Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄

Τίτλος:Αρχείον Ιωάννου Καποδίστρια, τ. Δ΄
 
Τόπος έκδοσης:Κέρκυρα
 
Εκδότης:Εταιρεία Κερκυραϊκών Σπουδών
 
Συντελεστές:Κώστας Δαφνής
 
Έτος έκδοσης:1984
 
Σελίδες:364
 
Θέμα:Ο Καποδίστριας στην Ελβετία
 
Τοπική κάλυψη:Ελβετία
 
Χρονική κάλυψη:1813-1814
 
Περίληψη:O τέταρτος τόμος του ΑΡΧΕΙΟΥ ΚΑΠΟΔΙΣΤΡΙΑ καλύπτει, την αποστολή του Καποδίστρια στην Ελβετία το 1813-1814, που είχε για στόχο την απόσπασή της από τη γαλλική κηδεμονία και την ενότητα και ειρήνευση της χώρας, που θα εξασφάλιζε ένα Σύνταγμα κοινής αποδοχής. Ο Καποδίστριας πέτυχε στην αποστολή του αυτή και η επιτυχία απέσπασε την εκτίμηση και την εμπιστοσύνη του Αυτοκράτορα της Ρωσίας και άνοιξε το δρόμο για τη μετέπειτα λαμπρή σταδιοδρομία του.
 
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Lebzeltern de conclure dans son rapport du 14 décembre à Metternich:1 ... «Ils ne demandent plus que de capituler sur les formes à observer pour mettre leur responsabilité à couvert et éviter des désagréments des deux côtés.» Ce rapport, parvenu au quartier général le lendemain, joue un rôle déterminant dans la décision d’intervention des Alliés.

Il était à prévoir que l’attitude de Wattenwyl et celle du colonel Herrenschwand chargé de la défense de Bâle (point stratégique de première importance), lequel signa le 20 décembre la capitulation de Bâle avec l’accord de son général, seraient par la suite très critiquées par de nombreux Suisses, surtout des officiers et des soldats qui n’admettaient pas que l’on ait déposé les armes si facilement.2

Les troupes autrichiennes qui franchissent les ponts de Bâle, de Schaffhouse et de Rheinfelden dans la nuit du 20 au 21 sont précédées par une proclamation du maréchal prince de Schwarzenberg qui se présente au pays comme un libérateur,3 proclamation rédigée à l’instigation de Lebzeltern et de Wattenwyl.

Note des Puissances alliées du 20 décembre 1813

Ce même 20 décembre 1813, Lebzeltern et Capodistrias adressèrent au landamman une note pour l’informer officiellement des intentions de leurs souverains qui «ne peuvent admettre une neutralité qui... n’existe que de nom», mais offrent en contrepartie du passage de l’armée la restitution des territoires annexés par Napoléon et promettent de ne pas s’immiscer dans l’organisation intérieure de la Confédération (Document n° 7).

Cette note, rédigée par Metternich en personne, devait être signée conjointement par Lebzeltern et Capodistrias. Béveillé à l’aube par son collègue, Capodistrias réfléchit plus d’une heure dans la solitude avant de se décider à contresigner le document qui contrecarrait les instructions de son maître. Il partira immédiatement après au quartier général pour s’expliquer.

Pas aussi immédiatement qu’il voudrait nous le faire croire dans son autobiographie, puisque nous constatons qu’il écrit encore à Nessel-

1. W. Martin, op. cit., p. 82. AEG, ms hist. 46, f. 183v, rapport de Lebzeltern à Metternich du 14 décembre 1813.

2. B. van Muyden, La Suisse sous le Pacte de 1815, Lausanne 1890, p. 30.

3. ARCHIVES FÉDÉRALES. Période de la Médiation 1803-1813, KE no 574, f. 35-37. Van Muyden, op. cit., p. 24-25; W. Martin, op. cit., p. 114-115.

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rode de Zurich les 20, 21, 22 et 24 décembre.1 Les rapports détaillés de Lebzeltern à Metternich nous donnent un éclairage assez différent de l’incident.

Le 21 décembre, en décrivant à Metternich les réactions suisses devant l’entrée des troupes, en particulier celle du landamman profondément blessé dans ses sentiments patriotiques, Lebzeltern ajoute:2 «Quoique la lettre que Votre Altesse m’annonçoit pour Mr de Capo d’Istria ne fut pas renfermée dans le paquet et qu’il n’ait reçu aucun ordre de sa Cour, il s’est prêté néanmoins volontiers sur l’invitation de Votre Altesse à signer la Pièce transmise à Mr le Landamman.» Cette lettre, d’ailleurs, Capodistrias ne la recevra pas, ce qui explique son inquiétude grandissante les jours suivants. Lebzeltern explique qu’il n’a changé que très peu de termes à la note du chancelier — il a remplacé le mot République, «odieux aux Suisses» depuis la Révolution, par celui de Confédération. Il n’a par contre pas osé prendre sur lui de supprimer la garantie que les Alliés ne s’immisceront pas dans les affaires intérieures, qui lui paraît en contradiction avec l’affaire de Berne qu’il estime inopportune (ce qu’il ne craint pas de répéter dans chacune de ses lettres). N’osant probablement montrer son désaccord avec le fond de la note, il ajoute subtilement: «Mr le Comte de Capo d’Istria développe trop sagement notre manière de voir dans le mémoire qu’il adresse à Monsieur le Comte de Nesselrode pour que j’aie quelque chose à ajouter à ses réflexions.» Et il joint la copie du rapport que Capodistrias adresse le même jour à son ministère, où il expose son embarras devant l’absence complète d’instructions de la part de l’empereur et son désaccord profond devant la manière employée:3

Et premièrement, on ne saurait d’aucune manière accorder le sens de la Déclaration adressée au Landammann, et les operations dont Mr de Senft s’occupe à Berne.

1. AEG, ms hist. 45, f. copie n° 1050 8/20 déc., no 1051 9/21 déc., no 1052 10/22 déc., no 1053 12/24 décembre. En outre, le rapport de Lebzeltern à Metternich du 24 décembre est contresigné par Capodistrias (ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, no 14 Litt. B).

2. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, no 13 (= AEG, ms hist. 46, f. 200-202), rapport de Lebzeltern à Metternich du 21 décembre 1813.

3. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, annexe no 13, copie de la dépêche du comte de Capo d’Istria à Nesselrode, no 17, de Zurich, 9/21 décembre 1813 (= AEG, ms hist. 46, f. 205-207).

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Il estime qu’il y a là contradiction flagrante. Il rappelle plus loin sa propre politique:

Notre opinion respèctueuse etoit fondée sur l’état de l’Esprit public en Suisse, elle derivoit d’un principe simple; elle visoit à un but unique; ne point choquer aucun parti, n’en préferer aucun, c’étoit le Principe — profiter de tous, et plus particulièrement de celui qui etoit dévoué a la bonne cause... c’étoit le but.

