les premières heures qui suivent la défaite après une foible résistance. Luttant encore avec la vertu et ses premières habitudes, elle ne

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sait si elle doit rire ou pleurer; elle est saisie, confuse, honteuse—; la seconde fois tout cela s’affoiblit, et bientôt de nouvelles habitudes remplacent remords, confusion, surprise, frayeur etc. C’est ainsi qu’est et sera le Public à l’égard du passage pourvu que le même ordre y règne, et qu’on ne mange pas tout. Au fond, Votre Altesse nous a tout uniment fait jouer le role sublime de Maquereaux dans cette affaire aux yeux de la majorité, qui ne croit pas à notre innocence, quoique nous en puissions dire.

Dans une autre lettre datée également du 25 décembre 1813,1 Lebzeltern signale à Metternich: «Mr de Capo d’Istria a reçu cette nuit l’invitation de se rendre au Qer Genî de son Souverain; je serois parti avec lui [...,] sans la persuasion que le départ de tout deux eut jetté l’allarme dans le Pays.» Il ajoute que Capodistrias a retardé son départ pour se charger de ce rapport, et craignant peut-être d’avoir compromis son collègue dans ses rapports précédents, il ajoute: «Les connoissances de Mr de Capo d’Istria très supérieures aux miennes, sur tout dans les affaires qui concernent la Suisse, rendent son retour d’une utilité et même d’une nécessité réelle. — Jusqu’à ce qu’il revienne je calmerai Mr le Landammann autant qu’il le faut pour l’entretenir dans ses bonnes dispositions actuelles.»

Capodistrias chez le tsar

Capodistrias a retracé dans son autobiographie l’accueil qui lui fut réservé par l’empereur:2

Sa Majesté Impériale me reçut et me dit d’abord: «J’espère que vous n’avez pas signé la déclaration autrichienne». — «Tout au contraire, Sire, je l’ai signée et je viens vous soumettre quelques observations sur les avantages que la Suisse et la cause européenne peuvent retirer de cette complication imprévue».

«Je ne m’attendais pas à vous voir débuter par une déviation complète des instructions que je vous avais données». — «Daignez m’entendre, Sire, et puis condamnez moi».

Capodistrias se justifiera en soutenant que toute divergence entre la politique des deux Cours révélée aux magistrats suisses aurait entraîné un risque immédiat de guerre civile; par contre, en cédant sur le point de la déclaration, le tsar pouvait exiger en contrepartie que le

1. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, no 15. (= AEG, ms hist. 46, f. 230-232). Rapport de Lebzeltern à Metternich, du 25 décembre 1813.

2. Autobiographie, p. 184. Cf. A.I.K., t. I, p. 17.

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gouvernement autrichien désavoue les agissements du comte de SenftPilsach à Berne. Le tsar finit par se ranger à cet avis et confia à Capodistrias le soin de rédiger le plus promptement possible le projet d’instruction à remettre par Metternich à Lebzeltern et à Schraut. Capodistrias conclut:1

l’Empereur, en prenant connaissance de toutes mes rédactions, daigna me dire: «Ce n’est pas en Suisse que vous ferez votre carrière, et je suis bien aise de vous en prévenir. Cependant continuez ce que vous avez si bien commencé, et toutes les fois que vous aurez besoin de nouvelles directions, adressez-vous à moi et à moi seul»).2

Réaction du Landamman à la note des Puissances alliées

Pour en revenir au 20 décembre, le landamman, bouleversé par l’invasion, écrivit une lettre de reproches très amère à Metternich, qu’il confia à Lebzeltern. Celui-ci jugea préférable de ne pas la remettre à son destinataire et s’en justifia avec tact et fermeté dans une lettre à Reinhard, datée du 21 décembre, dont voici le passage le plus important:3

Ce matin j’ai adressé à Votre Excellence des explications par écrit et verbalement, propres à dissiper tout mal entendu et à exciter des sentimene conciliatoires, fraternels mêmes, dans le coeur de tout Suisse ami de Sa patrie et de ses véritables intérêts. Mais Votre Excellence en S’écartant de la nature de la communication dont nous étions convenus hier au soir et passant sous silence, celles que j’ay l’honneur de Lui faire aujourd’hui, me charge de transmettre à S.A. Monsieur le Prince de Metternich et par la voie de ce Ministre aux hautes Cours alliées, une Lettre (portant la date d’hier) où des sentimens se trouvent énoncés, tellement opposés à ceux qui animent Leurs Majestés Impériales et Royales envers l’estimable Nation Suisse, ainsi qu’à Leurs généreuses intentions, que je croirois manquer à mon devoir en faisant parvenir par mon canal une déclaration de ce genre aux Augustes Alliés.