Ainsi ne point reconnoitre l’acte de Médiation, et le Gouvernement qui en resuite (parcequ’il est l’oeuvre du gouvernement françois) appeller au gouvernement de la Suisse les anciens Magistrats; constituer une administration provisoire (parceque la Suisse ne peut pas rester sans gouvernement): admettre a cette administration les nouveaux Cantons et le Peuple (parcequ’ils en ont le droit) ... ne point decider de la Constitution permanente de la Suisse que par un travail assidu, et par de longues discussions (parceque c’est de cette seule manière qu’on peut alimenter le bon esprit dans une nation républicaine) .. .telle etoit d’après notre avis la marche simple et reguliére qu’on auroit pu suivre, pour annulier d’abord la Constitution actuelle, et pour en créer une nouvelle, fondée sur les bases de l’ancienne, mais formée du consentement, et avèc le concours de toute la nation et non d’un parti prépondérant.

Il termine ainsi son rapport:

La Convocation de la Diète, et nos rapports avèc le Landammann rendent notre gestion ici penible, difficile, desagréable et peut être nuisible aux Plans qu’on a adoptés, et qu’on execute à Berne.

La transmission de ce document au chancelier autrichien était pour Lebzeltern une manière habile de se tirer d’affaire pour exposer ses propres réticences, mais elle est peut-être bien à l’origine de l’antipathie tenace que Metternich éprouvera par la suite pour le ministre russo-grec.

Lettre de Lebzeltern à Metternich

La réaction du ministère autrichien dut être fulgurante et Lebzeltern tente de se disculper dans une lettre du 25 décembre 18131 au ton volontairement désinvolte et badin. Comme nous n’avons pas de documents similaires dans la correspondance de Capodistrias, retraçant les diffi-

1. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, lettre de Lebzeltern à Metternich, Zurich, 25 décembre 1813 (= AEG, ms hist. 46, f. 228-229).

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cultés quotidiennes aussi bien psychologiques que pécuniaires, ou les moyens employés pour se renseigner, il nous paraît intéressant de la transcrire:

Zurich le 25. Decbre 1813

Mon Prince

Plusieurs passages des Dépêches du 23, me font craindre mortellement, que Votre Altesse n’ait trouvé dans mes rapports, mes opinions trop hazardées ou délivrées trop ouvertement. Daignez Vous mettre un instant à ma place mon Prince et Vous m’excuserez. Ce Pays et ses habitans ne ressemblent point aux autres, dès qu’il s’agit de leurs affaires archi compliquées, et ceux mêmes qui les connoissoient il y a 12 ans y perdroient leur latin aujourd’hui depuis que Pacte de mediation a multiplié à l’infini les intérêts publics et les interets personnels. Ce n’est qu’en se cuirassant envers et contre tous, en conservant une attitude glacée au milieu des passions, que l’on peut parvenir à y fixer ses opinions. Cette position et le silence absolu de Votre Altesse, m’avoient réduit à n’agir qu’en tatonnant. Encore une fois indulgence de grace mon Prince. Votre Altesse m’a condamné à une besogne bien peu agréable, mais patience.

Obligé à des dépenses trop fortes pour les fonds, qui m’ont été alloués et ne pouvant m’exempter de donner fréquemment à diner, surtout pendant le séjour des Députés (car ce n’est que le verre à la main que les Suisses jasent et se laissent gagner) si Votre Altesse n’a pas véritablement fixé ma délivrance à quelques jours d’ici, je La prie de bien vouloir m’envoyer par le Cte Capo d’Istria, ou par une autre voie, une remise suffisante pour faire face à ces extraordinaires. Les courses faites par moi, les expéditions de Couriers et Estafettes et cent autres choses, m’ont mis à sec.

A une exception près, j’ai vécu avec le C. de Capo d’Istria comme mari et femme, les premiers mois qui suivent leur réunion. Son départ me laisse ici veuf, et dans un moment où le passage fait que chacun s’enferme chez soi. D’ailleurs depuis trois jours on nous évite.

Quel Pays ! il y a de charmantes femmes et elles ne m’ont pas mal accueilli — Mais quels Maris ! ! habitués à vivre collés à leurs femmes, allant se coucher avec elles à 9 heures du soir, ne s’en séparant que pour fumer leur pipe, (et comme celles ci sont très petites leur absence ne passe pas la minute), jaloux, bref une vraie peste mal apprise; et ils appellent cela des vertus et des habitudes républicaines ! !

Le passage est opéré et s’opère. Tout est tranquille et le sera. Le Public est dans la même situation qu’une vierge violée les premières heures qui suivent la défaite après une foible résistance. Luttant encore avec la vertu et ses premières habitudes, elle ne

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sait si elle doit rire ou pleurer; elle est saisie, confuse, honteuse—; la seconde fois tout cela s’affoiblit, et bientôt de nouvelles habitudes remplacent remords, confusion, surprise, frayeur etc. C’est ainsi qu’est et sera le Public à l’égard du passage pourvu que le même ordre y règne, et qu’on ne mange pas tout. Au fond, Votre Altesse nous a tout uniment fait jouer le role sublime de Maquereaux dans cette affaire aux yeux de la majorité, qui ne croit pas à notre innocence, quoique nous en puissions dire.

Dans une autre lettre datée également du 25 décembre 1813,1 Lebzeltern signale à Metternich: «Mr de Capo d’Istria a reçu cette nuit l’invitation de se rendre au Qer Genî de son Souverain; je serois parti avec lui [...,] sans la persuasion que le départ de tout deux eut jetté l’allarme dans le Pays.» Il ajoute que Capodistrias a retardé son départ pour se charger de ce rapport, et craignant peut-être d’avoir compromis son collègue dans ses rapports précédents, il ajoute: «Les connoissances de Mr de Capo d’Istria très supérieures aux miennes, sur tout dans les affaires qui concernent la Suisse, rendent son retour d’une utilité et même d’une nécessité réelle. — Jusqu’à ce qu’il revienne je calmerai Mr le Landammann autant qu’il le faut pour l’entretenir dans ses bonnes dispositions actuelles.»

Capodistrias chez le tsar

Capodistrias a retracé dans son autobiographie l’accueil qui lui fut réservé par l’empereur:2

Sa Majesté Impériale me reçut et me dit d’abord: «J’espère que vous n’avez pas signé la déclaration autrichienne». — «Tout au contraire, Sire, je l’ai signée et je viens vous soumettre quelques observations sur les avantages que la Suisse et la cause européenne peuvent retirer de cette complication imprévue».

«Je ne m’attendais pas à vous voir débuter par une déviation complète des instructions que je vous avais données». — «Daignez m’entendre, Sire, et puis condamnez moi».

Capodistrias se justifiera en soutenant que toute divergence entre la politique des deux Cours révélée aux magistrats suisses aurait entraîné un risque immédiat de guerre civile; par contre, en cédant sur le point de la déclaration, le tsar pouvait exiger en contrepartie que le

1. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, no 15. (= AEG, ms hist. 46, f. 230-232). Rapport de Lebzeltern à Metternich, du 25 décembre 1813.

2. Autobiographie, p. 184. Cf. A.I.K., t. I, p. 17.

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gouvernement autrichien désavoue les agissements du comte de SenftPilsach à Berne. Le tsar finit par se ranger à cet avis et confia à Capodistrias le soin de rédiger le plus promptement possible le projet d’instruction à remettre par Metternich à Lebzeltern et à Schraut. Capodistrias conclut:1

l’Empereur, en prenant connaissance de toutes mes rédactions, daigna me dire: «Ce n’est pas en Suisse que vous ferez votre carrière, et je suis bien aise de vous en prévenir. Cependant continuez ce que vous avez si bien commencé, et toutes les fois que vous aurez besoin de nouvelles directions, adressez-vous à moi et à moi seul»).2

Réaction du Landamman à la note des Puissances alliées

Pour en revenir au 20 décembre, le landamman, bouleversé par l’invasion, écrivit une lettre de reproches très amère à Metternich, qu’il confia à Lebzeltern. Celui-ci jugea préférable de ne pas la remettre à son destinataire et s’en justifia avec tact et fermeté dans une lettre à Reinhard, datée du 21 décembre, dont voici le passage le plus important:3

Ce matin j’ai adressé à Votre Excellence des explications par écrit et verbalement, propres à dissiper tout mal entendu et à exciter des sentimene conciliatoires, fraternels mêmes, dans le coeur de tout Suisse ami de Sa patrie et de ses véritables intérêts. Mais Votre Excellence en S’écartant de la nature de la communication dont nous étions convenus hier au soir et passant sous silence, celles que j’ay l’honneur de Lui faire aujourd’hui, me charge de transmettre à S.A. Monsieur le Prince de Metternich et par la voie de ce Ministre aux hautes Cours alliées, une Lettre (portant la date d’hier) où des sentimens se trouvent énoncés, tellement opposés à ceux qui animent Leurs Majestés Impériales et Royales envers l’estimable Nation Suisse, ainsi qu’à Leurs généreuses intentions, que je croirois manquer à mon devoir en faisant parvenir par mon canal une déclaration de ce genre aux Augustes Alliés.

1. ibidem, p. 187.

2. Lascaris, op. cit., p. 42. L’auteur pense que par cette dernière remarque, le tsar cherchait à écarter des affaires suisses Nesselrode qu’il soupçonnait d’être trop favorable à la position de l’Autriche. Nous nous demandons si dans l’esprit du tsar, il ne s’agissait pas plutôt d’éviter désormais l’habitude qu’avaient prise les deux députés de rédiger des rapports communs et de les signer conjointement.

3. ARCHIVES FÉDÉRALES, KE no 574, f. 31-32.

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Assurément Ils eussent été surpris en la recevant de la part d’un Magistrat distingué par son patriotisme, qui jouit de la confiance publique et qui par là s’est attiré l’estime de Leurs Majestés, au moment où Elles voient tous les Etats se rallier à Leurs Légions victorieuses, pour la défense de la cause sacrée de l’Europe, d’une cause qui doit assurer Paix et liberté aux Nations.

En soumettant sa Lettre à une réflexion plus mûre et plus calme, Votre Excellence appréciera dans sa sagesse combien mes observations sont fondées [...].

A vrai dire, Lebzeltern transmet parfaitement à Metternich la lettre de Reinhard et sa propre réponse, en annexe à son rapport du 21 décembre, avec le commentaire suivant:1 «En me chargeant de la transmission de la protestation peu mesurée du Landammann, elle eut peut être facilité les plans qui peuvent subsister envers ce Gouvernement, mais il m’a paru n’être point de la dignité de Leurs Majestés ni de Leurs représentants, d’admettre une Pièce où les sentiments et les intentions des Augustes Alliés sont tellement dénaturés. Dans une réponse au Landammann, ... j’ai taché de conserver tout le calme possible.»

Quant à l’armée autrichienne, elle traverse sans rencontrer de résistance le plateau suisse, sous le commandement du général Bubna qui se montre d’une grande prudence politique, surtout dans ses rapports avec les Bernois et les Vaudois. Il arrive à Genève, première place française qui lui ouvre ses portes le 30 décembre 1813 et l’accueille en libérateur.

Coup d’Etat à Berne

Pendant que les armées alliées poursuivaient leur marche à travers la Suisse, le landamman Reinhard et ses collaborateurs se trouvaient rapidement confrontés à des problèmes vitaux pour la Confédération. Problèmes locaux créés par le rétablissement de l’Ancien Régime et les intrigues autrichiennes à Berne; problèmes généraux concernant le gouvernement central: fallait-il maintenir la Confédération égalitaire des XIX cantons établie par l’Acte de Médiation ou revenir au régime d’avant la Révolution, soit à la Confédération des XIII cantons, dominée par la toute-puissance bernoise?

En ce qui concerne Berne, nous avons vu qu’un certain nombre d’aristocrates formant le comité de Waldshut connu aussi sous le nom

1. ARCHIVES D’ÉTAT DE VIENNE, Schweiz. Berichte, fasc. 247, no 13 Litt. B. (= AEG, ms hist. 46, f. 200-204). Rapport de Lebzeltern à Metternich du 21 décembre 1813.

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de «Club Viennois» attendaient avec impatience le feu vert autrichien pour s’emparer du pouvoir et rétablir le gouvernement de l’Ancien Régime. Un grand nombre de patriciens tout de même ne partageaient pas ces vues et restaient fidèles à l’Acte de Médiation; ils se groupèrent autour du général de Wattenwyl; mais celui-ci, retenu par son commandement militaire loin de Berne, ne put agir efficacement au moment voulu; de même que le chef du gouvernement, l’avoyer de Freudenreich, n’osa pas prendre avec la vigueur qui s’imposait les mesures nécessaires contre les membres du comité secret qui étaient tous des parents ou des amis.

Le film du coup d’Etat fut le suivant: le 19 décembre 1813, le comte de Senft-Pilsach, ancien ministre du roi de Saxe mais au service de Metternich depuis peu, arrive à Berne, après un arrêt au quartier général à Aarau où il a prévenu officieusement de Wattenwyl de l’entrée imminente des troupes alliées en Suisse. Dans ses Mémoires, il définit sa mission de la façon suivante: ... «Me rendant à Berne, je devais suivre le mouvement aristocratique qu’on croyait suffisamment préparé par les soins de M. de Salis et les instructions données à M. de Schraut, mais qu’il importait de voir accompli avant l’entrée des troupes autrichiennes, dont la présence lui aurait ôté son caractère de spontanéité».1

Le lendemain, il demande la convocation extraordinaire du Conseil d’Etat de Berne et, bien qu’il soit là sans lettre de créance et à titre tout à fait officieux, il suggère la démission du gouvernement officiel et le rétablissement du gouvernement de l’Ancien Régime. A sa grande surprise, le gouvernement ne cède pas et décide de rester fidèle au poste.