1. ibidem, p. 187.

2. Lascaris, op. cit., p. 42. L’auteur pense que par cette dernière remarque, le tsar cherchait à écarter des affaires suisses Nesselrode qu’il soupçonnait d’être trop favorable à la position de l’Autriche. Nous nous demandons si dans l’esprit du tsar, il ne s’agissait pas plutôt d’éviter désormais l’habitude qu’avaient prise les deux députés de rédiger des rapports communs et de les signer conjointement.

3. ARCHIVES FÉDÉRALES, KE no 574, f. 31-32.

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Assurément Ils eussent été surpris en la recevant de la part d’un Magistrat distingué par son patriotisme, qui jouit de la confiance publique et qui par là s’est attiré l’estime de Leurs Majestés, au moment où Elles voient tous les Etats se rallier à Leurs Légions victorieuses, pour la défense de la cause sacrée de l’Europe, d’une cause qui doit assurer Paix et liberté aux Nations.

En soumettant sa Lettre à une réflexion plus mûre et plus calme, Votre Excellence appréciera dans sa sagesse combien mes observations sont fondées [...].

A vrai dire, Lebzeltern transmet parfaitement à Metternich la lettre de Reinhard et sa propre réponse, en annexe à son rapport du 21 décembre, avec le commentaire suivant:1 «En me chargeant de la transmission de la protestation peu mesurée du Landammann, elle eut peut être facilité les plans qui peuvent subsister envers ce Gouvernement, mais il m’a paru n’être point de la dignité de Leurs Majestés ni de Leurs représentants, d’admettre une Pièce où les sentiments et les intentions des Augustes Alliés sont tellement dénaturés. Dans une réponse au Landammann, ... j’ai taché de conserver tout le calme possible.»

Quant à l’armée autrichienne, elle traverse sans rencontrer de résistance le plateau suisse, sous le commandement du général Bubna qui se montre d’une grande prudence politique, surtout dans ses rapports avec les Bernois et les Vaudois. Il arrive à Genève, première place française qui lui ouvre ses portes le 30 décembre 1813 et l’accueille en libérateur.

Coup d’Etat à Berne

Pendant que les armées alliées poursuivaient leur marche à travers la Suisse, le landamman Reinhard et ses collaborateurs se trouvaient rapidement confrontés à des problèmes vitaux pour la Confédération. Problèmes locaux créés par le rétablissement de l’Ancien Régime et les intrigues autrichiennes à Berne; problèmes généraux concernant le gouvernement central: fallait-il maintenir la Confédération égalitaire des XIX cantons établie par l’Acte de Médiation ou revenir au régime d’avant la Révolution, soit à la Confédération des XIII cantons, dominée par la toute-puissance bernoise?

En ce qui concerne Berne, nous avons vu qu’un certain nombre d’aristocrates formant le comité de Waldshut connu aussi sous le nom

1. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, no 13 Litt. B. (= AEG, ms hist. 46, f. 200-204). Rapport de Lebzeltern à Metternich du 21 décembre 1813.

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de «Club Viennois» attendaient avec impatience le feu vert autrichien pour s’emparer du pouvoir et rétablir le gouvernement de l’Ancien Régime. Un grand nombre de patriciens tout de même ne partageaient pas ces vues et restaient fidèles à l’Acte de Médiation; ils se groupèrent autour du général de Wattenwyl; mais celui-ci, retenu par son commandement militaire loin de Berne, ne put agir efficacement au moment voulu; de même que le chef du gouvernement, l’avoyer de Freudenreich, n’osa pas prendre avec la vigueur qui s’imposait les mesures nécessaires contre les membres du comité secret qui étaient tous des parents ou des amis.