Le 22 décembre, il revient à la charge et dans une note très habile, réussit à convaincre l’avoyer qui, avec d’autres membres du gouvernement, était ébranlé par la marche foudroyante de l’armée alliée en Suisse et par la promesse formelle de la restitution des anciennes possessions bernoises du Pays de Vaud et de l’Argovie. Le jour suivant, «au moment où les premiers Autrichiens faisaient leur entrée dans la ville»,2 le Grand Conseil vote l’abrogation de l’Acte de Médiation et abdique. Le 24 décembre, les survivants de l’ancien gouvernement patricien prennent le pouvoir et lancent une proclamation de ton très paternaliste qui fit l’effet d’une bombe dans les nouveaux cantons; on peut en juger par le passage suivant: «Dès l’époque de cette publication, les deux gouvernements d’Argovie et de Vaud, ainsi que leurs subordonnés, sont

1. William Martin, op. cit., p. 147.

2. Dierauer, Histoire de la Confédération suisse, t. V, lère partie, p. 368.

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chargés d’arrêter l’état de leurs caisses, appuyé de pièces justificatives authentiques et de les tenir à notre disposition sous leur responsabilité personnelle. Nous leur ordonnons pareillement que tous les arsenaux, poudres et munitions soient mis sous scellés et fidèlement conservés...».1 Même Metternich, qui avait pourtant toutes les raisons de jubiler, ne put s’empêcher de commenter: «C’est moins l’appel d’une mère à ses enfants que le cri d’un vautour fondant sur sa proie.»2 Les gouvernements des deux cantons menacés protestèrent vigoureusement contre cette proclamation, et leurs peuples furent près de prendre les armes pour défendre leur indépendance.

En fait, Senft avait échoué dans sa mission et mérité le désaveu qu’il recevait quelques jours plus tard.3 Cet échec, nous le constatons dans la modération dont fit preuve le général de Bubna qui, arrivé à Lausanne le 26 décembre, décida après des conversations avec le landamman Monod, le général de Bovéréa et divers membres du gouvernement vaudois, de ne pas intervenir dans les affaires intérieures du canton et continua sa route sur Genève.

Nous le constatons également dans la lettre très habile que Lebzeltern écrit de son propre chef à Senft de Zurich le 26 décembre, mais dont il envoie copie à Metternich.4 En voici l’essentiel:

Monsieur le Comte

Je rends mille grâces à Votre Excellence pour la communication qu’Elle a eu la bonté de me faire et pour le développement que Vous avez bien voulu y ajouter sur vos propres opinions relativement à l’état des choses. Peut être, avec plus de connoissances sur ce Pays, je verrois exactement, comme Vous, Monsieur le Comte, mais j’avoue, que d’après celles que j’ai acquises depuis mon arrivée, c’est à dire depuis une époque très récente, ma manière de voir diffère en plusieurs nuances de la vôtre [...].

En attendant, la démarche consommée du Canton de Berne nous jette ici dans un véritable embarras. Elle a fait la plus fâcheuse impression parmi ceux même qui se témoignent être le plus accommodans.

Prêts à se reconstituer par eux mêmes, et sous l’égide des Grandes Puissances, d’après les vues des Alliés, comme d’après les intérêts de la Suisse, de manière à concilier les intérêts de tous, ils sont heurtés de ce qu’un seul parti, un seul Canton s’erige

1. Van Muyden, op. cit., p. 58.

2. Van Muyden, op. cit., p. 59.

3. W. Martin, op. cit., p. 111.

4. AEG, ms hist. 46, f. 75.

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en Législateur de tous et détache deux Cantons de cet ensemble. Ils y trouvent une contradiction manifeste avec les assurances des Alliés. Prêts à se rassembler en Diète (mesure point contrariée par les Puissances), et de la déclarer permanente, vu l’urgence du moment, afin de ne point la transférer à Lucerne et exclure Mr de Ruttimann de la Régence, obligés à décider ce point avant le 1er janvier, doivent ils aujourd’hui admettre les députations de Vaud et Argovie? [...]

Et il ajoute:

Je ne doute pas que la révolution ne s’opère sans agitation tant que la force armée sera là ou tout près — mais je trouve que l’intérêt principal des Puissances est qu’il résulte de cette révolution un état de tranquillité et de convenance réciproque, qui survive à l’éloignement de l’armée [...].

Nous constatons enfin cet échec dans le fait que l’empereur Alexandre, à l’instigation de Capodistrias, obtient que Metternich désavoue officiellement les agissements de Senft-Pilsach; celui-ci quitta Berne discrètement le 3 janvier 1814. Le chancelier d’Autriche, qui avait eu la prudence de ne remettre aucune instruction écrite à Senft, put facilement s’exécuter sans se déjuger.

Rescrit d’Alexandre Ιer à Capodistrias

Dès ce moment, la diplomatie russe prend le dessus. Si nous nous référons au récit que Capodistrias fait de son entrevue avec le tsar à la fin du mois de décembre,1 le ministre semble avoir suggéré au tsar, très préoccupé de regagner la confiance des Suisses, de lui adresser un rescrit où il ferait part à son ministre des intentions bienveillantes qu’il nourrit à l’endroit de la Confédération, et que le ministre montrerait aux magistrats «qui méritent notre confiance». Capodistrias fut chargé d’en rédiger le projet et nous avons la chance de posséder aux Archives de Genève une copie du projet où les termes de «Sa Majesté» et la troisième personne sont chaque fois biffés et remplacés par la première personne. Certains passages méritent d’être cités: ils vont en effet déterminer la ligne de la politique suivie par Capodistrias au cours des mois suivants:2

1. Autobiographie, p. 186. Cf. A.I.K., t. I, p. 18.

2. AEG, ms hist. 45, f. 11v-12, no 1063, copie publiée par W. Martin, op. cit., p. 188-189. Entre parenthèses, ce qui est biffé dans le ms.

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Monsieur le Comte Capodistria

(Sa Majesté l’Empereur a daigné vous communiquer de vive voix ses) je vous ai communiqué mes intentions, relativement à la Suisse, avant votre premier départ pour ce pays et à présent que vous allés vous y rendre pour y remplir une mission importante. Dans la pièce ci jointe vous trouverez une instruction qui est commune au Chev. de Lebzeltern et à vous et d’après laquelle vous réglerez en Suisse vos démarches officielles. (Sa Majesté Impériale cependant) Je désire cependant que vous ayez par écrit les instruction verbales qu’(Elle) je vous ai données. Elles sont consignées dans les articles suivants: 1° (Sa Majesté voulait) Mon intention a été constamment de laisser la Suisse en repos, de respecter sa neutralité et de ne point toucher à sa constitution actuelle. (Elle était) J’étais dans la ferme conviction que (ses) mes vues (libérales et bienfaisantes)1 auraient été respectées et que les opérations militaires n’auraient dans aucun cas, nécessité ni la violation du territoire suisse, ni aucune mesure tendante à produire des changements dans la constitution de ce pays. Vous n’ignorez pas la suite des événements et des résolutions précipitées que le ministère autrichien a pris à mon insu et qui amenèrent l’armée (autrichienne) en Suisse, ainsi que la Révolution de Berne. Dans cet état de choses, (l’Empereur s’est) je me suis trouvé dans la pénible alternative ou de tenir fermement à (Ses) mes principes (libéraux) et faire naître par là une divergence d’opinions qui (était) serait très nuisible aux intérêts de l’Europe, ou d’admettre des modifications dans (Ses) mes principes à l’égard de la Suisse, dans le but de préserver cette nation d’une guerre civile ou du malheur de l’étouffer en abandonnant son sort à la seule protection de l’Autriche.

En considérant que cette Puissance s’était déjà ouvertement déclarée pour le Patriciat de Berne, et voyant que le parti modéré et par conséquent la grande majorité du peuple suisse restait isolée et victime peut-être d’une fausse politique, (Sa Majesté s’est) je me suis décidé à consentir que l’ordre se rétablisse en Suisse avec mon intervention.

2° Vos instructions combinées avec le Cabinet autrichien vous mettent à même de travailler à cette œuvre importante, d’après (les) mes principes (de Sa Majesté). Vous ne vous en écarterez dans aucun cas, surtout lorsqu’il s’agira de faire décider à la nation suisse du sort des nouveaux cantons et de celui du peuple. (Sa Majesté ne voudra jamais) Mon intention est de ne point intervenir dans (aucunes) des décisions qui puissent porter la moindre atteinte aux droits de la majorité. (Elle veut) Je veux que le bonheur de la Suisse dérive de celui de tous les ordres de ce pays

1. Notons que les deux adjectifs typiquement «capodistriens» ont été supprimés par l’empereur.

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et de tous les cantons. (Elle) Je n’admets aucune ancienne institution contraire à ces principes et à ces vues.

3° (Sa Majesté) Je vous ordonne conséquemment de vous mettre en relation avec les personnes les moins intéressées à l’ancien système politique de la Suisse; vous les écouterez et c’est d’après leurs opinions que vous réglerez les vôtres sur tout ce qui concernera les intérêts des nouveaux cantons. Vous m’en rendrez compte (à l’Empereur), par des rapports que vous m’adresserez directement (à Sa Majesté).

4° (L’Empereur) Je vous engage à faire apprécier aux hommes bien pensants de la Suisse la part (l’importance de ses bienfaits) que je prends au bonheur véritable de leur pays. (Sa Majesté) Je veux que la Suisse soit à elle-même et que sa tranquillité intérieure ainsi que son indépendance politique ne dépendent que de la stabilité de sa constitution. Fondée sur la justice, sanctionnée par le consentement de toute la nation, protégée et garantie par toutes les Puissances de l’Europe, elle sera ferme et inébranlable.

5° Vous aurez auprès de vous des courriers, un secrétaire, un chiffre. Par ces moyens votre correspondance sera libre et (l’Empereur sera) je serai à même de juger de la marche des affaires et de l’éxecution de (Ses) mes ordres.

Parallèlement Capodistrias rédigeait en des termes plus modérés et prudents un projet d’instructions du tsar à Lebzeltern et à lui-même;1 et, portant la mention «à Frybourg le ... Décembre 1813», un projet de note au Landamman2 qui sera textuellement celle remise à Reinhard en date du 1er janvier 1814.3 En obligeant Lebzeltern à contresigner un projet émanant du ministère russe, Capodistrias rendait à son collègue la monnaie de sa pièce. En outre, si l’on considère l’ampleur et l’importance des documents rédigés en si peu de temps par le ministre, on comprend qu’il n’ait pu s’empêcher de mentionner indirectement cette prouesse dans son autobiographie:

(Le tsar:)4 «Mais pouvez-vous en deux fois vingt quatre heures vous entendre avec le ministère autrichien, rédiger les instructions qu’il doit donner à Lebzeltern et à Mr Schraut, préparer vos propres instructions et le rescrit? Il n’y a ici personne auprès de moi qui puisse vous aider...» — «Les Autrichiens, Sire, ne feront aucune difficulté de signer ce que Vous voudrez, et le temps ne me manquera pas...» — «Allez donc — à revoir après demain à onze

1. ibidem, f. 12v-13, ad. no 1063, daté de Frybourg, 17/29 Déc. 1814; W. Martin, op. cit., p. 186-187.

2. ibidem, à la suite, f. 14-15; W. Martin, op. cit, p. 190.

3. Document no 9.

4. Autobiographie, p. 186. Cf. A.I.K., t. I, p. 18.

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heures — et puis si nous n’avions pas fini jusque là, nous travaillerons encore dans la soirée.»

Convention du 29 décembre 1813

Sur le plan fédéral, cette dernière décade de décembre avait été aussi très chargée. A la nouvelle de l’invasion, Reinhard avait convoqué à Zurich une Diète extraordinaire. Dès le 27 décembre, douze cantons y sont représentés; cinq cantons n’ont pas répondu à l’appel — il s’agit de Berne, Soleure, Unterwald, des Grisons et du Tessin.

Des conférences ont lieu réunissant tantôt tous les délégués présents à Zurich, tantôt seulement les représentants des XIII anciens cantons (dix présents). Ce furent ces derniers qui, réunis le 29 décembre dans la demeure privée de Reinhard, décidèrent de se constituer en Assemblée fédérale, abrogeant ainsi l’Acte de Médiation, et arrêtèrent les articles de la Convention du 29 décembre 1813 qui tint lieu de constitution à la Confédération jusqu’à l’adoption du Pacte fédéral de 1815.

Reinhard communique le jour même cette convention au chevalier de Lebzeltern,1 en l’absence de Capodistrias qui ne revint du quartier général que le 31 décembre. Dans les jours suivants, tous les cantons — nouveaux ou anciens — la ratifièrent, de plus ou moins bonne grâce, à l’exception des Grisons qui hésitaient à ce moment-là à faire sécession de la Confédération, et de Berne qui ne pouvait admettre que l’existence des cantons d’Argo vie et de Vaud ait été implicitement reconnue.

D’après l’Acte de Médiation, la Diète aurait dû se transporter à Lucerne le 1er janvier 1814, et le landamman Büttimann remplacer Reinhard comme landamman de la Suisse. Mais pour des raisons de commodité — et peut-être aussi parce que l’on se méfiait tant en Suisse qu’au quartier général des opinions politiques de Büttimann, fort fluctuantes au cours des années précédentes, Lebzeltern et Capodistrias demandèrent, au nom de leurs gouvernements, que Zurich restât provisoirement Vorort de la Suisse et Reinhard à la tête de la Confédération, ce qui fut accordé.

1. Abschied 1813-1814, p. 34-35, lettre de Reinhard à Lebzeltern, Zurich, 29 décembre 1813, et réponse de ce dernier du même jour (ARCHIVES FÉDÉRALES, KE no 574, f. 44-45).