Le film du coup d’Etat fut le suivant: le 19 décembre 1813, le comte de Senft-Pilsach, ancien ministre du roi de Saxe mais au service de Metternich depuis peu, arrive à Berne, après un arrêt au quartier général à Aarau où il a prévenu officieusement de Wattenwyl de l’entrée imminente des troupes alliées en Suisse. Dans ses Mémoires, il définit sa mission de la façon suivante: ... «Me rendant à Berne, je devais suivre le mouvement aristocratique qu’on croyait suffisamment préparé par les soins de M. de Salis et les instructions données à M. de Schraut, mais qu’il importait de voir accompli avant l’entrée des troupes autrichiennes, dont la présence lui aurait ôté son caractère de spontanéité».1

Le lendemain, il demande la convocation extraordinaire du Conseil d’Etat de Berne et, bien qu’il soit là sans lettre de créance et à titre tout à fait officieux, il suggère la démission du gouvernement officiel et le rétablissement du gouvernement de l’Ancien Régime. A sa grande surprise, le gouvernement ne cède pas et décide de rester fidèle au poste.

Le 22 décembre, il revient à la charge et dans une note très habile, réussit à convaincre l’avoyer qui, avec d’autres membres du gouvernement, était ébranlé par la marche foudroyante de l’armée alliée en Suisse et par la promesse formelle de la restitution des anciennes possessions bernoises du Pays de Vaud et de l’Argovie. Le jour suivant, «au moment où les premiers Autrichiens faisaient leur entrée dans la ville»,2 le Grand Conseil vote l’abrogation de l’Acte de Médiation et abdique. Le 24 décembre, les survivants de l’ancien gouvernement patricien prennent le pouvoir et lancent une proclamation de ton très paternaliste qui fit l’effet d’une bombe dans les nouveaux cantons; on peut en juger par le passage suivant: «Dès l’époque de cette publication, les deux gouvernements d’Argovie et de Vaud, ainsi que leurs subordonnés, sont

1. William Martin, op. cit., p. 147.

2. Dierauer, Histoire de la Confédération suisse, t. V, lère partie, p. 368.

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chargés d’arrêter l’état de leurs caisses, appuyé de pièces justificatives authentiques et de les tenir à notre disposition sous leur responsabilité personnelle. Nous leur ordonnons pareillement que tous les arsenaux, poudres et munitions soient mis sous scellés et fidèlement conservés...».1 Même Metternich, qui avait pourtant toutes les raisons de jubiler, ne put s’empêcher de commenter: «C’est moins l’appel d’une mère à ses enfants que le cri d’un vautour fondant sur sa proie.»2 Les gouvernements des deux cantons menacés protestèrent vigoureusement contre cette proclamation, et leurs peuples furent près de prendre les armes pour défendre leur indépendance.

En fait, Senft avait échoué dans sa mission et mérité le désaveu qu’il recevait quelques jours plus tard.3 Cet échec, nous le constatons dans la modération dont fit preuve le général de Bubna qui, arrivé à Lausanne le 26 décembre, décida après des conversations avec le landamman Monod, le général de Bovéréa et divers membres du gouvernement vaudois, de ne pas intervenir dans les affaires intérieures du canton et continua sa route sur Genève.

Nous le constatons également dans la lettre très habile que Lebzeltern écrit de son propre chef à Senft de Zurich le 26 décembre, mais dont il envoie copie à Metternich.4 En voici l’essentiel:

Monsieur le Comte

Je rends mille grâces à Votre Excellence pour la communication qu’Elle a eu la bonté de me faire et pour le développement que Vous avez bien voulu y ajouter sur vos propres opinions relativement à l’état des choses. Peut être, avec plus de connoissances sur ce Pays, je verrois exactement, comme Vous, Monsieur le Comte, mais j’avoue, que d’après celles que j’ai acquises depuis mon arrivée, c’est à dire depuis une époque très récente, ma manière de voir diffère en plusieurs nuances de la vôtre [...].

En attendant, la démarche consommée du Canton de Berne nous jette ici dans un véritable embarras. Elle a fait la plus fâcheuse impression parmi ceux même qui se témoignent être le plus accommodans.

Prêts à se reconstituer par eux mêmes, et sous l’égide des Grandes Puissances, d’après les vues des Alliés, comme d’après les intérêts de la Suisse, de manière à concilier les intérêts de tous, ils sont heurtés de ce qu’un seul parti, un seul Canton s’erige

1. Van Muyden, op. cit., p. 58.

2. Van Muyden, op. cit., p. 59.

3. W. Martin, op. cit., p. 111.

4. AEG, ms hist. 46, f. 75.

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en Législateur de tous et détache deux Cantons de cet ensemble. Ils y trouvent une contradiction manifeste avec les assurances des Alliés. Prêts à se rassembler en Diète (mesure point contrariée par les Puissances), et de la déclarer permanente, vu l’urgence du moment, afin de ne point la transférer à Lucerne et exclure Mr de Ruttimann de la Régence, obligés à décider ce point avant le 1er janvier, doivent ils aujourd’hui admettre les députations de Vaud et Argovie? [...]