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Seconde note des Puissances alliées du 1er janvier 1814

De retour du quartier général, le ministre russe transmettait le 31 décembre au landamman Reinhard un paquet de lettres et lui demandait une entrevue pour le lendemain (Document n° 8). Le 1er janvier 1814, Capodistrias et Lebzeltern lui remettaient solennellement la note rédigée à Fribourg-en-Brisgau, dont les conséquences furent capitales pour la Suisse (Document n° 9). Les représentants des cantons étaient invités à rédiger sans tarder une constitution sanctionnée «par le suffrage de la nation», formule assez vague qui ne résolvait pas la question de savoir si ce serait l’œuvre des XIII ou des XIX cantons. Les Alliés promettaient par contre la restitution des territoires annexés par la France, ce qui était une sorte de dédommagement pour la violation de la neutralité.

Dans ses délibérations du 2 janvier, l’Assemblée décida de tenir dans un premier temps cette note secrète ; mais elle forma tout de même une commission de six membres, sous la présidence du bourgmestre Pfister de Schaffhouse, qui se mit immédiatement à l’œuvre et fut à même de présenter un projet de constitution dans les premiers jours de février.

Le 4 janvier, Reinhard envoyait au nom des députés une réponse officielle avec un programme de travail très clair:1

[...] Ayant prononcé par la convention du 29 décembre la dissolution des rapports fondés sur l’acte de médiation, l’Assemblée des députés des cantons, placée dans une position impartiale entre l’ordre de choses ancien et celui qui finit, désire de voir ressortir les bases du nouveau code fédéral des principes simples et féconds, approuvés déjà par la grande majorité des cantons, et auxquels l’on espère de voir bientôt se rallier les autres.

Ce code fédéral, dans lequel doivent résider l’union et l’indépendance de la Suisse, est le travail dont la Diète aura essentiellement vocation de s’occuper; celui des constitutions particulières rentre dans la compétence cantonale, sauf l’impulsion de la Diète en tant qu’elle pourrait être utile, et la garantie qui résulte nécessairement du lien fédéral.

On remarquera que chaque canton est invité à rédiger sa propre constitution, ce qui sera réalisé dans des laps de temps très variables et souvent après plusieurs injonctions comminatoires de Capodistrias.

1. Abschied, 1813-1814, p. 39.

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Troubles civils en Suisse Rapport de Capodistrias au tsar

L’activité intense que déploie Capodistrias dès son retour du quartier général jusqu’à sa visite à Alexandre à Bâle le 16 janvier peut être retracée grâce à un certain nombre de documents.

Lebzeltern et Capodistrias ont signé conjointement un rapport à Metternich en date du 8 janvier, où ils mentionnent pour la première fois qu’ils ont proposé aux Bernois une transaction qui est en fait la solution à laquelle on aboutira plusieurs mois plus tard: Berne renoncerait définitivement à ses droits sur les cantons d’Argovie et de Vaud, mais recevrait des compensations territoriales sur les pays attribués à la Suisse lors de la paix générale.1

Capodistrias utilise alors pour la première fois l’autorisation que l’empereur lui a accordée de correspondre directement avec lui, et cette lettre du 8 janvier est trop importante pour ne pas être reproduite ici:2

Zurich, le 27 décembre/8 janvier 1814.

Sire. M. de Stürler m’a remis, la lettre que v. m. i. a daigné m’écrire.3 Le conseiller Monod a reçu celle qu’y était annexée pour La Harpe. Elle va le rejoindre — on le suppose en voyage.

La Suisse est tranquillisée sur son sort, et bénit le nom auguste de v. m.

Une députation composée du landamman Reinhard, et d’autres membres de la diète demande la grâce de porter à vos pieds, Sire, l’hommage de la reconnaissance respectueuse de leur patrie. Cette députation voulait venir à la rencontre de v. m. i. à Schaffhouse, j’ai détourné cette idée. Lebzeltern en a été enchanté.

J’ose observer à v. m., qu’il serait très utile, qu’elle accordât

1. W. Martin, op. cit., p. 193.

2. Politique étrangère de la Russie, t. VII, p. 532-534. AEG, ms hist. 45, f. 5, n° 1031 (résumé).

3. Il s’agit probablement de Ludwig-Niklaus von Stürler, né en 1784, aide de camp de l’empereur Nicolas Ier, colonel et commandant du régiment des grenadiers de la garde, mort en 1825 lors de la révolution décabriste à Saint-Pétersbourg (DHBS, t. VI, no 31, p. 400). — Aux Archives d’Etat de Genève, ms hist. 45, f. 15, no 1064, il existe un «Projet d’une dépêche secrète au Comte Capodistrias. Aprouvé Fribourg 22 décembre/3 janvier 1813/1814» concernant une entrevue du général Wattenwyl et du prince de Metternich à Bâle le 20 décembre/ier janvier et informant le comte du désaveu officiel de Senft rappelé de Berne avec ordre de demeurer à Constance. Suit l’ordre au secrétaire de Nesselrode: «Voici la dépêche à Capodistrias avec quelques aditions. Copiez la tout de suite. Mr Stürler étant tout prêt à partir, il ira se présenter chez vous. Expédiez le le plus tôt possible.»

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à ces députés une audience. Un mot de v. m. i. à'ces magistrats qui possèdent la confiance de leurs concitoyens aplanira tous les obstacles que je rencontre à chaque pas.

Ces obstacles sont exposés dans la pièce ci-jointe. Je prends la liberté de prier instamment v. m. de me faire parvenir ses ordres sur les différents points que j’y ai marqués.

L’Autriche avait et a toujours une arrière-pensée relativement aux affaires de la Suisse. Les Bernois ont entraîné le prince Metternich à se prononcer ouvertement. C’est encore pour le bonheur de la Suisse. Nous sommes par là à même d’en profiter pour le bien-être de ce pays et pour les intérêts du service de v. m. i.

C’est dans ce sens que je dirige mon travail. Il est très pénible, car je dois dans chaque circonstance m’emparer de l’esprit et de la plume de mon collègue: jusqu’à présent je me flatte d’y avoir réussi.

M. Stürler fait une course à Berne, en Argovie dans le pays de Vaud, sous le prétexte de voir ses parents. Je l’ai mis en état de faire utilement ce voyage et j’espère d’en retirer quelque profit. J’en rendrait compte à v. m. par le même M. Stürler.

Je suis. . .

Le Comte Capodistrias

Mémoire pour sa majesté impériale

Question bernoise

Berne a des droits de propriété sur Vaud et sur l’Argovie. Elle a incorporé ces cantons sous les auspices de l’Autriche. Elle y renoncera pour le moment si l’Autriche l’exige. Mais ce ne sera que pour faire valoir ces droits lorsque l’Autriche pourra les soutenir sans compromettre des intérêts majeurs. L’Autriche veut une prépondérance en Suisse. Il importe conséquemment aux intérêts de ce pays et à ceux de v. m. i. que l’Autriche consente à ce que la question de Berne soit sans délai décidée définitivement.

Cette conviction basée sur l’opinion des hommes les mieux pensants de la Suisse m’a engagé à proposer un projet de conciliation.