Et il ajoute:

Je ne doute pas que la révolution ne s’opère sans agitation tant que la force armée sera là ou tout près — mais je trouve que l’intérêt principal des Puissances est qu’il résulte de cette révolution un état de tranquillité et de convenance réciproque, qui survive à l’éloignement de l’armée [...].

Nous constatons enfin cet échec dans le fait que l’empereur Alexandre, à l’instigation de Capodistrias, obtient que Metternich désavoue officiellement les agissements de Senft-Pilsach; celui-ci quitta Berne discrètement le 3 janvier 1814. Le chancelier d’Autriche, qui avait eu la prudence de ne remettre aucune instruction écrite à Senft, put facilement s’exécuter sans se déjuger.

Rescrit d’Alexandre Ιer à Capodistrias

Dès ce moment, la diplomatie russe prend le dessus. Si nous nous référons au récit que Capodistrias fait de son entrevue avec le tsar à la fin du mois de décembre,1 le ministre semble avoir suggéré au tsar, très préoccupé de regagner la confiance des Suisses, de lui adresser un rescrit où il ferait part à son ministre des intentions bienveillantes qu’il nourrit à l’endroit de la Confédération, et que le ministre montrerait aux magistrats «qui méritent notre confiance». Capodistrias fut chargé d’en rédiger le projet et nous avons la chance de posséder aux Archives de Genève une copie du projet où les termes de «Sa Majesté» et la troisième personne sont chaque fois biffés et remplacés par la première personne. Certains passages méritent d’être cités: ils vont en effet déterminer la ligne de la politique suivie par Capodistrias au cours des mois suivants:2

1. Autobiographie, p. 186. Cf. A.I.K., t. I, p. 18.

2. AEG, ms hist. 45, f. 11v-12, no 1063, copie publiée par W. Martin, op. cit., p. 188-189. Entre parenthèses, ce qui est biffé dans le ms.

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Monsieur le Comte Capodistria

(Sa Majesté l’Empereur a daigné vous communiquer de vive voix ses) je vous ai communiqué mes intentions, relativement à la Suisse, avant votre premier départ pour ce pays et à présent que vous allés vous y rendre pour y remplir une mission importante. Dans la pièce ci jointe vous trouverez une instruction qui est commune au Chev. de Lebzeltern et à vous et d’après laquelle vous réglerez en Suisse vos démarches officielles. (Sa Majesté Impériale cependant) Je désire cependant que vous ayez par écrit les instruction verbales qu’(Elle) je vous ai données. Elles sont consignées dans les articles suivants: 1° (Sa Majesté voulait) Mon intention a été constamment de laisser la Suisse en repos, de respecter sa neutralité et de ne point toucher à sa constitution actuelle. (Elle était) J’étais dans la ferme conviction que (ses) mes vues (libérales et bienfaisantes)1 auraient été respectées et que les opérations militaires n’auraient dans aucun cas, nécessité ni la violation du territoire suisse, ni aucune mesure tendante à produire des changements dans la constitution de ce pays. Vous n’ignorez pas la suite des événements et des résolutions précipitées que le ministère autrichien a pris à mon insu et qui amenèrent l’armée (autrichienne) en Suisse, ainsi que la Révolution de Berne. Dans cet état de choses, (l’Empereur s’est) je me suis trouvé dans la pénible alternative ou de tenir fermement à (Ses) mes principes (libéraux) et faire naître par là une divergence d’opinions qui (était) serait très nuisible aux intérêts de l’Europe, ou d’admettre des modifications dans (Ses) mes principes à l’égard de la Suisse, dans le but de préserver cette nation d’une guerre civile ou du malheur de l’étouffer en abandonnant son sort à la seule protection de l’Autriche.

En considérant que cette Puissance s’était déjà ouvertement déclarée pour le Patriciat de Berne, et voyant que le parti modéré et par conséquent la grande majorité du peuple suisse restait isolée et victime peut-être d’une fausse politique, (Sa Majesté s’est) je me suis décidé à consentir que l’ordre se rétablisse en Suisse avec mon intervention.

2° Vos instructions combinées avec le Cabinet autrichien vous mettent à même de travailler à cette œuvre importante, d’après (les) mes principes (de Sa Majesté). Vous ne vous en écarterez dans aucun cas, surtout lorsqu’il s’agira de faire décider à la nation suisse du sort des nouveaux cantons et de celui du peuple. (Sa Majesté ne voudra jamais) Mon intention est de ne point intervenir dans (aucunes) des décisions qui puissent porter la moindre atteinte aux droits de la majorité. (Elle veut) Je veux que le bonheur de la Suisse dérive de celui de tous les ordres de ce pays

1. Notons que les deux adjectifs typiquement «capodistriens» ont été supprimés par l’empereur.

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et de tous les cantons. (Elle) Je n’admets aucune ancienne institution contraire à ces principes et à ces vues.

3° (Sa Majesté) Je vous ordonne conséquemment de vous mettre en relation avec les personnes les moins intéressées à l’ancien système politique de la Suisse; vous les écouterez et c’est d’après leurs opinions que vous réglerez les vôtres sur tout ce qui concernera les intérêts des nouveaux cantons. Vous m’en rendrez compte (à l’Empereur), par des rapports que vous m’adresserez directement (à Sa Majesté).

4° (L’Empereur) Je vous engage à faire apprécier aux hommes bien pensants de la Suisse la part (l’importance de ses bienfaits) que je prends au bonheur véritable de leur pays. (Sa Majesté) Je veux que la Suisse soit à elle-même et que sa tranquillité intérieure ainsi que son indépendance politique ne dépendent que de la stabilité de sa constitution. Fondée sur la justice, sanctionnée par le consentement de toute la nation, protégée et garantie par toutes les Puissances de l’Europe, elle sera ferme et inébranlable.

5° Vous aurez auprès de vous des courriers, un secrétaire, un chiffre. Par ces moyens votre correspondance sera libre et (l’Empereur sera) je serai à même de juger de la marche des affaires et de l’éxecution de (Ses) mes ordres.

Parallèlement Capodistrias rédigeait en des termes plus modérés et prudents un projet d’instructions du tsar à Lebzeltern et à lui-même;1 et, portant la mention «à Frybourg le ... Décembre 1813», un projet de note au Landamman2 qui sera textuellement celle remise à Reinhard en date du 1er janvier 1814.3 En obligeant Lebzeltern à contresigner un projet émanant du ministère russe, Capodistrias rendait à son collègue la monnaie de sa pièce. En outre, si l’on considère l’ampleur et l’importance des documents rédigés en si peu de temps par le ministre, on comprend qu’il n’ait pu s’empêcher de mentionner indirectement cette prouesse dans son autobiographie:

(Le tsar:)4 «Mais pouvez-vous en deux fois vingt quatre heures vous entendre avec le ministère autrichien, rédiger les instructions qu’il doit donner à Lebzeltern et à Mr Schraut, préparer vos propres instructions et le rescrit? Il n’y a ici personne auprès de moi qui puisse vous aider...» — «Les Autrichiens, Sire, ne feront aucune difficulté de signer ce que Vous voudrez, et le temps ne me manquera pas...» — «Allez donc — à revoir après demain à onze

1. ibidem, f. 12v-13, ad. no 1063, daté de Frybourg, 17/29 Déc. 1814; W. Martin, op. cit., p. 186-187.

2. ibidem, à la suite, f. 14-15; W. Martin, op. cit, p. 190.

3. Document no 9.

4. Autobiographie, p. 186. Cf. A.I.K., t. I, p. 18.

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heures — et puis si nous n’avions pas fini jusque là, nous travaillerons encore dans la soirée.»

Convention du 29 décembre 1813

Sur le plan fédéral, cette dernière décade de décembre avait été aussi très chargée. A la nouvelle de l’invasion, Reinhard avait convoqué à Zurich une Diète extraordinaire. Dès le 27 décembre, douze cantons y sont représentés; cinq cantons n’ont pas répondu à l’appel — il s’agit de Berne, Soleure, Unterwald, des Grisons et du Tessin.

Des conférences ont lieu réunissant tantôt tous les délégués présents à Zurich, tantôt seulement les représentants des XIII anciens cantons (dix présents). Ce furent ces derniers qui, réunis le 29 décembre dans la demeure privée de Reinhard, décidèrent de se constituer en Assemblée fédérale, abrogeant ainsi l’Acte de Médiation, et arrêtèrent les articles de la Convention du 29 décembre 1813 qui tint lieu de constitution à la Confédération jusqu’à l’adoption du Pacte fédéral de 1815.