Un acte d’autorité assoupirait pour le moment les prétentions et les droits incontestables de Berne. Il faut faire tomber les unes en rendant justice aux autres. J’ai donc proposé, que Berne renonce par une transaction solennelle à l’incorporation de Vaud et de l’Argovie, et que la diète lui accorde une juste compensation sur des pays que la paix générale fera rendre à la Suisse et sur quelques communes prises sur l’Argovie qui sont à sa convenance.

Les nouveaux cantons y consentiraient. La diète serait prête à signer cet arrangement. Beste que les Bernois veuillent l’accorder. V. m. i. pourrait le vouloir. Le travail que j’ai fait à ce sujet et que je transmets au comte de Nesselrode par l’expédition d’au-

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jourd’hui portera le prince de Metternich à ouvrir une discussion ad hoc.

Il est à souhaiter si le prince obtient le consentement de v. m. i. sur mon projet, que cela ne soit pas sans peine.

Grisons

Il y a eu dans ce pays des mouvements soutenus par des paysans à la solde des Salis, employés autrichiens. Ces gens prétendent détacher les Grisons de la Confédération Suisse et en faire une république alliée de l’Autriche.

Lebzeltern m’a fait lire une lettre du prince de Metternich à ce sujet. Dans le fond le prince n’ose pas avouer ni désavouer ces agents. J’ai parlé bien haut, j’ai annoncé la ferme résolution de donner une note solennelle au nom de v. m. i. par laquelle j’aurais déclaré que ces mouvements insurrectionnels n’étaient nullement autorisés par elle. Lebzeltern en a été effrayé. Il a écrit d’une manière satisfaisante au landamman. L’insurrection sera peut-être assoupie.

Pacte fédéral

Deux opinions bien prononcées partagent les membres de la diète sur la forme à donner au gouvernement de la confédération. Les uns prétendent rétablir l’ancienne forme, c’est-à-dire les républiques souveraines de la Suisse du siècle passé. Les autres veulent conserver la forme actuelle avec quelques modifications.

Adopter ce qui a existé une fois ce serait vouloir l’anarchie de la Suisse. Ce serait livrer ce pays à la France et à l’Autriche et creuser son tombeau.

Il est de la plus grande urgence que v. m. i. me fasse parvenir ses ordres à ce sujet, et que je reçoive des instructions positives et accordées avec celles que Lebzeltern recevra.

Organisation des cantons

J’ai fait adopter pour principe de la nouvelle organisation des cantons:

1. qu’on ne reconnaîtra aucune caste privilégiée;

2. que la caste des gouvernants sera composée des plus grands propriétaires, des hommes qui jouissent par leur moralité et par leurs lumières de la confiance générale.

Il suit de là que le peuple n’est point exclu du droit de parvenir au gouvernement et que l’ancienne noblesse n’est pas écrasée.

Ce système sera exécuté aisément dans plusieurs cantons. Lucerne, Argovie, le Tésin présentent des difficultés. Pour les aplanir sans que l’ancienne aristocratie abuse de la circonstance ou que les démocrates s’abandonnent à des excès je demande à v. m. i. l’autorisation de me rendre sur les lieux et dans le cas de besoin de communiquer par écrit à ces cantons les intentions paternelles de v. m. i.

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Importance d’accélérer l’organisation de la Suisse

Dans les républiques on parle beaucoup, on se décide difficilement, et: l’on n’opère qu’avec une grande lenteur.

En Suisse il y a plus. Les partis qui la divisent espèrent chacun de son côté gagner complètement par le temps et les événements le procès qu’ils sont assurés de perdre en grande partie dans ce moment-ci.

La grande majorité ne forme aucun parti. Elle risque pourtant d’être la victime des ambitieux et des intrigants.

Il importe donc de presser le comité central de législation et les cantons, de procéder sans délai à la confection et à la sanction d’un code constitutionnel.

Pour obtenir cet effet j’ai touché une corde qui fait frémir de terreur tous les esprits. J’ai démontré à tous les députés que si la paix générale ne trouve point leur patrie solidement constituée, son indépendance et peut-être même son existence politique seront compromises.

J’ose demander à v. m. i. l’autorisation de donner en cas de besoin, même par écrit, une déclaration dans ce sens.

Il serait très essentiel que v. m. i. daignât faire sentir cette urgence au landamman et à sa députation qui va arriver à Bâle.

Le comte Capodistrias

Quelques remarques s’imposent: Capodistrias tiendra régulièrement l’empereur et le ministère au courant des troubles dans les Grisons; mais il laissera vraisemblablement Lebzeltern intervenir dans une affaire qui dépendait pour beaucoup de l’Autriche. En tout cas, aucun document signé par l’homme d’Etat russe ne figure dans les Archives d’Etat de Coire.

On peut relever également la clause 2 dans l’organisation des cantons. Cette proposition qui privilégie du point de vue politique les grands propriétaires, est constamment reprise au cours des mois suivants par Capodistrias et semble lui tenir particulièrement à cœur, alors que ce type de critère est étranger à la mentalité suisse.

Par contre, pour être si bien renseigné sur la situation helvétique, il a dû fréquenter assidûment ses amis zurichois, en particulier Heinrich Jakob Meister. S’il est difficile de dater avec certitude le billet d’invitation à un dîner (Document n° 10), le Document n° 11 porte la date du 5 janvier et l’on peut supposer que le travail dont Capodistrias a parlé à Meister et dont il aimerait discuter avec lui est précisément ce Mémoire du 8 janvier destiné à l’empereur.

Le 11 janvier, deuxième lettre de Capodistrias à l’empereur Alexan-

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dre,1 d’un ton beaucoup plus alarmiste. A cette lettre est joint un rapport du landamman Monod2 sur les événements de Berne et de Soleure, qui fait ressortir les risques certains de guerre civile. Enfin, par sa lettre du 12 janvier,3 Capodistrias met son souverain au courant du coup d’Etat réactionnaire qui a eu lieu à Soleure et de la présence très active d’émissaires autrichiens dans plusieurs villes suisses.

Les souverains alliés à Bâle

Mission genevoise

Le 13 janvier 1814, les souverains alliés faisaient une entrée solennelle à Bâle, qui devint pour quelques jours le siège du quartier général. Immédiatement, des députations affluent de toutes les parties de la Suisse: députation officielle de la Diète dirigée par Reinhard et Aloys de Beding; députations de cantons aux intérêts souvent contradictoires: celles de Berne, Argovie, Vaud, Soleure, Neuchâtel, Bienne, des Grisons, du Valais et enfin de Genève.