Reinhard communique le jour même cette convention au chevalier de Lebzeltern,1 en l’absence de Capodistrias qui ne revint du quartier général que le 31 décembre. Dans les jours suivants, tous les cantons — nouveaux ou anciens — la ratifièrent, de plus ou moins bonne grâce, à l’exception des Grisons qui hésitaient à ce moment-là à faire sécession de la Confédération, et de Berne qui ne pouvait admettre que l’existence des cantons d’Argo vie et de Vaud ait été implicitement reconnue.

D’après l’Acte de Médiation, la Diète aurait dû se transporter à Lucerne le 1er janvier 1814, et le landamman Büttimann remplacer Reinhard comme landamman de la Suisse. Mais pour des raisons de commodité — et peut-être aussi parce que l’on se méfiait tant en Suisse qu’au quartier général des opinions politiques de Büttimann, fort fluctuantes au cours des années précédentes, Lebzeltern et Capodistrias demandèrent, au nom de leurs gouvernements, que Zurich restât provisoirement Vorort de la Suisse et Reinhard à la tête de la Confédération, ce qui fut accordé.

1. Abschied 1813-1814, p. 34-35, lettre de Reinhard à Lebzeltern, Zurich, 29 décembre 1813, et réponse de ce dernier du même jour (ARCHIVES FÉDÉRALES, KE no 574, f. 44-45).

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    Σελίδα: 29

    Monsieur le Comte,

    J’ai l’honneur de mettre sous couvert la note que vous me demandâtes hier pour le cas où je ne vous rencontrerais pas. Je souhaite, Monsieur, qu’elle remplisse votre attente; j’aurais voulu être plus bref et plus clair, les embarras du départ et des visites ne m’en ont pas laissé le temps. Si vous aviez besoin de quelques nouvelles explications, en me les demandant à l’adresse de H. Monod, membre du Petit Conseil, à Lausanne, elles me parviendraient sûrement, ou si vous le préférez, et pour plus de secret, il n’y aurait qu’à m’écrire sous couvert de Mme Huc-Mazelet, à Morges·, ce même couvert pourrait servir pour tout ce que vous auriez à faire passer à de La Harpe, auquel j’ai récrit et qui, j’espère, viendra.

    Après avoir eu l’honneur de faire votre connaissance, Monsieur le Comte, ce serait un bonheur pour moi de pouvoir la cultiver, et si, ainsi que vous m’en avez laissé concevoir l’espérance, vous veniez faire une visite à mon canton, j’aurais un grand plaisir à vous offrir mon petit réduit; je hasarde moins à le faire après la campagne de Mousson; si d’ailleurs vous n’y trouviez pas tous les agréments que je voudrais pouvoir vous procurer, vous y verriez une famille heureuse et paisible dans un pays superbe habité par un peuple content; spectacle digne de vous intéresser!

    Permettez que je finisse par vous recommander ma patrie en général, mon canton en particulier, et veuillez agréer l’hommage de ma reconnaissance pour l’accueil flatteur que vous avez bien voulu me faire.

    J’ai l’honneur, Monsieur le Comte, de vous offrir les sentiments de ma considération la plus distinguée.

    P.-S. — J’eus l’honneur de me présenter hier soir avec la députation de mon canton pour vous rendre nos devoirs, ainsi qu’à M. Lebzeltern; nous eûmes le malheur de vous manquer.

    Ce rapprochement spontané entre les deux hommes s’est fait sous l’égide de F.-C. de La Harpe. Monod est en effet lié d’amitié avec celui-ci depuis sa jeunesse; ils ont étudié ensemble à Tübingen et obtenu en même temps leur brevet d’avocat dans le Pays de Vaud; cette amitié ne s’éteindra qu’à la mort de Monod en 1833. En novembre 1813, de La Harpe se trouve encore à Paris; il rejoindra l’empereur Alexandre à Chaumont quelques semaines plus tard.

    Les relations entre Capodistrias et de La Harpe paraissent au premier abord beaucoup moins chaleureuses. On en jugera par la réponse caustique de La Harpe à une lettre de Monod et sa mise en garde contre un homme qu’il n’a en fait pas rencontré à cette heure:1

    1. Monod, op. cit., t. I, Annexe XIV, no 2, p. 151.