Nous sommes particulièrement bien renseignés sur la mission genevoise composée des conseillers Joseph Des Arts, Saladin de Budé et Charles Pictet de Rochemont.4 Des Arts, qui a joué un rôle actif dans la restauration du gouvernement d’avant la révolution à Genève, est un réactionnaire qui préférerait comme son collègue Saladin de Budé et le syndic Ami Lullin le rétablissement d’une République indépendante à Genève, protégée par ses puissants voisins, la France, la Savoie et Berne, alors que Charles Pictet de Rochemont, comme beaucoup de ses compatriotes, est partisan d’un rapprochement plus marqué avec la Confédération suisse.5

1. Politique étrangère de la Russie, t. VII, p. 541-542 (résumé dans AEG, ms hist. 45, no 1032, n° 2).

2. Monod, op. cit., t. I, p. 187, annexe XXXII.

3. AEG, ms hist. 45, f. 5v, no 1033, no 3, W. Martin, op. cit., p. 194.

4. Voir à ce sujet AEG, R.G. 1814, entre f. 59 et 60: Rapport de Monsieur le Syndic Des Arts fait au nom de la Députation envoyée à Leurs Majestés les Empereurs d’Autriche et de Russie et le Roi de Prusse. Le 29 Janvier 1814. Il existe une autre version de ce rapport dans les Papiers Des Arts, VIII 2. Le rapport utilise pour de larges extraits le journal tenu par Charles Lullin (Archives Lullin, dépôt 1955, carton 4): Journal de la Députation envoyée à Bâle, auprès des Souverains Alliés, et composée de MM. Des Arts syndic, Saladin de Budé, Pictet de Rochemont: députés; Charles L. Lullin, Saladin fils, Louis Pictet, major: attachés. Minute de la main de Mr Ch. Lullin incomplète.

5. Paul Waeber, La formation du canton de Genève, 1814-1816, Genève 1974, p. 74 et sv. Ouvrage le plus récent et le plus fouillé sur la Restauration à Genève.

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A Bâle, Des Arts et Saladin fréquenteront un peu les Bernois, avec lesquels ils partagent la crainte du «péril jacobin» que présente le Pays de Vaud pour ses voisins, mais plus encore les députations du Valais et des Grisons — Des Arts voit à deux reprises le comte de Salis ! — qui, elles aussi, cherchent à obtenir pour leurs patries le statut de républiques indépendantes alliées de la Confédération.

Pour sa part, Pictet de Rochemont avait rendu visite en cours de route à son ami le pédagogue et agronome bernois Philippe-Emmanuel de Feilenberg à Hofwil près de Berne, qui lui avait donné une lettre de recommandation pour le baron de Stein1 — et non pour Capodistrias qu’il ne devait pas encore connaître. Le 10 janvier, Pictet de Bochemont, qui profitera d’ailleurs de chaque occasion de rencontre avec les Busses haut placés pour parler de ses établissements d’élevage de moutons près d’Odessa — c’est un sujet que nous retrouverons dans plusieurs de ses lettres à Capodistrias dans les années suivantes —, Pictet a une première entrevue avec Stein, qui le charge de la rédaction d’un mémoire sur la question genevoise; Stein l’encourage à revendiquer hardiment les territoires qui pourraient permettre à Genève de former un canton digne de ce nom et accolé à la Suisse. En fait, les Alliés sont préoccupés, beaucoup plus que des intérêts de la République de Genève, de donner à la Confédération une frontière occidentale viable qu’elle pourrait défendre contre son puissant voisin.

Ce mémoire est remis deux jours plus tard à Stein, en même temps qu’un mémoire de Des Arts sur la même question, qui fait apparaître très clairement les divergences de vue de la députation. En fait, pour que la politique genevoise devienne cohérente, il faut attendre le Con-

1. ibidem, p. 81. Dans une lettre du 2 janvier 1814 à Pictet, Feilenberg écrit: «Le ministre de Stein est notre homme par excellence». Si l’on se réfère à l’ouvrage fondamental de Kurt Guggisberg, Philipp Emanuel von Fellenberg und sein Erziehungsstaat, 2 vol., Berne 1953, dont nous tirerons la plupart des renseignements sur Fellenberg (ici t. II, p. 324 et sv.), nous pouvons constater qu’à côté de ses activités pédagogiques, Fellenberg s’est préoccupé de questions politiques au cours de cette courte période de la Restauration. Il semble s’être rendu au Q.G. de Fribourg-en-Brisgau pour exposer aux Alliés la situation dramatique de la Suisse, et avoir obtenu des entrevues auprès de Metternich, Stein et Humboldt. Dans une lettre du 30 décembre 1813 au landamman Reinhard, il révèle qu’il est «au mieux» avec les ministres Humboldt et von Stein, d’où le conseil donné quelques jours plus tard à Pictet de s’adresser de préférence à Stein, qui malheureusement devait tomber en disgrâce peu après. L’entrevue avec Metternich paraît avoir été plus laborieuse. Ce même 30 décembre, Fellenberg aurait écrit une lettre à Capodistrias au sujet des décisions à prendre dans l’immédiat, lettre que malheureusement nous n’avons pas pu repérer.

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    Lebzeltern de conclure dans son rapport du 14 décembre à Metternich:1 ... «Ils ne demandent plus que de capituler sur les formes à observer pour mettre leur responsabilité à couvert et éviter des désagréments des deux côtés.» Ce rapport, parvenu au quartier général le lendemain, joue un rôle déterminant dans la décision d’intervention des Alliés.

    Il était à prévoir que l’attitude de Wattenwyl et celle du colonel Herrenschwand chargé de la défense de Bâle (point stratégique de première importance), lequel signa le 20 décembre la capitulation de Bâle avec l’accord de son général, seraient par la suite très critiquées par de nombreux Suisses, surtout des officiers et des soldats qui n’admettaient pas que l’on ait déposé les armes si facilement.2

    Les troupes autrichiennes qui franchissent les ponts de Bâle, de Schaffhouse et de Rheinfelden dans la nuit du 20 au 21 sont précédées par une proclamation du maréchal prince de Schwarzenberg qui se présente au pays comme un libérateur,3 proclamation rédigée à l’instigation de Lebzeltern et de Wattenwyl.

    Note des Puissances alliées du 20 décembre 1813

    Ce même 20 décembre 1813, Lebzeltern et Capodistrias adressèrent au landamman une note pour l’informer officiellement des intentions de leurs souverains qui «ne peuvent admettre une neutralité qui... n’existe que de nom», mais offrent en contrepartie du passage de l’armée la restitution des territoires annexés par Napoléon et promettent de ne pas s’immiscer dans l’organisation intérieure de la Confédération (Document n° 7).

    Cette note, rédigée par Metternich en personne, devait être signée conjointement par Lebzeltern et Capodistrias. Béveillé à l’aube par son collègue, Capodistrias réfléchit plus d’une heure dans la solitude avant de se décider à contresigner le document qui contrecarrait les instructions de son maître. Il partira immédiatement après au quartier général pour s’expliquer.

    Pas aussi immédiatement qu’il voudrait nous le faire croire dans son autobiographie, puisque nous constatons qu’il écrit encore à Nessel-

    1. W. Martin, op. cit., p. 82. AEG, ms hist. 46, f. 183v, rapport de Lebzeltern à Metternich du 14 décembre 1813.

    2. B. van Muyden, La Suisse sous le Pacte de 1815, Lausanne 1890, p. 30.

    3. ARCHIVES FÉDÉRALES. Période de la Médiation 1803-1813, KE no 574, f. 35-37. Van Muyden, op. cit., p. 24-25; W. Martin, op. cit., p. 114-115.